Le plombier polonais contre la nanny anglaise
Quand le plombier polonais devient l’obsession des Français, une représentation de tous les méfaits de la mondialisation et de l’ouverture à l’Est des frontières de l’Union européenne, pourquoi passer sous silence la présence de certains Anglais qui importent en France des pratiques pour le moins douteuses sans pour autant éveiller autant d’émoi.
Cette diaspora anglaise saisonnière a investi un créneau économique, celui du service à domicile dans les châlets et les résidences secondaires de nos belles montagnes.
Les Anglais débarquent à chaque période hivernale avec leur contingent d’emplois pour le grand plaisir de leurs compatriotes. Pendant la saison de sports d’hiver, qui dure pour eux quatre mois, ils distribuent des prospectus et proposent les services de personel anglophone. Une live in nanny (nounou logée et nourrie) reste au châlet pour s’occuper des chérubins pendant que les parents descendent les pistes de ski, une masseuse offre ses services à domicile pour détendre les muscles après l’effort, l’esthéticienne avec ses soins du visage, manucure, pédicure, jusqu’à la shampouineuse pour chiens qui pomponne votre animal. Tout peut être pris en charge pendant le séjour.
Les bénéfices sont réels pour les employeurs. Ils ne paient pas d’impôts ni en France, ni en Angleterre. C’est même l’accroche utilisée pour faire venir du personnel temporaire.
C’est ce que m’expliquait une jeune fille tentée par cette expérience en France pour cet hiver.
« En Angleterre, on a le droit de travailler à l’étranger pendant 4 mois sans payer d’impôts ».
Personne ne lui a mentionné le fisc français. Malgré mon entêtement à faire comprendre que la législation anglaise prévaut en Angleterre, qu’en France, les lois sont différentes. Peine perdue !
Et moi, je m’évertuais à lui parler de notre percepteur et du chèque-emploi-service-universel.
Et moi qui croyais que les sociétés de services à la personne avaient été créées pour permettre des allègements d’impôts à leurs utilisateurs/clients et pour éviter aussi le travail clandestin. Il m’avait toujours semblé jusque-là que toute activité en France devait être déclarée, même si elle ne faisait pas l’objet d’une imposition.
Après tout ces familles font partie de la bonne bourgeoisie anglaise et n’ont nul besoin d’avantages fiscaux. Cette gent fortunée emploie du personnel corvéable qui repart ensuite en Angleterre. Ce n’est pas vraiment une lutte contre la délocalisation des emplois.
Cependant, quelle est la différence en principe entre l’emploi non déclaré d’un plombier polonais et d’une nanny anglaise ? Tous les deux sont exploités dans ce système.
Y aurait-il deux poids deux mesures ?
Sans doute faudrait-il chercher une explication dans l’imaginaire et la différence de perception des nationalités et de leur statut afférent ?
La tolérance est plus grande pour une immigration anglophone et aisée qui peut garder certains privilèges de classe tandis qu’un simple ressortissant travailleur manuel venant d’un pays de l’Est dérange et provoque des réactions plus irrationnelles.
La question est posée.
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