Le président Hollande et la laïcité : un choix crucial pour la nation, la république et le peuple
François Hollande est le nouveau Président de la République. Deux mots reviennent au fronton de cette victoire : Egalité et Justice. La laïcité, que nomme comme l’une de ses causes le nouveau président dans son discours de victoire à Tulle, est indissociable de l’égalité, cette valeur certes, mais surtout, ce principe constitutionnel qui se trouve au sommet de la hiérarchie des normes juridiques de notre pays, comme nulle part ailleurs. Dès l’article premier de notre constitution, la laïcité et l’égalité se trouvent ensemble affirmées et associées : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. »
La laïcité et l’égalité attaquées ! Pourquoi être de gauche, serait de ne rien vouloir voir ?
Selon certains, la laïcité ne serait pas un principe juridique mais une idéologie, voire un mythe. La loi de 1905 serait dépassée et s’opposerait même aujourd’hui à des rapports apaisés entre la République, les religions voire les nouvelles communautés ethnico-identitaires. C’est l’idéal égalitaire qui fonde la laïcité qui est en premier lieu ici attaquée parce qu’il fait précisément obstacle au communautarisme. Qu’il s’agisse de celui, religieux, dont l’UOIF[1] est l’expression la plus directe, vecteur d’un islam de l’enferment dont le mouvement de revoilement que l’on connait est largement le reflet, avec le refus du mélange accompagné d’une relecture ultraconservatrice du coran. Une organisation qui domine actuellement le Conseil Français du Culte Musulman. Ou qu’il soit question encore du communautarisme ethnico-identitaire porté par le CRAN[2] et la « République » multiculturelle d’un Lilian Thuram[3], malheureusement défendue par un Edgar Morin qui s’égare[4]
Mieux, Terra Nova, l’officine de conseil du Parti socialiste propose, dans un rapport publié le mois dernier et nommé « Banlieues et quartiers populaires : repenser la politique de la ville », propose ce nouveau modèle de l’action sociale appelé le « community organizing ». Venu des pays anglo-saxons, il prône la mise en place de conseils de quartier dit « réellement représentatifs » ne comprenant pas les « habitants méritants aux yeux du personnel de la mairie » pour porter les projets de la politique de la ville, mais « sélectionnés en fonction de leur pays d’origine, de leur genre, de leur âge… » Les actuels animateurs des comités de quartier qui sont pourtant souvent très impliqués et militants associatifs apprécieront ce jugement a priori, pour les remplacer par une représentation ethnico-identitaire outrancièrement considérée comme plus juste !
Des journaux comme le Nouvel Observateur ou Libération n’ont eu de cesse de dénoncer tout questionnement sur la place de l’immigration en France sous ce prétexte qu’elle est le commerce du FN qui joue sur les divisions et la haine. On niait ainsi les préoccupations légitimes d’un nombre non-négligeables de Français mais aussi d’étrangers qui refusent les assignations identitaires, au vu de la montée des revendications communautaires tous azimuts. Ces dernières ne peuvent qu’être encouragées par les accommodements qui n’ont de raisonnables que le nom, menés par les élus locaux de droite ou de gauche dans combien de municipalités, pour favoriser entre autres le financement sur les deniers publics de lieux de cultes, particulièrement de mosquées, qui minent notre vivre ensemble par clientélisme interposé.
Lorsqu’on explique que le gagnant du débat sur le halal ou sur le port du voile lors de sortie scolaire, c’est Claude guéant voire Marine Le Pen, on favorise une diabolisation et on en fait des sujets tabous. François Hollande n’a-t-il pas exprimé que « L’immigration n’est pas le sujet des présidentielles » pourtant étroitement lié à la problématique de la laïcité à laquelle il dit tenir. Pourtant, ce sont de vrais sujets et à les abandonner à la droite sarkosienne et à l’extrême-droite, la gauche commet une faute par rapport à ses propres valeurs, à la cohésion sociale.
Est-il normal, comme le montre le dernier rapport remis au ministère de l’agriculture, que 50%[5] de la viande qui vient sur nos étals est le fait d’animaux abattus principalement selon le rite musulman sans le signaler, et qu’ainsi on paie dans le prix de celle-ci sans le savoir celui du sacrificateur attaché à une mosquée ? Autrement dit, que l’on verse son denier du culte sans le savoir à une religion en y étant assigné sans le vouloir ! Que des mères musulmanes entendent imposer leurs signes religieux lors de sorties scolaires relevant du cadre des missions de l’école laïque dont l’esprit de neutralité est précisément d’intégrer par les valeurs communes et non chacun sa différence ? Que les personnels qui s’occupent de la petite enfance, y compris dans les crèches privées le plus souvent financées sur fonds publics (hormis celles à caractère confessionnel), puissent porter le voile en bafouant le sens de la mission d’intérêt général qui leur est confiée, les droits de l’enfant et de ses parents à la neutralité[6] ? Que dans l’enseignement supérieur on voit se multiplier les revendications communautaires, les signes religieux, y compris là où on forme aux missions des services publics, avec une certaine résistance au contenu laïcisé des enseignements ?
