Le président Obama avec un bras dans une main : une joyeuse censure à couper bras et jambes
On croirait à un gag. Mais non ! Selon le site Médiapart qui l’a publiée, le 11 juin dernier, la photo ci-contre fait partie de la collection du photographe officiel du président Obama, mise à disposition par la Maison Blanche sur le site Flickr après sa visite en France les 6 et 7 juin. Et elle serait représentative des autres qui l’accompagnent : toute proximité excessive du président Obama et du président Sarkozy aurait été écartée.
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Pour y parvenir à l’occasion d’une rencontre entre les deux chefs d’État, l’opération relevait de la gageure, mais le service de presse n’y est pas allé par quatre chemins.
Entre la farce et le symbole
On prendrait volontiers par exemple cette photo pour celle d’un photographe débutant qui en est encore à couper pieds, bras et têtes par défaut de cadrage. Or, ce n’est pas ici le cas. Sans doute, le président Obama, assis dans un salon cossu, est-il bien centré en plan américain, comme il convient. Mais à l’évidence, ce plan n’est qu’une partie constitutive d’un plan d’ensemble plus large comprenant un autre personnage, qui a été tronqué : on voit le président tenir un bras dont on ne sait à qui il appartient puisqu’il est coupé au biceps. Les ingrédients d’une scène de farce sont réunis : la distorsion entre ce qui est et ce qui devrait être est si grossière qu’elle fait sourire, d’autant que l’hilarité du président américain est communicative.
La mise hors-contexte sur fond de moulures et de dorures ouvre, cependant, sur une ambiguïté volontaire : elle autorise les interprétations les plus fantaisistes de la relation de cause à effet offerte par la métonymie. Est-ce de brandir ce bras coupé qui rend le président si rigolard ? S’amuse-t-il à tordre le bras de son partenaire dans une partie de bras de fer ? Ou, plus sérieusement, cette scène stylisée s’élève-t-elle à la signification générale du symbole de la nouvelle politique américaine de la main tendue à quelque partenaire que ce soit dans le monde. Mais dans ce cas, le symbole n’est-il pas parasité par les effets redoutables de cette politique de la main tendue puisqu’elle peut aller jusqu’à arracher le bras à qui la saisit ?
Un acte de censure tranquillement affiché
Car si ce bras coupé est ici volontairement exhibé, c’est que la Maison Blanche lui fait jouer un rôle précis. Selon Médiapart, a-t-on dit plus haut, ce serait la métonymie de la distance que le président Obama a entendu mettre entre lui et le président Sarkozy : qu’aucune complicité personnelle entre eux ne puisse être soupçonnée ! Il semble en effet que la photo ait été prise à Caen lors de la rencontre entre les deux chefs d’État qui ont dû poser un instant côte à côte devant les photographes avant leur tête-à-tête.
Dans ce cas, la résolution du président Obama est telle qu’il n’hésite pas à mettre en scène une censure au vu et su de tous. Même une scène protocolaire où les deux hommes sont forcés d’être l’un près de l’autre quelques instants, a subi ouvertement l’outrage des ciseaux du cadrage.
En général, les retouches d’une photo, au temps de Staline ou à l’époque de la technologie numérique dont, par exemple, fait parfois usage Paris-Match, ne doivent pas être repérées : les personnes indésirables sont habilement gommées sans laisser de traces. Ici, au contraire, la censure se pratique à découvert en livrant la pièce à conviction : le président américain tient à la main un bras en l’air qui trahit la mise hors-contexte délibérée par un cadrage rejetant son propriétaire indésirable hors-champ. La métonymie obtenue est des plus claires : le président Obama ne pouvait exprimer plus brutalement le mépris que lui inspire le président Français, jugé indigne de figurer à ses côtés, y compris pour une photo protocolaire stéréotypée.
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