Le plan de paix ukrainien a été diffusé sur les réseaux sociaux sous la forme d'une photo d'un document partiellement manuscrit, contenant les 14 points que les médias mainstream se sont bien garder de détailler.
Cet article a pour objet de remédier à ce regrettable oubli, et d'entrevoir les possibilités et conséquences du succès de ce plan, tel qu'il est rédigé.
Ce plan a été diffusé en premier sur les réseaux sociaux proches du pouvoir Ukrainien. Il s'agit d'une feuille dactylographiée en Russe, avec quelques annotations manuscrites.
En voici une traduction
Manuscrit en haut à gauche [Paix] à droite [10 jours]
1 - Sécurité garantie pour les négociateurs
2 - Amnistie pour ceux qui rendent les armes et n'ont pas commis de crimes sérieux
3 - Libération des otages
4 - Création d'une zone tampon de 10 Km sur la frontière Russie-Ukraine, et retrait de toute formation armée illégale.
5 - Corridor garanti pour la sortie des mercenaires Russes et Ukrainiens
6 - Désarmement
7 - Création d'une force spéciale rattachée au ministère de l'intérieur pour effectuer des patrouilles
8 - Libération des tous les batiments administratifs occupés illégalement dans la région de Donestk et de Lugansk
9 - Remise en route des autorités locales
10- Remise en ondes des émissions de télévision et de radio des chaines publiques
11- Décentralisation du pouvoir (élection de comités exécutifs locaux et protection de la langue Russe doivent être mis dans un projet de changement de constitution)
12- Coordination des gouverneurs avant les élections avec les représentants du Dombass (en cas de désaccord, le président décide)
13- Election anticipés locales et législatives
14- Un programme de création d'emploi dans la région
Le président d'Ukraine garantit la sécurité pour tous les habitants de la région quelle que soit leur opinion politique
et manuscrit en bas de page :
25% reste dans la région
fonds de 1.5 milliard d'euros pour création des emplois dans le Dombass
restauration de tous les batiments détruit.
Voici comment on peut l'analyser
1 - Garantir la sécurité des négociateurs est une évidence, et le fait de l'écrire montre que ce n'en constituait pas une aux yeux de Kiev. Cela nous donne une indication sur les personnes à qui on a affaire.
Toutefois, étant donné les déclarations constantes du gouvernement de Kiev mentionnant qu'il était hors de question de discuter avec les chefs rebelles, on comprends fort bien que le préalable pour être "négociateur" est d'être d'accord. Une conception assez restreinte de la négociation.
2 - "Amnistie "
En fait, soit les anti-kiev déposent les armes pour être jugés sur le "sérieux" de leur crime, soit ils seront détruit.
C'est d'ailleurs en ces termes que le ministre de l'intérieur à répondu sur ceux qui ne déposeront pas les armes : "ils seront détruit".
3 - Libération des otages
Une formulation très connotée. Dans le cadre d'une réelle volonté de négociation, il conviendrait de parler de "prisonniers"
4 - Création d'une zone tampon de 10 Km
Il y a effectivement à Kiev l'idée d'un "Mur de Berlin 2.0", pour rendre totalement étanche le pays à toute communication avec la Russie. Si on considère que pas loin de 1 million d'Ukrainiens franchissaient la frontière pour aller travailler en Russie, que les échanges de l'Ukraine avec la Russie représentaient 60% de ses exportations (et quelques gros % avec des pays satellites qui ne vont plus rien acheter non plus), et que pour vendre quoique ce soit en Europe l'Ukraine devra se mettre à jour des dizaines de milliers de normes, ce "mur" constitue le plus beau cas de suicide économique fait par un pays, et la garantie de troubles sociaux permanents.
5 - Corridor pour les mercenaires Russes et Ukrainiens
Passons sur la connotation la formule, elle reconnait au moins que du coté Ukrainien, il y a aussi quelques mercenaires qui trainent. Comme par exemple l'ex major de l'armée de l'air Anglaise James Fraser Wilkes, que l'on voit dans la photo suivante en train de décuver après avoir un peu trop arrosé sa dernière victoire.
6 - Désarmement, mais de qui ? C'est tellement vague que on ne peut que considérer qu'il ne s'agit là que d'une déclaration de bonnes intentions. Il y a maintenant en Ukraine un certain nombre de milices directement financées par de puissants oligarques, telle que celle d'Igor Kolomoiski (patron de la + grande banque d'Ukraine).
![](//www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L620xH349/igor_kolomoiski-541d5.jpg)
Sa milice est en pointe dans les combats contre l'Est, et dans la destruction des autres succursales banquaires, avec une légère préférence pour les filiales des banques Russes. Ils ne sont déjà plus aux ordres de Kiev, est-ce que ce document l'incluait dans ce point ?
7, 8, 9 et 10 - Il s'agit là tout simplement de prévoir la restauration pleine et entière de l'autorité de Kiev sur les régions rebelles et remise en état de ses canaux de propagandes, bref retour à la normale. Au cas ou les négociateurs ne l'aurait pas compris. Il n'y a donc rien à négocier.
11- Décentralisation et 12 - Nomination des gouverneurs. Cette décentralisation est subordonée à une révision constitutionnelle qui me parait très loin d'être acquise. En particulier, le statut "protégé" de la langue Russe devrait être décidée par une assemblée dont la première décision fut de l'interdire. Autrement dit, on se fiche du monde. Quant à la nomination des gouverneurs, le président (pas la Rada) pourra en imposer un, ce qui revient à dire que rien ne change.
