Le peuple en liberté, l’Élysée embastillé
Les Gilets Jaunes n'ont pas peur de la couleur. Ni de la liberté. Pendant que M. Macron violente le peuple et attente à ses libertés, Mme Macron, à grands frais, défigure la magnificente salle des fêtes rouge de l’Élysée en lui infligeant une moquette couleur béton et des murs beiges, façon banque ou parking souterrain. Cinquante nuances de gris, une affaire sadienne au Palais transformé en Bastille dont les résidents se sont eux-mêmes embastillés, par peur du peuple vivant qui, se présentant, dévoile leur imposture.
Le couple Macron transforme plusieurs salles de l’Élysée en appartements bourgeois, rabaissant le génie des lieux, éliminant les rouges, les dorés, les magnificences d’un palais et les remplaçant par les gris, les beiges, les bleus, les discrétions qu’affectionnent les bonnes familles, soucieuses de façades respectables à l’abri desquelles laver leur linge sale et le salir toujours plus, polluer toujours plus le pays.
Derrière les façades, les secrets qui scellent les pouvoirs sont de misérables secrets, qui disent la misère de ceux qui croient régner. C’est parce qu’ils sont misérables qu’ils sont secrets, et c’est parce qu’ils servent à lier des gens qu’ils sont de si mauvais secrets, aussi infectés que des kleenex partagés par des bandes de pestiférés. Le déchaînement des violences policières et les atteintes aux libertés révèlent ce que masque la façade lisse de la macronie, de la bourgeoisie qui l’a portée au pouvoir et qui continue de la soutenir. Ces gens veulent tuer celles et ceux qui leur résistent, les tuer au moins symboliquement, socialement, psychologiquement, et mutiler, quand ils ne peuvent pas tuer physiquement. Mais les violences des polices de la pensée peuvent s’acharner, elles ne font pas plier les justes.
La société française est figée. Les « élites », à savoir les bourgeois nés de bourgeois ou ayant intégré l’ordre bourgeois, s’y comportent en maîtres de maison qui trouvent naturel de posséder les biens et de se faire servir par le peuple, qui doit produire et fournir à bas salaire le travail nécessaire à la vie et à la survie de tous. Imaginons BHL en ses appartements et autres palais, servi par toute une domesticité : il ne lui manquerait plus que de les traiter de fainéants et de les harceler d'insultes pour figurer exactement la France de Macron.
Or la France de Macron n’est pas la France réelle. La France réelle se rappelle à lui en allant sur les ronds-points, en marchant dans les villes et dans les campagnes. Alors que l’élite macronienne campe sur sa position de comfort, comme dit Rimbaud, le peuple combattant, chargé de cette intelligence supérieure née de l’expérience du combat quotidien pour la vie et la survie de soi et d’autrui, est en train de retirer les culs des assis, comme le dit aussi Rimbaud, des sièges où ils sont installés depuis leur naissance, dans un monde qui leur garantit une sécurité éternelle aux dépens de l’exploitation du travail d’autrui.
La France réelle n’accepte pas que les élites, qui ne fournissent pas plus d’effort, comme le dit Macron, au travail – qui en fournissent même souvent moins qu’elle – aient un niveau de vie considérablement plus élevé. L’exploitation, la colonisation des travailleurs par les élites qui sans eux n’auraient ni maison, ni pain, ni éducation, ni soins, ni loisirs, est tout simplement absolument inacceptable. L’Histoire elle-même se charge de renverser cet ordre inique, avec ceux qui la font, ces femmes et ces hommes porteurs de gilets jaunes de sauvetage. Prises de terreur, ces élites qui n’ont aucune expérience des combats pour la survie, qui ne sauraient survivre sans les produits et le travail d’autrui, emploient et justifient les violences policières et les lois liberticides.
La police du régime inflige des blessures de guerre aux manifestants, au peuple traité avec le même mépris que des colonisés. C’est une situation de colonisation que nous vivons dans ce pays – comme ailleurs dans le monde. Colonisation des humains par les financiers. De l’espèce humaine par une caste déshumanisée dont le dieu est l’argent. La caste des avides, des voleurs, qui fait main basse sur tout ce que le travail, l’inventivité, la créativité, la bonté, le courage, la solidarité humaines produisent.
Le palais de l’Élysée n’est pas leur bien. Il est celui de tout le peuple. Au cours des siècles nous avons eu des rois, puis nous avons construit une République sans rois. Tout cela est notre héritage, fait partie de notre corps. Le peuple a droit à la magnificence, il l’aime comme il aime la fête, la vie, jusque dans ses cabanes éphémères et poétiques poussées comme des fleurs sauvages sur les ronds-points ou ailleurs. Le vivant est exubérant. Le peuple qui descend dans la rue et manifeste affirme et récupère son droit à la fête, qu’un petit couple d’arrivistes balzaciens ne saurait lui enlever.
La ploutocratie (une ploucocratie, car ces gens sont des ploucs) qui a pris en otage la République a construit un pays invivable pour les vivants. Elle a voulu les esclavagiser, et cela s’illustre dans les choix urbanistiques et architecturaux qui ont été faits pour le peuple. Mises à l’écart, enfermements, éloignements, béton, déshumanisation. Et quand des humains, Gilets jaunes ou autres, ici ou là bâtissent des lieux à vivre humains, conviviaux, la ploutocratie envoie sa police les démolir. Macron démolit le bien public et les libertés dans le pays comme sur les ronds-points ou à l’Élysée. En bon banquier il tente de capter notre bien, tous nos biens, de toutes les façons possibles. Mais lui et sa caste de grippe-sous, enfermés dans leurs appartements bourgeois, sont bien moins vivants, bien moins unis à la plénitude du réel, bien moins libres, donc bien moins puissants que nous.
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