Le Premier ministre marocain, Abdelilah Benkirane, sait-il que son pays organise la COP22 ?
Gérée quasi-exclusivement par Hakima El Haïté, la polémique autour de l’importation de déchets italiens au Maroc a révélé un manque d’intérêt patent d’Abdelilah Benkirane pour la cause environnementale. Certains se demandent si le chef du gouvernement marocain n’est pas davantage préoccupé par les élections législatives du 7 octobre prochains, qui s’annoncent d’ailleurs mal engagées pour son parti.
Mis en cause suite au débarquement fin juin de 2 500 tonnes de déchets en provenance d’Italie, le gouvernement marocain a confié sa défense aux mains d'Hakima El Haïté, qui a semblé esseulée face à la fronde médiatique. Lors d’une conférence de presse organisée le 11 juillet dernier, la ministre de l’Environnement a dû expliquer aux journalistes l’intérêt d'importer ces déchets prétraités, utilisés par les cimentiers marocains pour alimenter leurs fours industriels. Si l’absence de soutien gouvernemental ce jour-là n’a échappé à personne, la suite a carrément tourné à l’imbroglio, sur fond de querelle sur les mots. Alors qu'Hakima El Haïté a aussitôt suspendu les importations sur ordre d’Aziz Akhannouch, le ministre de l’Agriculture, ce dernier dément avoir exigé leur arrêt, en dépit de preuves filmées lors du conseil ministériel du 14 juillet. Le 28 juillet, le Premier ministre Abdelilah Benkirane a finalement décrété la reprise des opérations italo-marocaines, marquant la fin d’une quinzaine agitée pour la ministre de l’Environnement.
Tiraillée entre les déclarations du gouvernement et ses engagements envers les cimentiers marocains, Hakima El Haïté a fait sacrifice de sa personne afin de préserver l'image et les intérêts nationaux. L'essoufflement économique du pays est en effet apparu évident lors de la présentation par le Premier ministre de son bilan de fin de mandat le 23 juin. Qualifié d'« alarmant » par l'économiste marocain Abdelkader Berrada, il a révélé une croissance inférieure à 3,2 % ces cinq dernières années, soit « un des taux les plus faibles depuis 1960 ». Obnubilé par les élections législatives du 7 octobre 2016, Abdelilah Benkirane n'a en revanche que faire des problématiques environnementales du Maroc. Quelques jours après l'affaire des déchets italiens, le chef du Parti de la justice et du développement (PJD) s'est d'ailleurs fait remarquer par son absence lors de l'ouverture de la MedCop, conférence méditerranéenne sur le climat, le 18 juillet à Tanger. Aurait-il oublié que le Maroc accueille la COP22 du 7 au 18 novembre à Marrakech ?
Les velléités électorales avant l'environnement
Le Premier ministre, semble-t-il, est plus préoccupé par l'impopularité grandissante de son parti, qu'une trentaine de militants influents ont récemment quitté pour rejoindre le Parti authenticité et modernité (PAM). Ces derniers ont dénoncé « l’absolutisme et l’hégémonie » qui règne au sein du PJD, connu pour son idéologie islamiste, ajoutant y avoir souffert « des lobbies et même de la corruption ». Depuis plusieurs semaines, Abdelilah Benkirane essuie également les critiques des femmes marocaines, qui ont manifesté le 24 juin suite à ses déclarations sexistes au Parlement. « Il y a un problème par rapport au rôle de la femme dans la famille moderne, a-t-il ainsi affirmé. Lorsque la femme est sortie des foyers, ceux-ci sont devenus sombres. » Même le roi Mohammed VI, qui l'a nommé à la tête du gouvernement le 29 novembre 2011, le désavoue en privé, l’accusant de se comporter en opposant lors des réunions du PJD.
Fervente militante de la cause féminine depuis plus de 20 ans, Hakima El Haïté est également une figure historique du Mouvement populaire, concurrent direct du PJD en vue des législatives. Au-delà de l'adversité politique et idéologique, la ministre de l'Environnement, qui s'est vue confier le rôle d'ambassadrice mondiale de l'écologie lors de la COP21, fait surtout les frais des velléités électorales d'Abdelilah Benkirane, qui se sait critiqué de toutes parts. Aussi lui a-t-il préféré Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture, pour représenter le Maroc lors d’une conférence préparatoire sur la COP22 les 1er et 2 septembre à l’Ile Maurice. « Mes valises sont prêtes. Je suis prêt à quitter le gouvernement à tout instant », confie-t-il néanmoins en guise de prémonition...
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