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Le président Sarkozy et le PDG de Radio France disent courir après « une information honnête ». Ils peuvent toujours discourir !

Ça en devient lassant comme une scie, ou amusant, c’est selon . À la veille de quitter son poste, le président de Radio France, M. Cluzel, vient d’emboucher la cornemuse pour entonner le refrain sur la théorie promotionnelle de l’information chère au médias, propre à désorienter les citoyens. Interviewé par Le Monde.fr, le 1er avril 2009, après sa rencontre avec le président de la République, il a prétendu n’avoir parlé avec le président que « de principes qui (leur étaient) chers, ceux d’Hubert Beuve-Méry qui soulignait qu’une information se doit d’être honnête, précise et vérifiée. » « Le Président, selon lui, (reprocherait) aux médias en général, pas à Radio France en particulier, de ne pas être assez strict sur ces principes. » (1)

 
Une honnêteté inaccessible

Le seraient-ils, les citoyens disposeraient-ils pour autant d’une information suffisante pour former leur opinion avant d’avoir à l’exprimer ? À en croire les partisans de la mythologie médiatique de l’information, il suffirait que l’information soit «  honnête, précise et vérifiée  ». L’argument d’autorité de Hubert Beuve-Méry, brandi comme un modèle, n’y change rien. Cet assortiment d’adjectifs est déjà curieux : définissent-ils trois critères différents ou un seul exprimé avec redondance ? Qu’est-ce qu’"une information honnête" qui ne serait ni "précise" ni "vérifiée" ? Et d’autre part comment définir "une information honnête" ?

L’honnêteté est la vertu de celui qui se conforme aux exigences morales les plus hautes de sa conscience, y compris si elles s’opposent aux lois de sa société. On a à l’esprit la figure emblématique de cette honnêteté mise en scène par Sophocle, Antigone. Le roi a beau interdire toute sépulture à Polynice son frère, jugé coupable de trahison envers Étéocle, son autre frère considéré comme un héros national, Antigone ne reconnaît au roi aucune autorité légitime en la matière : au péril de sa vie, elle désobéit et donne une sépulture à Polynice, pour qu’il connaisse la paix dans l’au-delà.

Une traduction dans la vie contemporaine ? Désobéir à l’ordre de rafler des innocents pour les faire monter dans des trains en direction des camps de la mort. Ou encore révéler que la version officielle d’une arrestation de terroristes est un leurre, que la procédure a été violée et que des armes ont même été apportées à leur domicile pour mieux les confondre.

Une honnêteté douteuse

On sent bien que l’on ne peut attendre une pareille honnêteté de l’information, parce que les hommes et les femmes ne sont pas tous des héros, loin de là. C’est surtout oublier que l’information conditionne leur survie et que personne n’expose volontiers par honnêteté ses faiblesses aux autres pour leur laisser tout loisir d’exploiter sa vulnérabilité. Nul être sain ne livre volontairement une information susceptible de lui nuire, doit-on inlassablement répéter. Ainsi chacun veille jalousement et légitimement à protéger les secrets qui conditionnent sa survie ou assure sa domination.

Un président de la République doit être le premier à le savoir – il ne l’ignore pas d’ailleurs - puisque la notion de « secret défense » est une notion souvent très élastique pour dissimuler non seulement des informations stratégiques mais aussi bien des turpitudes de politiques, de fonctionnaires et d’affairistes sans scrupules. Tout État, toute institution, toute entreprise, toute profession, tout individu préservent une masse d’informations secrètes ou confidentielles dont la divulgation menacerait leur existence même.

Voilà pourquoi toute « information donnée », c’est-à-dire livrée volontairement par un émetteur quel qu’il soit, ne peut être qualifiée automatiquement d’honnête. Il peut, il doit parfois non seulement éviter de livrer "une représentation fidèle de la réalité", mais même, par prudence, faire diversion par des leurres divers pour ne pas éveiller de soupçons. C’est bien aussi pourquoi, tout État, toute institution, toute entreprise, tout émetteur recherchent activement l’information qui leur est refusée par tous moyens et tentent de l’extorquer.

