Le mystère zoologique du loch Ness
Le 18 juin 2018, le biologiste Neil Gemmell de l’Université d’Otago (Nouvelle-Zélande) a déclaré au moment d'effectuer des prélèvements des eaux du Loch Ness : « Nous utilisons l’ADN environnemental pour contrôler la biodiversité marine. Dans quelques litres d’eau, nous pouvons détecter des milliers d’espèces. (...) L’objectif : repérer les cellules perdues par l’animal lorsqu’il évolue dans son environnement. (...) S'il s'agit d'une entité biologique et qu'elle nage dans le Loch Ness, elle devrait laisser des traces de sa présence dans les cellules et dans l'ADN que nous pouvons extraire. (...) Les grandes espèces ne sont souvent plus détectées dans les habitats où elles se trouvaient auparavant. Cependant, il est difficile de savoir si cette diversité apparente manquante ou « sombre » de mégafaune résulte de la disparition d'espèces locales ou de l'incapacité de détecter les individus restants insaisissables ».
Les passionnés de cryptozoologie de rappeler la découverte d'espèces panchroniques qui n'ont quasiment pas évolué depuis des millions d'années : esturgeons (250 Ma) - lamproie (360 Ma) - limule (445 Ma) - nautile et méduse (500 ma) - éponges (700 Ma), le cœlacanthe découvert le 22 décembre 1938 au large de l'Afrique du Sud qui n'était connu qu'à l'état de fossile, et les restes d'un spécimen appartenant à la famille des ichtyosaures découverts en 1966 sur l'île de Skye. L'animal, long de quatre mètres évoluait dans les eaux de la région il y a 170 millions d’années (Jurassique Moyen) avant de disparaitre quelques dizaines de millions d'années.
La présence d'un monstre dans le Loch Ness est mentionné en 565 dans les chroniques du moine irlandais Saint-Colomban d’Adoman canonisé pour avoir mis le monstre : « surgit du lac avec de grands rugissements et la gueule ouverte », en fuite avec le signe de la croix. Au XIX° siècle, le loch Ness n'a déjà rien d'un endroit isolé. Il est sillonné par six bateaux à vapeur transportant les touristes et achemine le courrier (1873), aucune observation n'est alors rapportée... Les « années folles » marquent l'engouement pour les animaux préhistoriques. Le film Les mondes perdus de Conan Doyle sort en 1925, dans « King Kong », 1933, on voit apparaître un brontosaure dans la Tamise. George Spicer, l'un des premiers témoins compare le monstre à un brontosaure baptisé Nessie par les journalistes. Un cirque propose 20.000 livres sterling pour la capture et livraison du monstre. Été 1934, plusieurs compagnies d'autocars proposent des excursions le long du loch, le restaurant du "coin" sert 900 thés le week-end et toutes les chambres hôtelières sont occupées.
Les témoignages contemporains apparaissent au XIXe siècle après la construction de l'A82 en bordure du lac. Le 2 mai 1933, l’Inverness Courier rapporte l'histoire de Mr et Mrs Mac Kay qui ont aperçus une bête au « corps de baleine » surgir et de s'ébrouer avant de replonger, le 14 avril 1933. Le couple a pu observer l'animal pendant une minute. L'article va être reprit par la presse nationale et le « monstre » rebaptisé Nessie afin de ne pas effrayer les visiteurs des Highlands. Un détail est pourtant venu entacher le fait divers. Le directeur d’un cirque en tournée dans la région a fait baigner ses éléphants dans le Loch Ness : « Les gens qui n’avaient peut-être jamais vu d’éléphant de leur vie ont été très surpris en voyant ces animaux, car seuls la trompe, le dessus de la tête et le dos des éléphants émergeaient, faisant paraître l’illusion d’un monstre aquatique ».
The Daily Mail publie une photo du monstre au mois de mai 1934. Les techniciens de la firme Kodak affirment que la photographie prise d'une distance d'environ 800 mètres est authentique. La photographie va faire le tour de la planète et les témoignages se multiplier. Soixante ans plus tard, Christian Spurling révélera qu'il s’agissait d’un carton découpé fixé sur un sous-marin d’enfant. En 1935, un couple d'Écossais affirme avoir vu la créature traverser la route devant leur automobile. Nessie serait-il un animal amphibie ?
Le député Hugues déclare en 1958 à propos de Nessie : « précieux capital de l'Ecosse ». Dans les années cinquante, on compte trente mille visiteurs par an. Les ruines du château d'Urquhart figurent parmi les principaux sites touristiques de la région et le musée de Drumnadrochit est consacré au monstre. Le tourisme rapporte plusieurs dizaines de millions de livres à la région. Le Loch Ness est situé dans les Highlands (nord de l'Écosse) près d'Inverness et au nord-est de Fort Augustus. Le loch s'étend sur 39 km, sa largeur varie de 1,2 à 2 km, sa profondeur maximale est de 258 m, ses eaux sont tourbeuses (photosynthèse restreinte), la température y avoisine les 5°C, et son Ph est de 6.5 (acidité peu favorable au développement du phytoplancton).
