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Le pouvoir de la rue

Face à Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon joue fidèlement son rôle de premier opposant, ne reculant devant aucune outrance. Mais entre le fondateur de la République en Marche et le leader de la France Insoumise, il y a peut-être plus d’une similitude. 

 Habiles à la langue de bois lorsqu’ils sont au pouvoir, les hommes politiques, quand ils sont dans l’opposition, ont des propos rarement mesurés. Car il s’agit avant tout de marquer les esprits en insistant sur la duplicité, voire l’inanité de ceux qui sont aux affaires. Et à ce jeu-là, rien n’est trop gros pour enfoncer un adversaire qui, quoi qu’il fasse ou dise, a toujours tort. Tous ne sont pas également doués pour cette éristique qui est depuis longtemps l’un des ressorts de la politique. Sous cet angle-là, Jean-Luc Mélenchon est certainement, à l’heure actuelle, le premier de la classe. Rien ne peut l’arrêter quand sa mécanique verbale est lancée. Il y a en lui une ivresse de la parole qui le porte fréquemment à l’outrance. C’est ce ton passionnel qui le fait aduler par les uns et détester par les autres.

Samedi 23 septembre à Paris, lors du grand rassemblement qu’il avait organisé place de la République, le tribun de la France Insoumise a créé une polémique avec un « dérapage » historique plus ou moins contrôlé. En faisant l’apologie de la rue, il entendait répondre à ce qu’il estime être « le coup d’état social du président Macron ». Mais placer les nazis dans la longue litanie de ceux qu’elle a abattus (en vrac les rois, Devaquet, Juppé, le CPE) est pour le moins cavalier, sinon inexact. Car si des groupes de résistants ont bien participé à la libération de Paris, s’ils se sont levés contre l’occupant allemand, c’est parce que les armées alliées étaient aux portes de la capitale. En outre, comment comparer une insurrection armée planifiée avec un soulèvement populaire spontané ?

Monsieur Mélenchon, qui dit avoir enseigné l’Histoire, ne devrait pas faire de pareils contresens, même fasciné par le modèle de la Révolution Française. Il devrait plutôt se rappeler que le peuple est changeant – c’est dans son étymologie -, que la rue est ambigüe, qu’elle peut tout autant favoriser les élans démocratiques que les entraver et les nier au profit de leurs ennemis, fascistes et agents du totalitarisme. Car c’est la rue qui a préparé le terrain aux nazis, tout comme elle l’avait préparé pour les bolcheviks ; c’est la rue qui a porté Peron au pouvoir ; c’est encore la rue qui a fait le jeu d’Erdogan, l’an dernier, après le coup d’état avorté contre lui. Macron a raison sur ce point : c’est dans les urnes que la démocratie trouve sa légitimité. Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas protester avec les moyens prévus par la législation contre la réforme – trop généreuse pour les patrons – du code du travail ou le recours présidentiel aux ordonnances (qu’il n’avait d’ailleurs pas caché dans son programme). Mais il faudrait parfois le faire sans tomber dans la caricature, car elle décrédibilise les meilleures intentions.

Au-delà des protestations justifiées par les circonstances présentes, il faut compter sans doute avec le ressentiment de Mélenchon vis-à-vis de l’actuel président. A-t-il lui-même digéré sa défaite aux présidentielles et accepté le jugement des électeurs ? Rien n’est moins certain. D’où son insistance sur l’insoumission, la charge conceptuelle qu’il fait entrer dans ce mot et ses adjectifs dérivés. Macron et Mélenchon sont-ils d’ailleurs si dissemblables ? A priori tout les oppose : l’âge, les choix de société…Mais à y regarder de plus près, ils ont plus d’un point en commun. L’un comme l’autre doivent leur succès actuel à la vague de « dégagisme » (souhaitée communément) et à la décomposition des partis traditionnels. En quelques mois, ils ont créé des mouvements citoyens qui sont devenus rapidement des partis et qu’ils dirigent sans la moindre contestation interne - car tous deux ont d’évidentes dispositions à l’autocratisme. Pour Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron est un adversaire encore plus personnalisé que ne l’était Marine Le Pen aux élections de 2012. Il y a en eux tous les ferments d’une belle rivalité mimétique.

