Le pétard hollandais
Nee... en tot ziens ! Non et au revoir - voilà la réponse qu’ont
donné les Néerlandais au traité constitutionnel. Sans surprise, le
paquebot européen chavire. Le non français avait éperonné le bâtiment
de ligne, les 63% du non néerlandais ont fait tomber la grande voile.
Gravement endommagé, le navire peine à tenir le cap, emporté qu’il est
par de mauvais courants marins. Pourtant, ce soir, le Damrak
d’Amsterdam exulte. Ses sympathiques bars fourmillent de gens tout
d’orange vêtus, comme au jour anniversaire de la reine ou après une
victoire de l’Ajax en Coupe d’Europe. Une Heineken et un Spliff à la
main et chantant jusqu’à l’aube. Comme dimanche en France. Vive la
France ! Hup Holland ! Hourrah, rien ne change !
Le patchwork paneuropéen du non s’agrandit donc. Lundi, selon toute
vraisemblance, Jack Straw, le ministre britannique des Affaires
étrangères, devrait d’ailleurs annoncer l’annulation du référendum en
Grande-Bretagne. La coalition du non européen commence, elle, à prendre
corps. Socialistes français, protestants orthodoxes néerlandais,
monarchistes anglais, Front National français, communistes tchèques,
socialistes néerlandais, anti-européens anglais, catholiques
fondamentalistes polonais, semblent tous s’être unis sous une même
bannière que pourraient encore rejoindre de nouveaux groupuscules
« exotiques ».
Mais s’il apparaît que le traité est rejeté par la plupart des couches
sociales des pays ayant voté non, force est de constater que cette
diversité, plus que d’unir, augure d’une impossibilité de créer un
nouveau texte respectant les intérêts de tous ses opposants. L’Union ne
serait-elle alors qu’un rêve de technocrates bruxellois ? Les Européens
ne choisiraient-ils pas se recroqueviller dans leurs coquilles, le
temps - pour peu que ce soit possible - que la crise de la
globalisation frappe ailleurs et s’éloigne de leurs foyers ? Faut-il
s’habituer à l’idée que la France, les Pays-Bas, l’Angleterre, la
République tchèque et la Pologne fassent bande à part ? Que la
Gascogne, les Flandres bataves et le Lion d’Albion fassent cause
commune contre l’Europe ? Peut-on à l’inverse imaginer n’avoir rien vu,
rien entendu ? Faire comme si de rien n’était et forcer le passage à un
traité que deux Etats fondateurs ont déjà rejeté ? Alors même que
certains de leurs partenaires peinent à contenir une très forte poussée
nationaliste, souverainiste, communiste, voire trotskyste. Car oui, le
trotskisme n’est pas mort. Un relent de mai 68 flotte dans l’air et un
parfum de rébellion enivre l’Union. Depuis dimanche, on danse dans les
rues de Paris et d’Amsterdam. On y embrasse des filles inconnues. Le
bon vieux temps est de retour. Mais à bien y regarder, est-ce vraiment
l’Europe de demain ou celle d’avant-hier que nous sommes en train de
bâtir ?
Kai Littmann est président du Forum citoyen eurodistrict
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