Le nouveau président américain sera-t-il « livré par la poste » ?
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Ce mardi 3 novembre aux Etats-Unis se déroule l'élection présidentielle. Et à première vue, Donald Trump a peu de chances de s'imposer face à Joe Biden. Son retard en termes de popularité est de 7,4%, et en matière de grands électeurs (d'après les sondages) il atteint presque 50%. Cependant, le président sortant est persuadé de sa victoire, et certaines circonstances techniques pourraient l'aider.
Donald Trump reste optimiste non seulement parce qu'il espère gagner dans les bureaux de vote, mais également parce qu'il a un plan B. En cas de défaite avec un écart minimal il pourrait gagner les élections à la Cour suprême.
Le fait est que le système de vote américain est très complexe. Certes, il est possible de se rendre au bureau de vote, présenter sa carte d'identité, recevoir son bulletin de vote, le remplir et déposer dans l'urne. Cependant, un Américain a le droit de voter par anticipation – à cet effet les Etats envoient aux électeurs des bulletins à domicile par la poste. Après quoi les citoyens peuvent les remplir et déposer dans des urnes spéciales. Soit renvoyer le bulletin rempli par la poste.
Dans certains Etats un tel vote est soumis à des conditions (maladie, âge avancé, absence à son adresse de résidence pour raison valable, service militaire). Cependant, à l'heure actuelle, selon le Washington Post, environ 200 des 234 millions d'électeurs américains peuvent voter par anticipation parce qu'il leur suffit de dire qu'ils ont peur du coronavirus et ne veulent pas prendre des risques en se rendant dans un bureau de vote. Sachant qu'un électeur sur quatre parmi ces 200 millions recevra automatiquement son bulletin de vote par la poste, et un autre Américain sur quatre recevra automatiquement un formulaire à remplir pour recevoir un bulletin.
Au final, au 25 octobre déjà, presque 58,5 millions d'électeurs américains ont voté par anticipation, ce qui est supérieur au nombre d'individus ayant voté avant le jour du vote en 2016. Par exemple, au 26 octobre, en Floride (principal Etat hésitant où la différence entre Trump et Biden pourrait s'élever à quelques milliers de voix), 2,6 millions de démocrates et 2,2 millions de républicains ont voté par anticipation. Encore 1,26 millions de voix appartenaient aux partisans de petits partis ou sans parti. Soit 6 millions au total, sachant que le nombre total d'électeurs de l'Etat compte 14,4 millions de personnes.
Dans l'ensemble, les sondages montrent que presque la moitié des Américains pourraient voter avant le jour officiel du vote – le 3 novembre.
Et c'est là que se trouve le piège, selon le président sortant, car sous prétexte de la sécurité des gens la sécurité de la procédure du vote est remise en question. Il avertissait (et le procureur général William Barr était d'accord avec lui) que les bulletins envoyés par la poste pouvaient être contrefaits. Puisqu'étrangement les résultats du vote par la poste sont parfois en contradiction avec les résultats des bureaux de vote.
Les responsables américains ne sont pas de cet avis et affirment qu'il est très difficile de falsifier les bulletins de vote envoyés par la poste. Pour être lus par un scanner spécial, la taille, la police, les moyens de protection, les signatures et même le poids du bulletin doivent correspondre. Tous ces indicateurs divergent en fonction des Etats et changent à chaque élection.
Mais pourquoi falsifier des bulletins ? Car il existe d'autres moyens de reconnaître ou de contester les résultats du vote anticipé.
Par exemple, les bulletins envoyés par les électeurs par la poste pourraient tout simplement ne pas arriver jusqu'à la commission électorale à temps. Certains Etats (comme la Pennsylvanie) accepteront des bulletins (mais pas après le 6 novembre) seulement si la lettre date du 3 novembre au plus tard. Cependant, dans bien d'autres Etats cette lettre doit parvenir avant le jour du vote. C'est pourquoi la poste américaine recommande à tout le monde d'envoyer son bulletin au moins une semaine avant le jour du vote, mais cela ne garantit pas l'acheminement. Après tout, des bulletins pourraient simplement "se perdre" en chemin.
Pas étonnant qu'une plainte soit déjà déposée contre la poste américaine en exigeant qu'elle traite en priorité les lettres avec des bulletins. Et après les élections les plaintes pourraient être plus nombreuses. Ce qui pourrait servir de prétexte pour contester les résultats du vote à la Cour suprême.
Plusieurs médias appellent les électeurs à ne pas envoyer les bulletins par la poste, mais à les déposer dans des urnes prévues pour le vote anticipé. Ce qui ne garantit pas non plus l'honnêteté et l'impartialité – car les électeurs reçoivent également des bulletins pour le vote anticipé par la poste. Et rien ne prouve qu'ils recevront les bons formulaires. Ainsi, selon le présentateur de Fox News Sean Hannity, plusieurs électeurs de New York ont reçu la mauvaise version de bulletins (qui sont envoyés uniquement aux militaires qui ne peuvent pas se présenter dans un bureau de vote). Il est évident qu'au final ils ne seront pas validés.
Enfin, même si l'électeur a reçu le bon bulletin, il pourrait le remplir incorrectement. Un bulletin doit non seulement être rempli correctement, mais également déposé dans deux enveloppes, sinon il sera considéré comme nul et ne sera pas validé. Au final, des dizaines de milliers de votes par la poste pourraient ne pas être validés, ce qui pourrait parfois dépasser l'écart entre Biden et Trump dans l'Etat en question.
Pas étonnant que certains Américains doutent que les résultats d'un tel vote soient justes (notamment compte tenu d'une immense part de votants par anticipation). Seulement près de 30% des Américains sont absolument convaincus que leur vote par la poste sera correctement validé (alors que près de 70% des personnes interrogées sont certains d'un vote dans les bureaux de vote). Et si seulement 5% des électeurs se méfient ou ne font pas du tout confiance aux votes dans les urnes, dans le cas du vote par la poste ce chiffre atteint 31%.
Ces derniers seront-ils prêts à reconnaître les résultats du vote ? Notamment s'ils étaient déterminés par le vote postal ? Les républicains ne vont-ils pas manifester en cas d'une victoire litigieuse des démocrates, qui couvrent les casseurs de gauche et qui ont l'intention de détruire les valeurs conservatrices américaines ? Donald Trump sera-t-il prêt à reconnaître la victoire de Joe Biden si ce dernier gagnait "par la poste" ?
La réponse est évidente. Si à l'issue du décompte des voix le républicain gagnait dans les bureaux de vote, mais les voix postales faisaient pencher la balance du côté du démocrate, alors les supporters de Trump descendraient dans la rue, et le président sortant saisirait la Cour suprême. Où, rappelons-le, six des neuf juges sont républicains, dont trois nommés par Trump personnellement.
C'est pourquoi il est fort probable que dans la matinée du 4 novembre l'Amérique et le monde n'apprennent pas le nom du nouveau président des Etats-Unis. Et même après le décompte de toutes les voix par la poste, la Cour suprême pourrait avoir le dernier mot. Voire cela pourrait être la rue américaine, où les positions de Trump semblent bien plus solides que celles de Biden.
Alexandre Lemoine
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Source : http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=2131
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