13- Election anticipées. C'est là le smoking-gun qui permet de dire que cet accord ne sera même pas respecté par Kiev lui-même. L'élection présidentielle a donné un score famélique aux formations d'extrême droite et néo-nazis, (svoboda, pravyi sektor), ainsi qu'un recul très net de la formation de Timochenko (à qui on a dit au passage "fermes là et profites de ton pognon ou panpan t'es morte"). Or, ces formations qui ont fait de très mauvais scores sont actuellements très fortement sur-représentés à la Rada, et également dans les ministères. Ces personnes n'ont strictement aucun intérêt à ce que des élections législatives aient lieu maintenant, qui les chasseraient du pouvoir. C'est pourquoi il est très peu probable que des élections anticipées aient lieu, d'autant que en théorie l'Ukraine est revenue à la constitution de 2004, qui ne laissait pas au président le pouvoir de convoquer de telles élections.
14- Un programme de création d'emploi
On est là dans un pipeautage standard.
Les écritures manuscrites enfin méritent aussi commentaires.
25% reste dans la région qu'est-ce que cela veut dire ? Impots ? personnes ?
Le fond de 1,5 milliard est une vaste plaisanterie, la seule restauration de la région dévastée par les bombardement de Kiev promet de coûter bien plus que cela, et c'est un préalable à tout retour à la normale. Par contre, le fait que ce fond soit exprimé en euros dans le texte ne laisse aucun doute sur qui sera censé régler la petite note : le contribuable Européen.
En conclusion :
Il est clair que ce plan n'as strictement rien d'un plan de paix, mais tout d'un ultimatum de reddition inconditionnelle, assorti de vagues promesses de reconstructions qui devront être effectuées aux frais de l'Europe.
Pour ceux qui ont rédigé ce document, il s'agissait de vendre aux médias occidentaux un "plan de paix". Il était nécessaire tant l'opinion publique internationale commençait à s'émouvoir de ce qui n'est qu'une opération de terreur menée par un gouvernement issue d'un putsch contre sa propre population. Il fallait aussi un texte qui soit totalement inacceptable afin qu'il soit refusé par la partie adverse, et par conséquent pouvoir lui en reporter la faute.
En ce sens, la mission a parfaitement été remplie. Tous les médias parlent du "cesser le feu unilatéral", qui d'ailleurs n'as même pas eu lieu sur le terrain, Les bombardements au phosphore reprenant à 23H00 dans la région de Slavyansk, soit 1 heure après l'annonce officielle du cessez-le-feu. (voir
https://www.youtube.com/watch?v=Ea_Jy5jf4jI)
Dès lors, on peut essayer de faire une prospective sur la situation, et la stratégie des acteurs en présence.
1 - Kiev veut un écrasement total de la rébéllion, d'autant plus que les médias occidentaux soutiennent cet écrasement en ayant pris la décision de regarder ailleurs. Ainsi l'information dont nous disposons par les canaux officiels se cantonne à la copie conforme des communiqués de Kiev.
2 - Même si il se trouve quelqu'un à Kiev qui voudrait faire la paix ou faire cesser les armes, il ne sera pas écouté car des milices et des mercenaires sur le théatre des opérations sont déjà commandés de manière autonomes, et n'ont aucun intérêt à une paix.
3 - Il est très probable que, en cas de victoire des forces de Kiev, ces dernières se livrent à une épuration ethnique à l'encontre des populations Russophones, ce qui représente quand même 30% de la population de ces régions.
La stratégie Russe était d'attendre l'effondrement économique du pays - qui est toujours d'actualité - pour le ramasser et essayer de recoller les morceaux.
Pour cela il fallait une résistance active au moins des régions irrédentistes, qui interdirait un arrimage clair et net de l'Ukraine à une structure anti-Russe.
Mais dans l'hypothèse d'un écrasement rapide de la rébéllion, il n'existe pour Moscou que 2 solutions qui sont toutes aussi mauvaises l'une que l'autre.
A - intervenir militairement pour éviter les massacres, ce qui conduira à se mettre à dos toute l'Europe, et cela quel que soit les torts européens ou même les massacres de Kiev qui seront niés par nos médias même au delà de l'évidence.
B - Laisser faire, ce qui inexorablement conduira à l'écrasement de la contestation, et l'établissement d'un régime hystériquement anti-Russe avec presque 2000 Km de frontière.
Dans cette dernière eventualité et en essayant de faire la part des intérêts Russes, je pense que Moscou devra in fine intervenir militairement.
En effet, en cas de laisser-faire, tout laisse à penser que le gouvernement de Kiev fort de cette "victoire" ne s'arrêtera pas là : Il tentera de reprendre la Crimée par les armes. Et quelques informations font penser que l'on s'y achemine. Comme par exemple ce convoi militaire en direction du Sud-Est Ukrainien (
https://www.youtube.com/watch?v=AMfev6rZ2JM).
Cela semble être un convoi de BM-30 "Smerch" (
https://fr.wikipedia.org/wiki/BM-30_Smerch), un lance-roquette multiple ballistique d'une portée de 20 à 90 Km, une arme de première frappe le cadre d'une intervention en Crimée.
Et dans ce cas de figure, la Russie n'aura d'autre choix que de rentrer en conflit direct avec l'Ukraine, qui compte alors sur le soutien actif de l'Europe, des USA et de l'OTAN pour battre les Russes.
Ou comment, dans un enchainement qui n'est pas sans rappeler celui qui se déroula en 1914, nous pourrions être amenés à entrer dans un conflit direct avec la Russie.
J'essaie de me rassurer en me disant que - une fois de plus - je fais erreur.