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Accueil du site > Tribune Libre > Le pouvoir d’achat du père Noël est-il une ordure ?

Le pouvoir d’achat du père Noël est-il une ordure ?

L’émerveillement des lumières doublé des vitrines émoustillantes regorgeant de cadeaux, la foule sentimentalement imprégnée d’une générosité soudaine. Des cadeaux, on oublie tout, le chômage, la crise, les tracas, on se retrouve ou on se perd. Les émissions télés deviennent moins sérieuses et les journaux se posent des questions essentielles

La question cruciale, déterminante, profondément métaphysique, portant son cortège de questionnement sur l’état de notre civilisation, engageant le devenir de l’humanité et de l’univers entiers, plus importante que l’existence de Dieu ou le comportement de la particule au zéro absolu. Cette question, c’est : « le budget de Noël sera-t-il réduit compte tenu de la crise ? » Voilà une question essentielle sans laquelle nous ne saurions vivre sereinement. Cette question semble réunir la presse et les médias dans son intégralité. On croirait qu’elle va comme un gant à JP Pernaut de TF1, le sourire narquois bon enfant, annonçant le reportage montrant des ptis nenfants tout joyeux dans le grand magasin. Pourtant, cette question convient à tout journaliste qui se respecte. Un Delahousse peut très bien la poser en invitant un économiste pour en discuter. Quoique, un sociologue serait la personne la plus avertie pour analyser les comportements sociaux. Un Maffesoli nous expliquerait pourquoi en période de fête les gens, même avec un pouvoir d’achat réduit, feront le nécessaire pour garnir le pied du sapin, quitte à se serrer la ceinture un peu plus tard. Combien de parents ont-ils confié à la caméra que pour eux, pas question de faire moins et de jouer l’impasse sur quelques jouets pour les enfants. Quand c’est Noël, la vie quotidienne est suspendue. Il faut montrer qu’on n’est pas touché. Cela ressemble à la méthode coué mais aussi à un rite des plus païens qui soient. La fête de l’enfant Jésus transformée en orgie de bouffe et de cadeau. Orgie est le mot qui convient, bien qu’il détourne le sens originel de ce terme désignant le culte pratiqué dans l’Antiquité pour vénérer la nature renaissante au printemps. Une fois qu’on a dit cela, on n’a rien énoncé de bien surprenant, puisque chaque année, il y a un Platon le bavard pour décortiquer ce phénomène social devenu une fête de la consommation, et produire un billet sérieux dans Le Monde. Tout au plus, fera-t-on un rapprochement avec un événement similaire, celui du mariage en Inde, moment tellement spécial que des familles s’endettent pendant dix ans pour célébrer les noces de leur fille avec faste. C’est étrange mais rien n’indique que l’homme est une créature très rationnelle. Et d’ailleurs si elle l’était, on s’emmerderait franchement.

Pour l’instant, le Fêthon n’est pas achevé. Les commerçants feront leurs comptes après le passage à la nouvelle année et nous aurons la réponse à cette question qui passionne toute la presse et même qui est suivie de près par les pouvoirs car cela donne un indice sur la confiance des ménages, comme celui de l’Insee. Quoique, rien ne soit certain. Une très bonne consommation pour ces fêtes pourrait traduire une boulimie consumériste censée servir d’ersatz anxiolytique. A l’inverse, une baisse de consommation traduirait une sobre frugalité raisonnée, une sorte de traversée zen de l’individu occidental en voie de libération face à l’asservissement de l’hyper consommation. Mais pour conclure, on ne peut rien dire de bien tangible tant les individus sont différents. Et pas seulement par leur budget. Certains font des excès et d’autres ont rien à cirer de cette quinzaine, se contentant de quelques plaisirs gastronomiques. La présence des enfants, voire des petits-enfants, joue évidemment. Noël, c’est le moment où l’on fait plaisir aux gosses. Les grandes personnes passent après mais ne veulent pas être oubliées.  

Que de gens dans les magasins, les rues, au centre des grandes villes, dans les centres commerciaux de la périphérie. Rien ne les arrête, pas même la possibilité de commander sur le net. Une foule réunie par l’effet de mimétisme, le désir se propageant comme l’étincelle que les marchands veulent la plus compulsive. La nature a bien fait les choses. Elle a doté des animaux supérieurs et notamment l’homme, de neurones miroirs. Ainsi, le désir se propage, le manque aussi. Celui qui arpente les rues sans aucune pochette, sans sac griffé, se mire dans ces gens, pas toujours heureux, mais chargé de cadeaux. Ainsi naît le désir. Mais n’accordons pas une attention trop importante à ce phénomène mimétique qui ne fait croître que de quelques euros de panier moyen du consommateur de Noël. Les gens sont plutôt repliés sur leur existence, savent ce qu’ils veulent, pour gâter Pierre, Paul ou Josiane, les grands, ou Mathis, Kévin, Lorenzo les petits.