La discrimination positive et le communautarisme contre la liberté et le peuple
On ne peut sous-estimer le fait que, si le chômage peut être la première préoccupation des Français, le vivre ensemble peut être aussi de première importance pour ceux qui vivent des situations de concentration de populations de cultures, d’éducation, de mode de vie différents, d’autant plus encore lorsque le repli communautaire renforce cette tendance avec un refus du mélange au-delà de la communauté de croyance ou de couleur, avec un lien social qu’on ne reconnait plus jusqu’à l’ethnicisation de certains quartiers. Faut-il s’étonner alors qu’une partie de plus en plus importante des ouvriers, des couches populaires confrontés à cela, dont on identifie les préoccupations avec une lepénisation des idées, se trouvent ainsi poussés dans les bras du FN ?
A rejeter à gauche une véritable réflexion sur ce sujet on a laissé le champ libre au Président de la République pour dire que l’intégration ne fonctionnerait plus en en accusant les immigrés, les opposant ainsi de façon dangereuse et contraire aux valeurs de la République, aux Français, sans vouloir cibler les vrais problèmes relatifs aux logiques identitaires qui fracturent notre vivre ensemble. Si l’intégration continue de jouer son rôle elle est mise en grave difficulté à la fois en raison du développement des inégalités propres à la crise du capitalisme, l’intérêt privé jouant de façon explosive contre l’intérêt de la société, mais aussi par la volonté de certains qui voient dans cette situation l’opportunité de la remettre en cause en visant derrière elle la République mise en accusation d’avoir failli.
Pour résoudre les inégalités on veut faire croire qu’on pourrait passer par un système de réparation généralisé ciblé selon des déterminants identitaires. Toute positive qu’elle se dise cette discrimination reste ségrégative tournant le dos à nos plus chères valeurs. C’est en fait joué « le droit à la différence » contre les droits de tous, pour aboutir à la différence des droits et à la négation de l’égalité. Le retour des religions pour encadrer la société et le multiculturalisme, entrainent la France dans une démarche aventureuse contre le peuple. Derrière des valeurs de tolérance en apparence généreuses on cède en fait aux effets d’une crise d’un système qui fait voler en éclat l’idée même de faire société en en oubliant la cause : une lutte des classes qui fait rage !
On s’appuie sur la montée du désir de singularité pour justifier que la reconnaissance de la diversité culturelle serait aujourd’hui une valeur essentielle des droits humains. On omet de dire que cette logique justifie le communautarisme qui hypothèque les droits et libertés individuels de ceux qui tomberaient sous l’omnipotence des minorités ethniques ou religieuses qui y correspondent et sont en embuscade dans notre société pour la diviser et la dominer.
Il y a dans cette démarche une alliance de fait entre ceux qui veulent une France divisée en clans religieux ou ethniques et un libéralisme qui a besoin de diviser pour régner. L’exemple des pays anglo-saxon fondés sur les divisions multiculturelles aux droits sociaux quasi inexistants ou en minoration, où il est impossible de mobiliser les forces populaires de la société sur une question sociale, le montre bien.
La France, une terre d’accueil grâce à l’égalité et la laïcité : ne rien céder sur ces valeurs
La France comme République laïque et sociale n’a d’avenir qu’en ne cédant rien sur le principe d’égalité, car c’est lui qui fonde notre solidarité nationale, notre fraternité, et ne laisse personne de côté pas même le sans-papiers qui bénéficie de l’Aide Médicale d’Etat. La France doit rester une terre d’accueil dans la continuité d’un droit du sol acquis dès 1889, d’une tradition intégratrice qui voit aujourd’hui près de deux fois et demi plus d’étrangers naturalisés par an qu’en 1995. C’est toute la richesse de ce fameux creuset français à condition que chacun en respecte les valeurs. Pour autant, tout pays se doit de maitriser ses flux migratoires ou c’est le promettre à l’impossibilité d’intégrer ceux qui viennent d’ailleurs et les vouer par défaut au repli communautaire qui se retourne contre tous.
N’oublions pas que c’est du principe d’égalité dont découle la notion même de solidarité nationale jusqu’au principe de la sécurité sociale, de chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins, qui n’a rien à voir avec un égalitarisme mais de la mise en œuvre pour tous des mêmes droits sociaux. C’est le sens même des services publics et de l’obligation de moyens, c’est-à-dire de la mobilisation de moyens adaptés aux besoins de chaque personne, qui s’inscrit dans le principe de la laïcité, de l’égalité de traitement devant la loi de tous indépendamment de la couleur, de l’origine de la religion ou du sexe. Qu’il y a-t-il de plus beau et de plus élevée que cette règle morale, que cette valeur sociale que le communautarise anéantirait ?
