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Le père Rambour

Une petite maison isolée d’un étage. Au rez-de-chaussée un local d’électricien. Au premier, auquel on accédait par un escalier très abrupt, deux appartements se faisaient face sur le palier qui comportait également deux minuscules cabanons où l’on mettait les poubelles et aussi les toilettes communes guère plus grandes que les cabanons et sommaires.

Dans l’appartement de droite, un père, une mère et leurs trois enfants. Il y avait trois pièces, la cuisine qui ne contenait que le poêle à charbon qui permettait de chauffer l’ensemble, un évier et un petit meuble à étage. Dans la pièce attenante, les parents dormaient dans un canapé que l’on repliait le jour pour pouvoir manger sur la grande table qui trônait au milieu de la pièce. La dernière pièce contenait un lit à une place pour l’aînée des enfants et un lit pliant où dormaient ensemble les deux plus jeunes.

La pièce de la salle à manger comportait une fenêtre qui s’ouvrait sur une petite cour derrière laquelle un petit pâté de maison abritait quelques familles. M. Rambour, sa femme et leurs deux enfants se trouvaient à la droite de l’îlot.

Il existait à une rue de distance un petit bistrot, le seul dans les environs, qui s’appelait le ‘Sans Souci’. Mme Rambour le fréquentait assidûment, trop assidûment. Le verre de vin rouge n’y était pas cher et il faisait oublier les turpitudes du quotidien. L’ivresse ne permettait pas de les éviter, seulement de les faire disparaître le temps d’un instant. Sa famille, bien que n’appartenant pas aux strates qui mettent à l’abri de tout ou de presque tout, n’était cependant pas misérable. Son mari, un grand gaillard bien bâti, travaillait sur des chantiers. Son salaire ne permettait pas de rêver mais il permettait de vivre et de faire vivre sa famille. Son emploi difficile et éreintant était stable et il ne connut jamais le drame de le perdre. Ils habitaient une petite maison peut être pas assez spacieuse mais agréable. La petite cour sur laquelle elle donnait mettait une touche de verdure dans l’endroit, ce qui était plutôt rare dans ce quartier qui se hérissait rapidement de tours et de HLM. Le bidonville de Nanterre n’était pas très loin même si on ne voyait jamais les gens qui le peuplaient. Le centre d’hébergement au bout de la rue faisait la transition entre les uns et les autres : y accéder était déjà une chance.

Chaque lundi Mme Rambour faisait la lessive. Elle installait en milieu de matinée une énorme cuve en zinc tout près d’un robinet qui émergeait au centre du petit jardin. Elle adjoignait une planche de bois, elle emplissait la cuve d’eau chaude et elle commençait à frotter avec vigueur les vêtements avec une brosse. Après une heure environ de labeur, elle disparaissait de la cour... quelquefois elle réapparaissait pour disparaître de nouveau.

Les allers et retours entre la cuve d’eau chaude et le ‘Sans Souci’ invariablement prenaient de plus de temps au détriment de la lessive, qui ne se faisait plus que de plus en plus lentement. Vers le milieu de l’après-midi, on ne voyait plus Mme Rambour s’échiner sur son linge. Plus du tout ! Était-elle restée dans le bistrot devenue incapable d’en sortir, s’était-elle affalée dans quelque coin de sa maisonnette ?

En fin de journée, le père Rambour rentrait. Il était tout aussi indifférent et placide que d’habitude. Il ne disait rien, il ne disait jamais rien, il empoignait la brosse et il finissait la lessive... comme chaque semaine.

 


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2 réactions à cet article    


  • saint louis 11 avril 2022 19:03

    Comme quoi la misère ne date pas d’aujourd’hui.

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