Le nouveau Moyen Orient des américains
Juste avant la conférence de Rome, alors qu’elle était toujours au Liban, la secrétaire d’état aux affaires étrangères américaine, Condoleezza Rice, a lancé un appel à la construction d’un nouveau Moyen Orient. Slogan qui rappelle déjà celui de Bush père, d’ « un ordre nouveau ».
Ainsi, s’est dévoilée peut-être la raison du laisser-faire américain face à Israël. Mais quel est ce nouveau Moyen Orient que les Américains aimeraient dessiner ?
Il circule, dans certains milieux, des cartes du Moyen Orient remanié et dont les frontières sont soi-disant retracées en accord avec la répartition des populations.
Ces cartes constituent un plan Kissinger remis à la sauce néoconservatrice actuelle, et s’insèrent dans la réalité de la politique américaine.
Ainsi, des états devront disparaître conformément à ces cartes, certains seraient largement amputés, d’autres augmentés de vastes territoires.
Commençons d’abord avec les états qui devraient disparaître.
L’Irak, déjà actuellement divisé par une guerre civile qui ne veut dire son nom, serait divisé avec, au nord, un état kurde, augmenté des territoires kurdes turques, iraniens et syriens.
Plus au sud, un super état chiite arabe serait constitué des provinces sud de l’Irak en majorité, des champs pétrolifères du Chatt el Arab iraniens et leur continuité en Arabie Saoudite. La partie est de l’Arabie Saoudite, pétrolifère, serait ainsi rattachée à cet état chiite malgré le fait que les Chiites soient en minorité dans cette région. A remarquer encore que le Koweït serait enclavé dans ce super état chiite.
A l’ouest, les Sunnites hériteraient d’un état démuni de matières premières importantes, et des eaux de l’Euphrate et du Tigre.
Le deuxième grand perdant comme on l’a déjà remarqué est l’Arabie Saoudite, déjà amputée de ses champs pétrolifères à l’est mais aussi par de larges territoires à l’ouest et au sud.
Ainsi le royaume saoudien serait déjà déchu de la garde des lieux saints de l’Islam. Un état justement appelé « état sacré islamique » serait ainsi crée pour abriter les villes de la Mecque et de Médine à l’ouest et de larges territoires lui seraient enlevés au sud au profit du Yémen et au nord au profit du Grand royaume jordanien.
Le royaume Saoudien serait alors affaibli et dénué de ses moyens de pressions et de son pétrole.
L’Iran aussi ne resterait pas intact ; même si son territoire demeurerait en majorité assez homogène, il perdrait comme nous l’avons déjà vu de grands territoires pétrolifères sur sa frontière actuelle avec l’Irak mais aussi plus à l’est au profit de l’Afghanistan et un nouvel état crée pour l’occasion, à l’entrée du Golfe Persique, le « Balouchtan » et dont les territoires iraniens seraient augmentés par des territoires pakistanais.
La Syrie perdrait, elle, sa façade maritime au profit du Liban en plus des territoires cédés aux kurdes.
Au rang des pays augmentés figurent donc le Liban, le Yémen, la Jordanie.
On remarque que les grands perdants de ce nouveau Moyen Orient sont les états sunnites.
Peut-on alors dire que ce nouveau Moyen Orient est une solution aux problèmes que connaît cette région déjà meurtrie par les différents conflits israélo-arabes ?
De tels changements ne peuvent s’effectuer que dans la douleur des guerres, surtout que se mettent en place des axes qui visent justement à mettre en pièce ces stratégies.
On peut tout d’abord se douter que la Turquie, pourtant alliée des USA, n’acceptera de rendre des territoires.
D’autres états, l’Iran ou la Syrie, s’allient pour essayer de constituer un axe visant à contrer la politique américaine au Moyen Orient.
D’où tout d’abord l’intérêt que ressent son régime à développer une dissuasion nucléaire.
L’état irakien chiite peut constituer une menace pour le régime des mollahs de Téhéran, et surtout un contre poids de son influence au Liban par exemple où les chiites suivaient plutôt les écoles irakiennes que les influences perses avant la révolution islamique.
Un retour d’influence des Chiites irakiens est aussi une menace pour l’influence de Téhéran dans le Golfe ou la population est plutôt chiite arabe. Comme je l’avais déjà signalé, les régimes du Golfe et les zones de champs pétrolifères en Arabie Saoudite ont une majorité de population Chiite plus proche des Irakiens que des Perses.
D’où l’intérêt de Téhéran de contrôler les Chiites d’Irak, d’où l’intérêt de contrer le plan américain, d’où l’intérêt aussi de continuer à influencer le Hezbollah et d’où surtout l’intérêt de coopérer avec la Syrie dans le cadre de l’axe du mal que décrit Bush.
La Syrie semble à son tour avoir compris le danger que son régime court à l’heure actuelle.
L’Arabie Saoudite a un jeu bien plus complexe. Elle a certes son intégrité menacée, mais elle ne peut rompre son alliance historique avec les USA au moment même ou les USA justement semblent, elle essaye donc de tourner le jeu à son avantage, en protégeant le régime syrien, par exemple tout en voulant changer les dirigeants de celui-ci, (Khaddam semblait être le candidat favori de Ryad pour succéder à Bashar el Assad). Une Syrie dont les frontières seraient sauvegardées constituerait un rempart au plan américain d’annexion de certains territoires au Kurdistan et protégerait les sunnites de l’axe chiite. Les alliés locaux (par exemple au Liban) sont aussi utilisés en vue de favoriser la politique saoudienne.
D’autres questions se posent également, en Jordanie, au Koweït ou en Egypte, les dernières élections parlementaires ont démontré qu’il existe un réel courant islamiste sunnite. Favoriser de tels changements pourrait attiser le fanatisme religieux et déstabiliser un peu plus la région. Ce qui pourrait bien faire basculer des régimes arabes déjà favorables aux camps américains et donc encore conduire les Américains à changer leur fusils d’épaule.
Face à ces stratégies et contre stratégies, le prix à payer par les populations civiles est énorme.
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