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Le Nobel attribué à une grande dame, qui en plus s’opposa à GW. Bush

Les Américains Elizabeth Blackburn, Carol Greider et Jack Szostak ont reçu le prix Nobel de médecine pour des travaux concernant les télomères et plus particulièrement l’identification et le mécanisme d’action de la télomérase, enzyme nucléaire essentiel au bon fonctionnement de la transmission du patrimoine génétique lors des divisions cellulaires, mitoses et méiose. Le télomère est une structure terminale de l’ADN qu’on trouve aux extrémités des chromosomes. Elle n’est pas codante et se compose d’une répétition d’une séquence, qui chez l’homme s’écrit TTAGGG et couvre une longueur de plusieurs milliers de bases alors que chez d’autres espèces, ce sera quelques centaines. On retrouve les télomères au sein du règne des êtres eucaryotes, unicellulaire ou pluricellulaire. C’est d’ailleurs grâce à des extraits de levure que Blackburn et sa doctorante Greider ont identifié en 1985 l’enzyme très particulière responsable de l’ajout des séquences télomériques indispensables à l’intégrité chromosomique. Aussi étrange que cela puisse paraître, la télomérase n’est pas une DNA polymérase, autrement dit une enzyme qui utilise comme matrice un ADN pour en faire une copie. La télomérase agit à partir d’une matrice d’ARN et donc, selon le principe de la transcriptase réverse, le même qu’on trouve dans les rétrovirus tel que le HIV. De plus, la matrice ARN est intégrée à la télomérase qui en fait, est une ribonucléoprotéine. Ces trente dernières années, les laboratoires n’ont cessé de mettre à jour différents mécanismes et fonctions des télomères, dans la division cellulaire, la protection des chromosome, l’organisation des structures chromosomiques avant et après la division, ainsi que diverses propriétés à finalité régulatrice, relevant de l’épigénétique et de la gestion des informations géniques.

Ces télomères ont suscité bien des interrogations, notamment à la suite d’étude montrant qu’au fur et à mesure des divisions mitotiques, la longueur des télomères diminue. Ce constat a bien évidemment alimenté bien des fantasmes scientifiques en imaginant une méthode permettant de ralentir le raccourcissement des télomères et de ce fait, rallonger le stock de cellules viables et donc, par voie de conséquence, d’allonger la durée de vie des gens. A l’inverse, les cellules cancéreuses semblent disposer d’une télomérase plus efficace puisqu’elle fonctionne à plein régime et maintient la structure des télomère de génération en génération. Ce qui est le propre des cellules tumorales qui ont gagné l’immortalité mais dans un organisme se reproduisent intempestivement au point d’engendrer la tumeur et autres métastases sans tenir compte de l’équilibre de la vie. Il a été montré également que la progéria, cette maladie induisant un vieillissement prématuré, se caractérise par un raccourcissement prématuré des télomères. Tous ces éléments ne sont que des indices. Rien ne permet de supposer que les télomères sont la cause des tumeurs ou du vieillissement. Ils ne sont que des effets et comme pour beaucoup de mécanismes, la frénésie techniciste des scientifiques tend à prendre des effets pour des causes, croyant trouver le Graal pour agir à leur guise sur la substance du vivant. Comme par exemple inhiber la télomérase pour lutter contre le cancer. Les biologistes n’ont pas encore la grille d’interprétation de tous ces mécanismes mais ils oeuvrent pour les mettre à jour et c’est cette intéressante découverte qui avec ses développements fructueux a justifié l’attribution d’un Nobel incontestable.

