Le nucléaire iranien et le monde post-Covid
Les développements fulgurants liés à l’accord sur le nucléaire iranien sont, d’une manière ou d’une autre, le reflet des changements intervenus dans l’ordre mondial à l’après-Coronavirus.
La façon dont l’administration du président Biden, et celle de l’ancien président Donald Trump, ont traité la question met en exergue la capacité limitée des États-Unis à mobiliser un consensus international sur la question.
On peut même dire que la discordance survenue ces dernières années entre les positions américaines et européennes sur la marche à suivre pour traiter la question nucléaire a été un catalyseur du défi iranien à la position américaine jusqu’à présent.
N’oublions pas que depuis le retrait des États-Unis de l’accord nucléaire à la mi-2018, les mollahs répètent que les États-Unis se sont isolés au niveau international dans leur gestion du programme nucléaire iranien. Ces allégations semblent tendancieuses pour beaucoup.
Les politiques américaines sous l’ancien président Trump ont généralement dérogé au consensus international dans de nombreux dossiers, et pas seulement sur la question iranienne.
Alors que les États-Unis reprennent leurs politiques antérieures sous l’administration démocratique actuelle et cherchent à forger un alignement international, des obstacles se dressent sur la voie d’un règlement de la crise iranienne. Ce qui se passe maintenant, c’est que toute la crise iranienne a été réduite à une question de fond.
Qui reviendra le premier à l’accord nucléaire : les mollahs d’Iran ou les Américains ? Ce n’est plus une question de diplomatie, de solutions qu’elle exige et d’alternatives qu’elle impose dans une telle situation à somme nulle. Il est plutôt question de considérations et de calculs politiques complexes de la part de chaque partie à la crise.
Le Président Biden, qui a annoncé très tôt son intention de revenir à l’accord nucléaire, craint que la décision de revenir ne soit un cadeau gratuit pour les mollahs. Il sait bien qu’ils ne lui donneront pas l’occasion d’atteindre facilement le niveau de l’accord le plus complet tel qu’il l’envisageait.
Les mollahs veulent pousser la Maison Blanche à revenir inconditionnellement à l’accord comme une victoire politique et propagandiste qu’ils attendent ardemment pour sauver la face et restaurer une parcelle du respect perdu aux yeux de leurs partisans en raison des coups et des revers qu’ils ont subis depuis l’assassinat du général Qassem Soleimani.
En réalité, les règles du jeu régional et international ne sont plus les mêmes qu’auparavant. Les États-Unis ne peuvent plus gérer seuls leurs relations avec les mollahs et ont besoin du soutien des autres grandes puissances internationales.
L’Union européenne est peut-être plus préoccupée par les répercussions des bouleversements du coronavirus sur ses économies. Elle montre peu d’enthousiasme à s’impliquer dans cette affaire.
La Russie s’efforce de tirer parti d’une influence stratégique internationale acquise en Syrie et a joué un rôle central dans la résolution de la crise iranienne en appelant à une conférence sur la sécurité régionale.
Pour la Russie, le moyen de sortir de l’impasse actuelle est la diplomatie du donnant-donnant, afin que les parties (Iran et États-Unis) coupent la poire en deux et fassent des concessions mutuelles. C’est une vision qui peut être sensée. Mais c’est en fait une victoire pour les mollahs.
Ces derniers veulent essentiellement obtenir la reconnaissance internationale de leur influence et de leur rôle régionaux croissants. Les faits suggèrent que les choses pourraient évoluer vers une offre de démarches simultanées. Mais cette option, je pense, serait la première défaite politique de l’administration Biden dans le traitement des questions internationales.
La raison en est simple : les mollahs ne lui accorderont certainement pas ce qu’il souhaite comme « accord global. » Ils veulent avant tout lever les sanctions et avoir assez d’oxygène pour qu’ils gagnent du temps et puissent manœuvrer, peut-être jusqu’à la fin du premier mandat présidentiel du président Biden. Question qui suit : le temps est-il dans l’intérêt des mollahs ? Oui.
Le temps qui passe sans faire de concessions sur le dossier du nucléaire ou du programme de missiles et sans se retirer de la Syrie, de l’Irak et du Yémen signifie que l’influence iranienne sur tous ces dossiers est assurée. Il y a aussi le facteur temps qui permet d’approcher le moment où l’on aura assez d’uranium enrichi pour fabriquer une bombe atomique.
L’administration du Président Biden a maintenant des options stratégiques réduites. L’administration a repris le travail avec les alliés pour résoudre les problèmes.
Elle est maintenant prise en étau entre la position des alliés européens qui poussent les États-Unis à revenir à l’accord nucléaire, et la position du Congrès, où environ 140 membres ont envoyé une lettre demandant à l’administration Biden de travailler à un « accord global » avec les mollahs d’Iran.
Plus révélateur encore, les législateurs américains refusent de faire de nouvelles concessions et exigent que le programme de missiles iranien soit inclus dans l’accord prévu. La question de savoir comment l’administration du président Biden y parviendra reste sans réponse dans l’état actuel des choses.
La gestion de la crise nucléaire iranienne pourrait être l’un des facteurs les plus déterminants de l’efficacité de la politique étrangère américaine sous la présidence de M. Biden. Sans exagérer, il s’agirait là d’un des déterminants du poids et du prestige stratégique des États-Unis dans le monde post-Covid.
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