Le Nord Stream 2 sème la discorde entre l’Allemagne et les Etats-Unis

Le gazoduc Nord Stream 2 se transforme rapidement en nœud central des différends entre les Etats-Unis et leurs alliés européens. Pour la première fois dans l'histoire de l'intégration euro-atlantique l'Allemagne a laissé entendre au plus haut niveau que Berlin pourrait décréter des sanctions contre Washington. Qui plus est, il a l'intention de persuader ses partenaires de l'UE et de l'Otan à faire front uni contre les Etats-Unis.
C'est dû à la volonté obsessionnelle du congrès américain d'adopter des sanctions contre les participants européens au projet russe de construction d'un gazoduc reliant la Russie et l'Europe, et non seulement contre des compagnies privées, mais également contre des structures publiques de l'Allemagne et d'autres pays.
Comme l'a récemment annoncé l'agence de presse américaine Bloomberg se référant à deux responsables allemands, Berlin prépare des contremesures si les Etats-Unis décrétaient des sanctions supplémentaires contre le Nord Stream 2. Selon Bloomberg, l'administration de la chancelière allemande Angela Merkel étudie la possibilité d'insister sur des actions coordonnées de l'UE au vu des sanctions éventuelles.
Angela Merkel garde son calme en apparence, mais sa rhétorique se durcit manifestement. Elle a déclaré ce 1er juillet au parlement que Berlin percevait le projet de Nord Stream 2 du point de vue de son profit économique et jugeait nécessaire de l'achever. Les sanctions évoquées au congrès américain sont extraterritoriales et ne correspondent pas à la compréhension allemande du droit, estime la chancelière. Et de souligner : "Nous pensons qu'il est juste de terminer ce projet, et nous travaillons dans cet esprit."
A quelques heures du discours d'Angela Merkel, le vice-ministre allemand des Affaires étrangères Niels Annen a déclaré pendant la réunion du comité parlementaire pour l'économie et l'énergie que les nouvelles sanctions de Washington contre le Nord Stream 2 étaient inadmissibles : "C'est absurde que le congrès américain tente d'agir en tant que régulateur des problèmes européens. Imaginez que notre parlement adopte une résolution sur la sécurité énergétique des Etats-Unis", a-t-il souligné. Selon lui, en l'occurrence il ne s'agit pas seulement des relations entre l'Allemagne et les Etats-Unis, mais également de la souveraineté européenne.
Sachant que la chancelière pose le problème des relations américano-allemandes dans un contexte plus large du système de la sécurité en Europe et dans le monde dans l'ensemble. Dans une interview parue récemment dans plusieurs médias européens, Angela Merkel a admis la possibilité d'une nouvelle réalité géopolitique où les Etats-Unis ne joueraient pas un rôle leader : "Nous avons grandi avec une certaine connaissance du fait que les Etats-Unis veulent être une puissance mondiale. Si les Etats-Unis décidaient aujourd'hui de cesser de jouer ce rôle de leur plein gré, nous devrions y songer sérieusement."
Dans ces circonstances il faut s'attendre à un durcissement de la rhétorique des deux côtés de l'Atlantique. Deux députés allemands, Timon Gremmels (président de la fraction SPD pour la politique gazière) et Markus Töns (président de la fraction SPD pour la politique commerciale), ont déjà qualifié dans le journal allemand Handelsblatt les sanctions américaines d'"atteinte au principe de détermination juridique et de protection des investissements en Europe". Ils soulignent que le "durcissement éventuel des sanctions extraterritoriales a consolidé les rangs du parlement allemand. Même les fractions qui critiquaient le projet de gazoduc considèrent cette loi éventuelle comme une violation du droit international et avant tout comme une atteinte à la souveraineté de l'Europe". "Nous sommes persuadés que la période de retenue diplomatique est révolue. Afin de protéger les intérêts européens le gouvernement allemand et l'UE doivent adopter des contremesures et songer aux sanctions réciproques, par exemple contre le gaz de schiste américain. Seulement en cas de risque réel d'adoption de sérieuses sanctions réciproques il y aura une chance réelle de régler le conflit : c'est le seul langage que Donald Trump comprend", soulignent les deux députés allemands.
Alexandre Lemoine
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Source : http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=1748
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