Le populisme du pompier-pyromane ou L’idéologie d’Extrême-Droite est-elle compatible avec la Nation ?
Cet article a pour parti pris que la France est gangrénée de l'intérieur par une idéologie qui la nie dans ses fondements. La limite est déjà dépassée quand une responable politique refuse dans son programme aux étrangers vivant sur notre sol d'être soignés, comme si les virus contrôlaient les cartes d'identité.
Mais derrière cette proposition stupide, on repère une constance, une cohérence dans la formulation d'une certaine vision du monde. Le nationalisme est au coeur du répertoire des extrêmes-droites, néanmoins cette proposition montre qu'il ne s'agit pas d'un patriotisme de bon aloi mais bien d'une formulation idéologique spécifique à ce courant, d'un nationalisme anti-Français.
C'est toujours une entreprise difficile de s'intéresser aux discours de l'extrême droite. D'abord parce que ce courant politique n'est pas homogène, ensuite parce qu'il ne se limite pas à un courant politique incarné par des partis ou des groupuscules, enfin parce qu'un de ses traits constants reste le confusionnisme idéologique.
C'est pourquoi je ne m'attacherai qu'à un aspect de ce discours, aspect qui me semble-t-il est central et relève d'une forme de cohérence : la conception ethnico-religieuse de la Nation.
Cette conception n'est ni française, ni républicaine. C'est pourquoi d'ailleurs il est si difficile de faire cohabiter les porteurs de cette idée avec les porteurs de la conception française de la Nation au sein d'une République. Il n'y a pas de compromis possible, c'est soit l'une, soit l'autre.
Dans la conception française traditionnelle, on ne nait pas Français, on le devient, dans celle d'extrême droite, la transmission est génétique, essentiaiste. Il ne s'agit plus d'adhérer à des valeurs proclamées comme universelles par la République, par le corps citoyen et véhiculées par l'Ecole laïque. L'extrême droite suppose un déterminisme d'ordre naturaliste, on est Français comme on est Papou ou Yanomami.
Selon le discours d'extrême droite, la Nation, le Peuple, serait constitué de Français "de souche", sa culture aurait des "racines chrétiennes" d'où des dénis de citoyenneté plus ou moins explicites envers tout porteur de stigmates extra-européen et à tout membre d'une autre secte que celle du Vatican. Détail important, cette conception se confond souvent avec un sentiment de crainte, celle de vivre dans une sorte de citadelle assiégée. En quelque sorte, l'essence de la France telle qu'imaginée par cette idée serait menacée par des intrusions de "corps étrangers", étant entendu que ladite France serait éternelle, immuable.
Bien entendu, les conceptions "génétiques" du siècle passé ayant été socialement disqualifiées, ce qui peut s'exprimer au grand jour reste dans la bienséance "ethnodifférencialiste". Il n'empêche que sur le fond, il s'agit toujours d'appréhender autrui par le prisme d'une identité supposée immuable et attachée à lui comme une différence irréductible et menaçante pour l'intégrité, la pureté de la Nation.
l'Histoire de France est telle que la conception ethnico-religieuse de la Nation ne peut reposer que sur des imaginaires "hors-sol" et des notions floues. En effet, les Français ne sont pas une "ethnie". Nous sommes génétiquement parlant un peupe créole, à l'image de notre langue, à la fois celte, latine et germanique. De fait, l'identité française est une réalité très tardive, produite par le vivre ensemble sur un même territoire, avec le concours du politique, dans les frontières établies par la monarchie absolue et plus encore par la constitution de la Nation en corps politique en 1789 et l'unification qui s'ensuivra.
Autrement dit, il n'y a aucun fondement objectif à la conception ethnique de la Nation en France. Les discours d'extrême-droite convoquent l'idée de Nation pour la détourner et en faire le support idéologique présentable de l'idée raciste de "suprématie blanche" . Ou bien tout simplement la peur panique du "métissage" dont on se demande bien en quoi cela viendrait détruire "l'identité française" autrement que dans l'imaginaire de ceux pour qui "Français" égale "Blanc".