Allez, on bouffe, on déplie les cadeaux, on bise et remercie, mais le lendemain, la vie reprend son cours et on s’aperçoit que tous ces objets et jouets, ça ne rend pas plus heureux. Et cette messe consumériste célébrée ressemble de près à la messe de minuit. L’effet ne dure qu’un soir. Le lendemain, les gens ne sont pas plus près de Dieu qu’ils ne l’étaient avant. Mais c’est si bon de sortir le soir pour se rafraîchir à minuit. Et pour les autres, il y aura le grand bêtisier de Noël.  

C’est devenu le marronnier pour toutes les chaînes. Sans bêtisier, une télévision n’existe pas pendant les fêtes. Ca commence ce soir sur la Six. Alors que TF1, n’étant pas une chaîne de service public, marque sa différence et ne retransmettra pas la messe de minuit comme les autres années, préférant mettre un bêtisier pour faire rigoler les petits et les grands qui seront encore devant l’écran plat familial. C’est cela aussi la fête. Se moquer des hommes. Cela ressemble un peu au carnaval, où le jeu consiste à prendre corps dans une autre personnalité. Mais nous ne sommes plus dans les temps anciens. Le carnaval se vit sur un canapé, en regardant la télé et tous ces écarts de conduite des grands personnages de ce monde, ces lamas qui crachent sur le caméraman, ce perchiste qui se balade en plein dans le champ lors qu’une entrevue sérieuse, cette présentatrice prise de fou rire, candidate pour la cérémonie des Denise Fabre d’or, et cet acteur se foutant à poil pour gagner un Gainsbarre de marbre !


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17 réactions à cet article    


  • LE CHAT LE CHAT 22 décembre 2008 14:03

    ils sont quand même balaises d’annoncer un budget réduit de 5 % deux mois à l’avance !
    qui est capable de dire exactement ce que va coûter Noel ??????
    BLA BLA BLA BLA BLA BLA .....


    • foufouille foufouille 22 décembre 2008 14:22

      il parait que les gaulois faisaient la fete durant 15 jours a cette periode


      • foufouille foufouille 22 décembre 2008 16:25

        c’etait il y a 1500-2000a
        pour relativiser, ils profitaient du solstice d’hiver pour manger les denree perissable
        des fois 3 semaines durant
        plus quelques sanglier, amphore d’hydromel ou vin
        la belle vie quoi


      • Luciole Luciole 22 décembre 2008 21:04

        Les gaulois mangeaient aussi pas mal de chiens. Ce n’est pas très connu...


      • foufouille foufouille 22 décembre 2008 22:36

        du chien ???
        y avait plein de bete a bouffer
        totalement illogique


      • Luciole Luciole 23 décembre 2008 09:33

        Désolée, la consommation de chien a été démontrée par les fouilles archéologiques.


      • foufouille foufouille 23 décembre 2008 11:34

        sur un chien y a pa grand chose a bouffe
        peut etre des loups
        ou encore pour les sacrifices rituel
        sinon je vois peu l’interet


      • Luciole Luciole 23 décembre 2008 11:51

        L’origine de la consommation de viande est généralement rituelle.
        Dans le cas du chien chez les Gaulois, je ne sais pas à quel point cette nourriture s’était "banalisée". Il faudrait vérifier si l’on trouve des ornements autour des ossements de chiens.


      • Lisa SION 2 Lisa SION 2 22 décembre 2008 15:30

        " Une très bonne consommation pour ces fêtes pourrait traduire une boulimie consumériste censée servir d’ersatz anxiolytique " avez vous fait avaler, bernard,

        Si le chiffre sacro-saint de la consommation en période de fête est sable ou en hausse légère, alors que la qualité des produits consommés a nettement baissé...c’est que la contrefaçon bat son plein ! Forçément !

        Si la grenouille non encore endormie dans la casserole du réchauffement climatique, avait idée de goûter la soupe à la sauce par laquelle les crevettes américano-monsanto-mélano-chinoises vont nous manger, elle sauterait immédiatement par dessus bord !