En 1960, un ingénieur parvient à filmer la créature lacustre qui traverse le lac et longe la rive opposée, l'animal présente une bosse de couleur brun rougeâtre. Les scientifiques interrogés n'osent se prononcer, certains parlent de « zoologie spéculative ». L'année suivante, Sir Peter Scott (l’un des fondateurs du WWF) crée le Loch Ness Investigation Bureau dont l'équipe photographiera une nageoire triangulaire de taille imposante en 1972 ! Trois années plus tard, une caméra sous-marine filme « le cou et la partie supérieure d’un grand animal de 6 mètres ». En 1975, l’équipe de Robert Rines du MIT, diffuse une série de photos connue sous le nom de « face de gargouille ». Douze années plus tard, l'examen des mêmes fonds montre exactement la même image, il s'agissait d'un tronc d'arbre. Sur d'autres clichés pris par une caméra immergée déclenchée par le mouvement, on peut y deviner une forme pouvant ressembler à un plésiosaure, un dinosaure aquatique du mésozoïque ! Les Plesiosaures vivaient au Crétacé (135 à 70 millions d'années), mesuraient plus de 18 mètres et avaient 76 vertèbres.
Portait robot de Nessie : la créature a une tête de reptile avec deux appendices tubulaires (comme l'hippocampe), tient son cou en forme de « S » hors de l’eau, a de grands yeux brillants, possède une, deux, voire trois bosses, se déplace en ondulant verticalement, a une queue mobile génératrice d'un remous, se montre plutôt farouche et parait inoffensive. Il pourrait s'agir : d'un Dragon marin, d'un serpent géant, d'une espèce inconnue de pinnipède (mammifère type phoque ou morse), d'une mine fluviale de la Première Guerre mondiale, d'un amas de végétation dérivant, d'une otarie à long cou (megalotoria longicollis), d'un sirénien (mammifère proche du lamantin, du dugong ou de la vache de mer), d'un esturgeon, d'un triton à long cou, d'un requin du Groenland, d'un Elasmosaure (lezard-cygne) qui aurait survécu jusqu'à nos jours, ou d'un plésiosaure. « Le plésiosaure possède deux paires de membres en forme de nageoires. La première paire est attachée à la naissance du cou, la seconde à l'origine de la queue. Le cou compte jusqu'à quarante vertèbres, supporte une tête de crocodile relativement petite, dont les mâchoires sont armées de douze dents puissantes ». A moins que l’on ait affaire à une nouvelle espèce en voie de spécialisation, c'est-à-dire en cours de mutation. Les naturalistes lui ont trouvé un nom scientifique qui désigne le genre puis l'espèce, Nessiteras rhombopteryx, (1975)
La revue National Geographic consacre un article à Nessie en 1977. La BBC diffuse au journal télévisé, en 2007, la vidéo prise par Gordon Holmes qui montre une forme imposante qui se déplace rapidement dans les eaux du lac : « cette chose mesurait environ dix mètres de longueur et filait à toute vitesse ». Gordon a cru qu'il pourrait s'agir d'une très grosse anguille. Selon Eve Feltham, un passionné qui scrute le Loch Ness depuis 1991, il pourrait s'agir d'un silure glane qui aurait été introduit par des pêcheurs : « Cela colle avec la majorité des spécificités observées, mais pas avec toutes ». Le silure peut mesurer jusqu'à quatre mètres de long, peser plus de 400 kg et vivre une trentaine d'années.
Le Loch Ness se situe sur le trajet de la chaîne Calédonienne qui relie la côte est à la côte ouest de l'Écosse et englobe la chaîne scandinave avec une grande partie des îles britanniques. La surface de la terre a subi d'importants changements depuis que la vie est apparue à sa surface, et la répartition de la faune repose sur : la dérive des continents - l'apparition des espèces - les changements climatiques (biogéographie). La vie est d'abord apparue dans la mer à partir de cellules organiques avant d'évoluer à partir de protozoaires unicellulaires aux Métazoaires (méduse par exemple). L'histoire de la terre est connue avec une relative exactitude jusqu'à 3.500 millions d'années.
L'ère archéenne contient toutes les formations géologiques antérieures à l'ère primaire quand la plus grande partie de la terre était occupée par les mers. Les fossiles sont nombreux à partir du Cambrien (541 millions d'années). Les premiers poissons apparaissent à l'Ordovicien (485 Ma) et deviennent abondants au Silurien (443 à 420 Ma). Les amphibiens sont représentés par le groupe des stégocéphales (grands amphibiens qui ont réalisé la sortie des eaux) au squelette partiellement ossifié. Au Dévonien (420 à 359 Ma), une grande partie de l'Écosse, de l'Angleterre, de la Bretagne et du Cotentin est couverte par une mer intérieure. Le Carbonifère (359 Ma) voit l'apparition des reptiles.
