Le placement de Nice Matin en redressement judiciaire ou la lente agonie de la presse écrite
Après le placement du journal Nice Matin en redressement judiciaire par le groupe Hersant Media, principal actionnaire à l’heure actuelle, la colère gronde dans les couloirs du journal et la mobilisation des salariés ne fait aucun doute pour sauver un quotidien fondé aux lendemains de la seconde guerre mondiale.
La ministre de la culture, Aurélie Filippetti a immédiatement annoncé qu’elle « apporterait son soutien » à toutes les démarches engagées par les salariés du groupe pour organiser le sauvetage de la société. Précisément, pour faire concurrence aux offres de reprise d’autres magnats des media, les employés du groupe ont organisé, via une plateforme de crowdfunding, une levée de fonds dans le but de récolter les trois millions d’euros nécessaires au renflouement du groupe. Aujourd’hui, les instigateurs de l’initiative sont reçus rue de Valois pour examiner la crédibilité de leur projet et négocier, surtout, une participation conséquente de l’Etat dans ce projet.
Ainsi, depuis l’annonce du placement en liquidation judiciaire de Nice Matin, les salariés ont fait appel à leurs lecteurs et aux citoyens touchés, de près ou de loin, par la disparition du quotidien. Lancé via la plateforme Ulule, déjà bien connue des avertis dans ce domaine, le projet aurait déjà récolté la moitié des trois millions d’euros nécessaire au rachat intégral du quotidien. S’il aboutit, ce rachat permettrait de sauver 90% des emplois contre 60% environ pour les autres propositions de groupes industriels.
L’actionnaire actuel du journal, le groupe Hersant, n’a plus affiché de bénéfice depuis maintenant trois ans et compte bien se débarrasser du journal Nice Matin, qui demeure désormais une véritable entrave à la rentabilité du groupe. Ce même groupe possède également des participations importantes dans la société Corse Presse qui édite le quotidien Corse Matin. Pour une fois, cette initiative des salariés a fait l’unanimité, à droite comme à gauche, car le parti socialiste, au même titre que le maire UMP de Nice Christian Estrosi ont annoncé qu’ils soutenaient pleinement le projet coopératif.
Même si le quotidien parvient à être sauvé par l’effort commun des salariés, des donateurs et du ministère de la culture et de la communication, cette course effrénée pour tenter de sauver la presse papier semble perdue d’avance à l’heure où les plus grosses parutions du paysage médiatique Français connaissent de grandes difficultés. Ainsi, à titre d’exemple, l’an dernier France Soir avait annoncé la disparition définitive de son édition papier, faute de rentabilité, au profit d’une édition 100% numérique. Par ailleurs, L’Equipe -journal le plus lu en France- et le Figaro –parution la plus importante de l’hexagone- ont récemment lancé des plans de départs volontaires importants face à la concurrence féroce d’internet mais aussi du fait du boom des journaux gratuits.
Pour noircir un peu plus le tableau, l’O.J.D. annonce que le total des ventes de presse écrite a baissé de 7,1% de 2013 à 2014 alors que les ventes en kiosque ont, pour leur part, chutés de 15,3%. Ces chiffres alarmants font également baisser drastiquement le prix des encarts publicitaires dans ces quotidiens, qui sont pourtant leur source la plus importante de revenus, largement devant le prix de vente de chaque numéro. Toutefois, un paradoxe émerge au-delà de ces chiffres qui semblent saisissants : les journaux n’ont jamais eu autant de lecteurs via leur version numérique (site internet, application mobile) et la presse n’a jamais été aussi démocratisée. Autrefois l’apanage d’une élite, la presse est désormais accessible en quantité via les canaux digitaux, cependant, cette variété et ce volume ne sont-ils pas la rançon de la qualité des analyses, à l’heure où les articles de fond se raréfient au profit d’une information plus instantanée et définitivement plus apte à répondre la demande ?
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