La laïcité est une forme de conscience qui considère que la politique ne saurait dépendre d’une puissance surnaturelle ou de groupes communautaires négociant leur petits pouvoirs claniques mais de la responsabilité du peuple comme corps politique souverain, des citoyens, de l’intérêt général. Sans la laïcité, la démocratie est un vain mot et simplement un système clientéliste pour gouverner sur le dos du peuple.
La laïcité, attribut de notre République inscrit à son article premier, est donc déjà la plus haute marche de notre morale commune et de notre droit. Mettre dans notre constitution la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat comme le propose François Hollande, pourquoi pas, mais à condition que l’on ne donne pas portée constitutionnelle au statut régional de l’Alsace-Moselle, qui, sur le modèle allemand, finance les religions dans l’école publique, ouvrant ainsi une brèche dans l’Etat-unitaire dans lequel on s’engouffrerait : il en serait fini de la même loi appliquée à tous et partout de la même façon, du principe d’égalité !
La laïcité porte au-dessus des différences le bien commun, l'intérêt général, la citoyenneté, sans nier celles-ci, bien au contraire pourvu qu’elles respectent cet ordre des valeurs, elle leur garantit de vivre en bonne intelligence, aucune d'entre-elles n'ayant la possibilité de prendre le pouvoir sur les autres.
La laïcité, un projet de société ou culmine l’humanisme révolutionnaire de la République
Il y a des règles d’organisation des sociétés qui représentent un bien commun qui seul garantit des libertés aux individus, dans l’ordre de l’histoire du développement du droit qui est étroitement lié aux révolutions qui ont amené l’homme à s’émanciper de bien des formes de domination dont la domination religieuse, du clan, de la tribu. La laïcité est la fructification de l'héritage de la Révolution de 1789, de cette rupture décisive entre le trône et l’autel, du passage d’un Louis XIV affirmant « l’Etat c’est moi ! » à cette France de la prise de la Bastille dans la clameur de « L’Etat c’est le peuple ! ». C’est celle des grandes luttes sociales et des révolutions du 19e siècle, du Front populaire et du programme du Conseil National de la Résistance jusqu’à mai 68.
Il ne faut pas renoncer à l’idée d’une société qui s’appuie sur le peuple et une démocratie au service du bien commun, avec la laïcité au cœur où culmine l’humanisme de notre République, qui à elle seule constitue, poussée jusqu’au bout, un véritable projet révolutionnaire. Ce qui devrait faire réfléchir un Front de gauche ayant tendance à vouloir nier la réalité de certains problèmes qui se retournent contre son combat et sa philosophie humaniste. D’ailleurs, la crise de notre démocratie dont le FN est un symptôme, s’inscrit dans le prolongement d’une offre politique qui, à ignorer la nécessaire remise en cause du système inégalitaire dominant et une défense sans concession de la laïcité indissociable de l’égalité et de la question sociale, multiplie les risques d’une société polarisée entre extrême-droite et communautarismes.
S’il existe dans notre pays des faits de discrimination qu’il faut combattre, qui contrecarrent parfois l’intégration, l’image de généralisation de ceux-ci est sans fondement, car ces personnes, comme les autres, pour l’essentiel travaillent, se logent, leurs enfants allant à l’école, bénéficient des mêmes acquis sociaux, des mêmes prestations sociales que les autres, précisément en raison de l’effectivité de la laïcité. Ce qu’il ne faut pas, c’est la laisser être détourné de son but : l’intégration républicaine. C’est seulement entre égaux que l’on peut librement de mélanger !
La laïcité, un enjeu de société et même de civilisation
La laïcité est, comme nous venons de le voir, une de nos libertés des plus fondamentales, elle conditionne de fait la façon dont nous entendons vivre ensemble, jusqu’à la forme de notre société. C’est l’égalité entre les individus d’avoir tous les mêmes droits que la laïcité garantit qui crée les conditions pour chacun de la liberté d’un choix individuel. C’est aussi une formidable responsabilité commune citoyenne. La Nation, fruit de la volonté des individus et de leur libre choix de s’associer, n’est tangible que par cette valeur, il faut en rendre justice au peuple de France. Le cas que fera la présidence de la République qui s’annonce, de ce principe fondamental de notre droit qu’est la laïcité, est plus qu’on ne le croit un enjeu de société et même de civilisation.
[1][1] L’union des organisations islamiques de France,http://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/rencontre-annuelle-de-l-uoif-au-114519
[2] Conseil représentatif des associations noires de France.
[3] Appel pour une République multiculturelle et postraciale, publié le 20 janvier 2010 dans le supplément du magazine Respect Mag. http://www.respectmag.com/appel-pour-une-r%C3%A9publique-multiculturelle-et-postraciale.
[4] Edgar Morin, Patrick Singaïny, La France une et multiculturelle, Fayard, 2012.
[5] La protection animale en abattoir : la question particulière de l’abattage rituel. Rapport confidentiel de novembre 2011 remis au Ministère de l’agriculture publié par Le Point.fr : http://www.lepoint.fr
[6] Convention internationale des droits de l’enfant, article 14-1- L’autorité parentale, Article 371-1 du Code civil.
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