        Ce chiffre ne déclare pas comme le taux de cadeaux non faits-maison, qui sont souvent les seuls qui font vraiment plaisir. Le petit artisanat hors loi du marché dans cette période de fête n’a pas d’indicateur mais pourtant gagne tous les ans. J’ai moi même, un jour été aimablement surpris de me voir demander : Mais où trouves-tu ces si belles étiquettes à nos noms ? Je les avait fabriquées en écrivant les noms avec un feutre large doré et contourné les lettres sèches par un filet noir. Et comme mes cadeaux étaient souvent achetés dans les brocantes d’été, je sortais donc totalement du circuit légal quantifiable...

        Bonnes fêtes à vous tous.L.S.


        • Lisa SION 2 Lisa SION 2 22 décembre 2008 18:22

          Je suis en train d’écouter le journal d’Europe 1 qui déclare que des contrefaçons de chocolats célèbres viennent d’être interceptées en provenance de Turquie, si ce sont ces cerises noyautées dans l’alcool, elles ont le goût du gateau Turc..amer !

          Notre belle et brillante civilisation est un gateau infame juste couvert d’une fine couche de sucre glace...la cerise qui culmine a goût de sang...


        • appoline appoline 22 décembre 2008 18:06

          Les commerçants sont les premiers à dire que les passants passent.......et repassent mais n’achètent guère. Ils attendent. Peut-être que sur les derniers jours les chiffres d’affaire remonteront. Alors, tirer des plans sur la comète maintenant serait ridicule


          • Luciole Luciole 22 décembre 2008 21:21

            J’ai trouvé l’article intéressant, notamment ses commentaires sur le mouton de Panurge absolu que devient le pauvre hère aprpentant (tel l’arpenteur de Kafka) les grands magasins à la veille de Noël.
            Ils ont tous peur ! Peur de quoi ? Mais oui, peur de la tête que risque de tirer leur copine, leur femme, leur maman ou leur enfants s’ils ne font pas de cadeau ou bien un cadeau "nul".
            Je signale à cet égard une pub particulièrement sexiste dans le métro avec une femme à qui cela paraît totalement déplacé de se voir offrir une tronçonneuse. Non non, les femmes, elles n’aiment que les trucs nunuches, sinon il faut qu’elles aillent voir un psy.
            Bref, je reviens sur le quidam terrorisé par les personnes qui sont censées l’aimer, mais qui ne l’aimeront plus du tout s’il ne sacrifie pas une partie de son salaire pour leur offrir de très onéreuses et inutiles babioles. A quoi tient l’amour, on se le demande ? Et ce n’est pas tout. Madame veut une babiole, mais plus jolie (traduisez plus chère) que celle que va recevoir sa soeur ou sa meilleure copine. Les gosses veulent des jouets plus chers que ceux des copains de classe. La valeur de chaque personne ne tient pas à sa gentillesse, à sa capacité à écouter les autres et à les comprendre, mais uniquement au prix des cadeaux qu’ils recoivent.
            Et le fait de s’attribuer de la valeur (marchande) les uns aux autres est le fondement de l’amour dans le monde consumériste moderne.
            Noël est donc la fête de l’amour en famille. Chacun montre aux autres la valeur marchande qu’il leur accorde en dépensant beaucoup d’argent pour eux. Quand tout le monde peut constater que tout le monde a beaucoup dépensé pour les autres, la famille se satisfait de savoir qu’elle a globalement une forte valeur marchande et que ce sentiment est unaniment partagé dans la famille. Donc tout le monde est rassuré sur sa haute valeur et on peut retourner travailler toute l’année comme des brutes pour pouvoir au Noël prochain réaliser le même exploit.
            En quelque sorte, Noël est un peu le prlongement du commerce des indulgences de la Renaissance. Sauf que le salut c’est uniquement de ne pas se sentir un looser face à ses collègue ou ses voisins tout au long de l’année. De croire que l’on "vaut" quelque chose dans ce monde où tout s’achète.
            Finalement, les gens se consolent de la mort par ce sentiment de valeur et croient échapper au purgatoire de la médiocrité sociale, en se faisant acteur d’une immense médiocrité généralisée.
             


            • Mescalina Mescalina 22 décembre 2008 21:45

              Très bon billet.... Cette question de savoir si "le panier moyen a chuté / grimpé / est resté stable", m’indiffère au plus haut point. Pas un journal pour rattraper l’autre.

              PITOYABLE.


              • naej 23 décembre 2008 07:15

                A Luciole

                 Superbe analyse ! Dans notre société consumériste c’est : je suis ce que j’ai, je suis ce que je fais.


                • vincent p 23 décembre 2008 12:13

                  Surtout que la consommation tient bon en novembre et à progressé de 0,3%.







                   



                  • ZEN ZEN 23 décembre 2008 12:34

                    Pour un repas de Noël sans bling-bling et original...

                    Essayez cette formule canadienne

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