En plus, l’un des lauréats est une grande dame qui ne fait pas tapisserie dans le paysage scientifique. Elisabeth Blackburn est une combattante dans de multiples champs. Elle n’a rien de la scientifique cloîtrée telle une nonne de la paillasse et du bureau dans son laboratoire. Elle semble se revendiquer comme la Gisèle Halimi de la recherche biologique. N’hésitant pas à afficher son statut de femme scientifique alors que son domaine de prédilection, les télomères, voit dans les congrès une proportion de femmes majoritaire et largement supérieure à ce qu’on constate dans d’autres spécialités. En 2007, elle a été choisie comme l’une des cent personnalités les plus influentes par le magazine Time, dans la catégorie scientifiques et penseurs, aux côtés de Richard Dawkins et Al Gore. Autant dire que cette dame couronnée par le Nobel sort de l’ordinaire. Et pour cause. Elle fit partie du comité d’éthique créé par GW Bush en 2001, juste après les attentats du 11 septembre. On sait les controverses qui eurent lieu dans ce cénacle, notamment sur le mélange des questions religieuses et scientifiques avec la fameuse querelle des cellules souches qui, si elle ne restera pas aussi célèbre que celle de Valladolid, n’en reste pas moins un symbole de l’épopée théologico-politique calamiteuse du prédécesseur de Barack Obama qui du reste, a congédié ce comité, comme on peut espérer que le successeur de Sarkozy liquidera toutes les commissions devenues obsolètes.

Elisabeth Blackburn n’hésita pas à critiquer le fonctionnement du comité présidentiel d’éthique et son inféodation à des considérations pas très scientifiques mais un peu religieuse. Bref, un comité critiqué pour avoir introduit une distorsion dans les desseins du progrès scientifique à cause d’un parasitage des discussions par des lubies philosophiques et religieuses. Pour avoir osé parler et livrer son opinion critique, elle fut débarquée en 2004 de ce comité et c’est tout à son honneur. D’ailleurs, Obama, ayant besoin d’un conseil scientifique, a voulu un nouveau comité qui ne soit plus gangrené par les tourments religieux et qui se place au service de la stratégie scientifique. Quant à E. Blackburn, on retiendra également son souci d’autonomie et d’indépendance, fidèle au côté artisanal des labos qu’elle a dirigés, peut encline à sacrifier à la mode de la concentration, avec des succès à l’appui car elle a su maintenir sa productivité scientifique sans se vendre à la logique des hyper structures. Bref, un exemple que notre président devrait étudier, lui qui avec les PRES voudrait concentrer la recherche en pôles, croyant que le succès intellectuel et scientifique se mesure à la taille des structures. On voit le résultat avec le destin des dinosaures. L’aventure scientifique et humaine de Mme Blackburn a fait l’objet d’un livre*. C’est dire si cette dame mérite notre attention.

* C. Brady, “Elisabeth Blackburn and the story of telomeres : deciphering the ends of DNA”, MIT Press (2007)

 


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3 réactions à cet article    


  • Mary-Amelia Swan Mary-Amelia Swan 6 octobre 2009 15:06

    Come on Elizabeth ! You’re the best ! 
    George B. is a moron ! 

    Très bien l’article, monsieur Dugué. 


    • renato666 7 octobre 2009 15:20

      Je ne sais pas si un scientifique ferait un bon politique, mais ce dont je suis sûr, c’est que les politiques font en général un très mauvais usage des inventions scientifiques.
      Il n’y a sans doute pas un exemple d’invention qui n’ait été détournée par les pouvoirs politiques et militaires à des fins guerrières et au service du profit de certains.

      Je suis d’accord avec vous sur un point : chacun maître chez soi.
      Liaisser aux scientifiques le droit de regard sur l’utilisation qui sera faite de leurs découvertes et même le droit de les garder secrètes, voire de les détruire si ils jugent leur invention potentiellement dangereuse.
      Nous aurions sans doute évité Hiroshima, Nagasaki et le péril que cette découverte détournée fait encore planer sur le monde.

      Entre le niveau de conscience de Georges Bush et celui dElisabeth Blackburn, je n’hésite pas un quart de seconde ! 


      • Atlantis Atlantis 11 octobre 2009 08:00

        Sa doctorante a fait tout le boulot
        Nobel et influence politique sont deux des meilleurs indicateurs d’imposteurs.
        Mais ça il semble que dugué l’ai pas encore intégré ...

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