L'ère secondaire (252 à 66 Ma) se divise en trois systèmes : le trias (252 à 201 Ma), la « crise du permien-Trias » extermina près de 90 % des espèces animales marines et les deux tiers des créatures terrestres (245 Ma), quasiment toute l'Europe est transformée en un vaste archipel - le jurassique (201 à 145 Ma) - le crétacé (formation d'importantes masses rocheuses en Angleterre), l'uniformité du climat qui régnait à l'époque primaire a disparu. Durant l'ère secondaire, les reptiles règnent en maîtres, parmi eux les Archosauriens, les Dinosauriens (le diplodocus mesurait 25 mètres, le brachiosaurus pesait 80 tonnes), les Ptérosauriens (reptiles volants). On a longtemps pensé que le taux d'oxygène de l'atmosphère, 30 %, expliquait la taille des animaux. De récentes études (analyse de l'air contenu dans de l'ambre) fixe la valeur de l'oxygène entre 10 et 15 % !
Les dinosaures, à la fois reptiles terrestres et marins, disparaissent brusquement au Crétacé il y a 66 Ma. Leur disparition marque le début de l'ère tertiaire (66 à 2,58 Ma) durant laquelle la terre va revêtir l'aspect que nous lui connaissons aujourd'hui. Des apparitions similaires à Nessie ont été signalées au : Canada, Chine, Irlande, Islande, Sibérie, Suède, USA. La répartition des fossiles montre que l'Eurasie était reliée à l'Amérique du Nord permettant le transfert de la faune avant de se séparer il y a 38 millions d'années.
L'époque quaternaire (26 Ma) est caractérisée par la présence de l'homme et les glaciations / reglaciation. Entre temps, les dinosaures ont disparu ! Au crétacé supérieur, un astéroïde d'environ 10 km de diamètre s'abat sur la péninsule du Yucatan (Mexique) y creusant un cratère de 10 à 15 km, une vague haute de 800 mètres submerge le littoral, l'atmosphère chargée de fumées, de cendres et de poussières va être à l'origine d'un effet de serre. L'eau brusquement transformée en vapeur se condense en pluie qui ravine les sols en pente et transforme les dépressions en marécages. Les reptiles, les dinosaures ont disparu et avec eux 75 % de toute forme de vie avant que la végétation reconquière les terres. Il s'agit du scénario le plus plausible pour les scientifiques depuis les années soixante-dix.
Comment un reptile pourrait-il survivre et se reproduire dans ce lac ? Le loch est alimenté par la Ness et un canal (creusé de 1802 à 1822) à cinq écluses dans sa partie sud le reliant au loch Nochy. Un juvénile aurait-il pu se retrouver piégé dans le lac une fois devenu adulte ? Le garde pêche Alexander Campbell qui a vu Nessie dix huit fois, a affirmé l'avoir vu « accompagné par 3 animaux plus petits, la mère et ses petits ». Pour se perpétrer correctement, une espèce aussi ancienne a besoin d'une centaine d'individus, la chaîne alimentaire du loch ne semble par permettre d'alimenter une population prédatrice aussi importante. Si l'animal est ovipare, on l'aurait aperçu venir pondre sur le rivage comme les tortues ou les crocodiles. Les rares traces découvertes étaient l'œuvre de plaisantins qui avaient utilisé le pied d'une dépouille d'hippopotame pour laisser des traces ou déposer le corps d'un phoque mort sur le rivage !
Où se trouve la vérité parmi les 1036 observations rapportées ? Toutes les campagnes scientifiques conduites depuis les années 1960 (Iscam, Deep scan) se sont révélées négatives. S'agit-il de plaisanteries, de rumeurs, d'hallucinations, d'une fausse interprétation d'un phénomène ou d'un évènement physique peu connu, d'un phénomène psychique (projection, archétypes) ? Un couple croit mordicus à la présence d'un vaisseau spatial au fond du lac ! Les plus pragmatiques cherchent des explications physiques : onde aquatique isolée ou « soliton », tronc d’arbre flottant, phénomène sismique… Les psychologues parlent de paréidolie, conditionnement amenant à réduire une forme inconnue à un objet familier comme lorsque l’on distingue des visages dans les nuages. Au mois d’avril 2018, un robot sous-marin à faisceaux multiples (compagnie Kongsberg) a localisé l'écho du monstre par 230 mètres de profondeur ! Il s'agissait de la maquette en métal utilisée pour le tournage La Vie privée de Sherlock Holmes de Billy Wider en 1970 !
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