 

Jacques LUCCHESI


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10 réactions à cet article    


  • Daniel Roux Daniel Roux 29 septembre 2017 09:40

    Mélenchon a ses défauts, il les connait et essaie tant bien que mal de les gérés.

    Cependant, quoiqu’on pense du tribun, son idée de faire payer l’impôt à tous les français, y compris ceux de l’étranger mériterait au moins un débat et un vote à l’assemblée... si nous étions en démocratie.

    Tous ces gens qui fuient l’impôt en s’exilant quelques mois par an mais envoient leurs enfants dans nos écoles et universités, viennent se faire soigner dans nos hôpitaux, utilisent nos infrastructures pour leurs déplacements, nos policiers pour leur sécurité et celle de leur famille.. etc.. Ce sont des malhonnêtes laissant aux plus pauvres le soin de financer leur confort.

    L’auteur n’est pas avare d’approximations. Passons sur l’opinion bizarre de l’auteur concernant la libération de Paris, mais :

    « c’est la rue qui a préparé le terrain aux nazis, tout comme elle l’avait préparé pour les bolcheviks »

    Il est contradictoire de faire un faux procès à Mélenchon pour avoir mêler mais pas confondu, nazi et Jupé dans la même litanie, et quelques lignes plus bas, d’associer sans nuance, nazis et bolcheviks, dans la même phrase.

    Ce bobard, socle idéologique de l’offensive en cours contre le peuple, est, à la fois, un mensonge et une idiotie historique. Les nazis, en perte de vitesse électorale, ont accaparé tous les pouvoirs par un coup d’état, utilisant l’incendie du Reichstag comme prétexte mais surtout la force, la terreur et l’intimidation.

    Ce n’est donc pas la rue qui a mis les nazis au pouvoir, mais ceux qui les ont financés, c’est à dire les grands groupes industriels et financiers allemands et US.


    • Clocel Clocel 29 septembre 2017 09:56

      Deux escrocs qui prétendent refléter le spectre des idées modernes alors qu’ils ne sont que deux parvenus qui ne colportent que ce que le 19 ème siècle a produit de plus ringard...

      Du mauvais Feydeau pour gogos zombifiés.


      • gogoRat gogoRat 29 septembre 2017 10:43

        Si on fait abstraction du tribun et de toute la politicaille pour ne se concentrer que sur les arguments
         ... on voit alors à quoi se réduit la hauteur de vue de ce genre d’ergotage sur des ’petites phrases" sorties de leur contexte !


        • izarn izarn 29 septembre 2017 17:54

          Si c’est pour avoir du Macron versus Merluchon la prochaine fois, ce ne sera pas encore la peine de se déranger...
          Sauf si par leur médiocrité ils se dégagent eux-meme, du genre la disparition Merkel/Tsipras programmée : Le théâtre de pantomime du Système.


          • capobianco 30 septembre 2017 08:18

            @izarn
            Quelle vue objective et non partisane !!! Macron=JLM ? JLM médiocre ? Sûr que la comparaison avec votre « Ass » ...... Vous êtes drôle avec vos affirmations à deux sous.


          • JP94 29 septembre 2017 18:54

            Ce ’n’est certainement pas la rue qui a préparé le pouvoir pour Hitler mais les Industriels !!

            la classe possédante, ! qui a financé aussi sa campagne..

            Quel contresens historique que de prétendre cela !!

            Voici une scène de rue vécue par Gilbert Badia , alors lecteur de français dans un lycée en Allemagne, dans les années 30.
            Par curiosité, il va assister à un défilé de nazis, restant sur le trottoir. 
            Mais il ne fait pas le salut hitlérien.
            Le lendemain, la Polce débarque et l’interroge .
            Il a dû quitter l’Allemagne.

