Kim Jong-il, même mort, exerce toujours une influence idéologique
Notre vieille République est certes imparfaite, mais désigner La Corée communiste comme un parangon de vertu, une hypothèse inimaginable !
Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’ancien dictateur compte une poignée d’admirateurs, dans l’Hexagone. Apparemment, certains de nos compatriotes ont une drôle de conception de la démocratie !
Le 17 décembre 2011, La Corée du Nord perdait celui qui était officiellement présenté comme son Chef suprême, suscitant mécaniquement tout un cérémonial de larmes autant orphelines que juteuses, presque aussi synchrones que les canons de l’armée de feu le président de la République populaire et démocratique de Corée. Quelque part en France, à l’annonce du décès, il semble que certains aient éprouvé du chagrin. Ces drôles de compatriotes appartiennent au « Parti
communiste Juchéen de France », appelé aussi « Parti communiste du Juche ». Pas sûr que Le Parti communiste français apprécie l’association de l’adjectif communiste au seul parti français pro-Corée du Nord.
Le PCJF, plutôt marginal dans l’espace politique français, a vu le jour en mai 2009. Il revendique son idéologie par le biais des moyens les plus modernes (Twitter, Facebook...), des moyens certainement convoités par ceux qui sont considérés comme des « frères idéologiques », frères bien malgré eux, si l’on fait référence aux conditions de vie des Nord-Coréens.
Cet objet politique vaguement identifié se distingue par son totalitarisme, et décerne « Le titre de membre d’honneur à tout membre ayant fait preuve d’une loyauté toute particulière et d’un dévouement sans pareil à la causedes idées du juche ». Le matraquage idéologique est pleinement assumé ; l’organigramme du parti compte d’ailleurs un « Secrétaire à l’organisation, aux élections et à la propagande », un « Directeur de publication des revues « Notre juche » et « La dépêche coréenne » ». Sur le site Internet, on peut lire la phrase suivante, qui se passe de commentaires : « Le PCJF ne prétend pas vouloir imposer les idées du Juche en France ; les idées du Juche en tant que telles ne sont faites que pour être appliquées en Corée de par leurs spécificités. Cependant, tous les pays sont invités à s’inspirer de cette idéologie universelle pour l’adapter aux contextes locaux ».
Le site diffuse trois pages d’éloges sur l’ancien dirigeant de l’Etat le plus fermé au monde. Le style est délibérément anaphorique ; on retrouve en effet des phrases redondantes telles que : « La philosophie du Juche est axée sur celle de l’homme »... Une communication qui emprunte fortement aux pratiques de l’Ex-URSS, incitant les sympathisants du Parti à « imprimer et diffuser massivement » autour d’eux (universités, usines, etc) « les ressources documentaires publiées par les éditions juchéennes deFrance ».
Comme toute bonne propagande qui se respecte, la page d’accueil du site, d’une géométrie parfaite, donne le ton. Le portrait du guide, au sourire de circonstance, émerge du Mont Paektu (point culminant de l’ensemble des Corée, et berceau natal de Kim Jong-il). Du haut de ses 2744 m, il est le soleil, et embrase ce paysage de nature flamboyante.
En marge de la scène politique française et internationale, le PCJF se fend de communiqués aussi fantasques qu’intolérables : « Le Parti Juchéen exige la démission immédiate de la ministre pornographe Aurélie Filippetti » ; « Le parti Juchéen apporte son soutien au président Al-Assad, à sa ravissante épouse et à l'ensemble du peuple de Syrie ! » ; « Nous assumons le mysticisme nazi comme partie intégrante de notre doctrine »...
Le parti regrette par ailleurs que « La France soit le seul pays membre de l’Union européenne à ne pas avoir établi de relations diplomatiques durables avec une démocratie comme la RPD de Corée, alors que tous nos voisins européens l’ont déjà fait depuis bien longtemps » (2). Mais quelle est la viabilité d’un parti qui, heureusement, affirme que l’idéologie du Juche n’est pas compatible avec un pays comme la France ? Un parti qui, par ailleurs, ne semble pas très coopérant avec les journalistes.
Magali Barthès
(1)Doctrine développée par Kim II-sung, père de Kim Jong-il et ancien Président de la Corée du Nord. Idéologie fondatrice du régime de la RPDC, les grandes lignes en sont l’établissement d’une société sans classes, sur la base d’une indépendance politique, autosuffisance économique et
autonomie militaire.
(2)Officiellement, un autre pays, l’Estonie, ne reconnaît pas la Corée du Nord