Pour définir la France, il est aussi absurde d'en convoquer les racines chrétiennes que les racines païennes, puisque la spécificité française réside en ce que l'appartenance à la Nation n'est en aucun cas lié à une appartenance religieuse. Il n'y a jamais eu écrit "in god we trust" sur nos billets, on ne jure pas sur la Bible au Tribunal et toute notre Histoire conduit la raison à ériger en norme non-négociable du vivre ensemble la laïcité.
La laïcité est d'ailleurs un concept étranger à l'extrême droite, en tout cas il est manifeste que l'emploi du mot dans la bouche de leurs portes-paroles, revient à interdire l'existence visible de toute religion qui ne soit pas chrétienne, certains allant jusqu'à exprimer qu'être français et être musulman ne serait pas compatible.
En revanche, il est indéniable que la conception traditionnelle et pour le moment la seule légitime de la Nation Française est tributaire d'un certain nombre de valeurs qui ont émergé avec le christianisme. Cependant, il faudrait être fin théologien pour arriver à démontrer en quoi ces valeurs-là ne seraient-elles pas tout aussi présentes dans l'islam. En revanche, il est plus aisé de démontrer qu'une pratique intégriste du catholicisme est tout autant incompatible avec la République qu'une pratique intégriste de l'islam.
Et c'est sans nul doute ce point qui devrait faire réfléchir d'une manière dialectique aux effets de la diffusion des discours d'extrême droite et des comportements racistes en France. En quelque sorte cette idéologie confusionniste est en train detruire les conditions de possibilité du vivre ensemble et la Nation. En effet, il est étrange qu'après des décennies où l'on a traité certains d'"arabes" l'on s'étonne de les voir se comporter comme tels. Il est absurde de regretter la disparition d'un sentiment de fierté nationale et la non identification à la Nation de "jeunes" lorsque justement se diffuse par tous les canaux l'idéologie de "l'AntiFrance".
En effet, si être Français c'est être blanc, nier l'égalité entre les êtres humains, refuser le libre choix du culte, non seulement il n'y a pas de quoi en être fier, étant donné que cela nous place à même hauteur que nombres de barbares,mais cela interdit à quiconque ne peut se prévaloir du code génétique ou de la religion appropriés de trouver les ressorts identificatoires à l'intérieur des frontières du pays dans lequel il vit.
Et c'est pourquoi nous avons vécu quelques décennies où il était de bon ton de ne pas trop sortir de drapeaux bleu blanc rouge, ni de convoquer dans les discours l'identité de la France. En somme, l'extrême droite a réussi à démoraliser les Français et à les priver de leur capacité à "fabriquer des Français", peut importe d'où vient la matière.
De même tous les enfants d'immigrés, duement instruits par l'Ecole Républicaine des valeurs et des principes qui font un "bon Français" ont pu mesurer en se frottant à la réalité, à quel point il s'agissait-là de voeux pieux et qu'on leur faisait comprendre clairement qu'ils n'étaient pas légitimes sur cette terre de France.
Dès lors que leurs "origines" les déterminaient aux yeux de beaucoup trop, leurs identités se sont forgées ailleurs, leur camaraderie s'est dirigée vers ceux qui ne les excluaient pas. Et par une sorte de ruse de l'Histoire, beaucoup d'entre-eux à l'esprit faible sont devenus eux-mêmes les porteurs de l'idéologie d'extrême-droite. Il suffit d'écouter les conversations d'enfants des cités pour comprendre la portée de ces disours antifrançais véhiculés jusqu'au plus haut niveau de l'Etat : pour eux aussi désormais," Français" égale "Blanc".
Il semble évident à qui sait ce que Français veut dire que les discours d'extrême droite et la démission de ceux qui prétendent ne pas en partager les valeurs, sont en fait la recette pour fabriquer par ricochet des Mohamed Merah. La conception Ethnico-religieuse de la Nation est un barbarisme propice à la constitution d'une atmosphère de guerre civile. C'est une chimère qui vient se greffer sur une terre dont l'histoire en contredit les fondements conceptuels, elle ne peut se développer que dans des esprits confus et paresseux qui mesurent mal les conséquences politiques de leurs propos et attitudes. En paroles, ils empêchent la concorde nationale et la construction d'une identité partagée, positive, et en actes, le choix de cette voie mène à l'apartheid et la déportation. Il n'y aurait pas de quoi être fiers de cela. En somme, traitres à leur Patrie, ceux-là ne sont pas Français.
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