            Où est la rue ? c’est bien l’Etat, qui a assuré le pouvoir coercitif de Hitler, et il n’est pas venu au pouvoir par la rue, mais par les urnes.

            S’il a tenu les rues, avec ses SA, c’est pour en évincer ... la rue ...celle du prolétariat qui y manifeste.
            Donc il n’était pas la rue, mais avait trouvé le seul moyen d’empêcher l’occupation des rues, l’occuper par ses forces et par tous les moyens ...

            • JP94 29 septembre 2017 18:56

              De la même façon la manif Charlie occupe la rue pour délégitimer toutes les manifestations anti-Hollande à venir !


              • capobianco 30 septembre 2017 08:12

                Tiens un énième article anti-Mélenchon !!! C’est étrange, cet homme est présenté comme un nul, un inutile, voir un complice du pouvoir mais « bénéficie » d’une attention particulière de ses nombreux détracteurs d’agoravox. Pourquoi tant « d’intérêt » pour celui que vous nous présentez comme justement sans intérêt ? Juste un cri du cœur peut-être ou une tentative de démolition bien organisée ?


                • Le421... Refuznik !! Le421 30 septembre 2017 14:58

                  En outre, comment comparer une insurrection armée planifiée avec un soulèvement populaire spontané ?

                  La résistance qui œuvrait depuis 41 ne doit pas être confondue avec la meute de petits profiteurs appariteurs qui se sont défendu en 44 quand ils ont vu le vent tourner.
                  Les patriotes de la dernière heure, quand les « affaires » avec la Werhmacht tombent à l’eau à cause de cette engeance rouge...

                  Quand à l’outrance, est-elle dans celui qui dénonce un fait ou dans celui qui mets son pays sous coupe réglée ?

                  Je vous laisse juger


                  • jorie 3 octobre 2017 13:27

                    Je vous trouve bien sévère à l’égard de M.Mélenchon ! il a fait un discours de plus d’une heure contre la casse du code du travail et ses propos sur les nazis ne faisaient référence qu’à la délégitimation de la « Rue » en tant qu’outil de démocratie.
                    La « Rue », ce sont les manifestations, les réunions et ce sont bien des droits démocratiques ! A aucun moment, moi, personnellement je n’ai compris l’amalgame juppé-macron-nazis !! il s’agissait de la Rue et Mélenchon a énoncé toute une liste d’actions effectuées par la Rue, c’est ça qu’il a dit ! riende plus. Et dans ce listing d’actions de la Rue, il a cité les manifs contre la loi Devaquet, contre le CPE, contre la casse du code du travail.

                    Enfin, certains se rappelleront ici sans doute de la mobilisation spontanée de la Rue contre les ligues fascistes en 1934 permettant ainsi leur interdiction ! qui a oublié l’appel au peuple de Paris à s’insurger en 1940, et en 1944 pour dresser des barricades et chasser les derniers nazis. Qui a oublié la Rue de 1968 qui a tout de même contribué à changer la vie et la culture en France depuis l’ère gaulliste ? Oui cette Rue a facilité bien des combats dignes d’être respectés.

                    Il est évident que Mélenchon n’est pas dupe sur la libération de la France par les Américains et par le front Russe de l’Est, c’est d’ailleurs l’un des rares politiques à citer ces deux branches de la libération, parce qu’à chaque fois on oublie de parler de la Russie dans cette histoire ! 20 millions de morts sur le front Est. On oublie même à la différence de Mme Merkel d’envoyer au moins un ministre à Moscou pour la commémoration de cette lutte contre les nazis !! alors qu’on commémore les massacres d’Américains en Normandie, pourquoi oublie t on les autres ??

                    Cette manière tordue de réduire les propos de Mélenchon ne sont pas honnêtes. Certes, dans cette énumération, sa phrase était « incomplète », mais son but n’était pas de parler des nazis, son but était de parler du rôle de la Rue. Feindre d’ignorer ça, ce n’est pas honnête !

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