Il semble donc que le mot « honnête » ne s’applique déjà pas à ceux qui en usent pour qualifier la prétendue information après laquelle ils disent courir. Au mieux le mot « honnête » peut-il être entendu dans son acception la plus dévaluée à peine au-dessus de ce qui est moyen, passable, convenable, comme on parle d’une « honnête moyenne ». À quoi bon aspirer alors à une information médiocre de cet ordre ?

Un premier leurre de diversion « malhonnête »

Mais la malhonnêteté intellectuelle ne se limite pas à jouer sur les sens du mot « honnête ». Cette façon d’aborder l’information sous l’angle de sa seule vérification, de sa précision, de son honnêteté, de sa longueur, de la place à lui accorder est en fait déjà un leurre de diversion pour faire oublier que ces opérations de validation et de mise en forme d’une information se déroulent en même temps que le tri sévère qu’il importe d’effectuer pour deux raisons : 1- l’une, on vient de le voir, est de vérifier non pas son exactitude, mais son innocuité et son utilité en cas de diffusion. 2- L’autre est l’exiguïté de la place et du temps de diffusion disponible dans les journaux et sur les antennes : des dizaines de milliers d’informations affluent chaque jour ; or, temps et place de diffusion sont très réduits : comment verser cent litres d’eau dans une bouteille d’un litre sans en répandre à côté ? Pour opérer un tel choix draconien, l’honnêteté est un exercice difficile.

Winston Churchill était mieux inspiré que le président Sarkozy, et donc plus honnête, du moins si l’on en croit les propos de M. Cluzel : on lui prête cet aphorisme qu’il faut aussi inlassablement répéter : « En temps de guerre, la vérité est si précieuse qu’elle devrait être toujours protégée par un rempart de mensonges. » Et si, selon l’adage romain, c’est en temps de paix qu’on prépare la guerre, autant dire que la consigne de W. Churchill s’applique à tout instant. Et tous les acteurs sociaux plus ou moins en conflit larvé ou ouvert entre eux sont concernés. C’est dire la masse d’informations qui échappent à la diffusion au point qu’il n’est pas exagéré de la comparer à la part immergée de l’iceberg. 

Les trois contraintes qui pèsent sur "la relation d’information"

À vouloir échapper à la loi de la pesanteur, on prend le risque de se retrouver sur son séant. C’est la mésaventure du président de Radio France et, à l’en croire, du président de la République lui-même. On ne peut sans hypocrisie aborder « la relation d’information » avec des termes moraux comme « l’honnêteté », même s’il arrive, Dieu merci, qu’émetteur et récepteur en fassent preuve. Car les contraintes qui s’exercent sur l’information sont telles qu’elles laissent en général peu de place à l’honnêteté.

La seule chance de lui en faire une plus large serait de commencer d’abord par ne pas tromper les citoyens sur cette sorte de physique de « la relation d’information ». Rien ne vaut pour la qualité de l’information que la certitude d’un émetteur d’avoir en face de lui un récepteur averti à qui on ne peut pas raconter d’histoires. Or, on ne devient récepteur averti qu’en sachant que sur « la relation d’information » pèsent des contraintes drastiques. 1- La première, on l’a apercue, est celle des des motivations de l’émetteur. 2- La deuxième est celle des moyens de diffusion avec en particulier leurs ressources financières. 3- Enfin, la troisième est celle des propriétés du récepteur à la fois indocile et sensible plus à son cœur qu’à sa raison, disait Pascal.


Les stratèges en ont déduit fort logiquement qu’il est plus efficace de s’adresser à ses réflexes qu’à sa réflexion ! Et là, l’honnêteté est bien souvent absente. Qu’en pensent les salariés de l’aciérie d’Arcelor-Mittal de Gandrange en Moselle ? Paul Villach

(1) LeMonde.fr ," Jean-Paul Cluzel : « Mon bilan à la tête de Radio France est positif  »", 1er avril 2009.



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5 réactions à cet article    


  • caramico 3 avril 2009 10:57

    Honnêteté de M. Val ?


    • daniel daniel 3 avril 2009 11:20

      Ils ont beau se dire "indépendants", les journalistes et animateurs de France Inter sont peut-être indépendants du pouvoir, mais pas indépendants de leur culture, de leur formation, de leurs opinions.
      Sur France Inter ça se voit au moins autant qu’ailleurs. Val, l’ancien duettiste de "Font et Val", ne fait pas mystère de sa grille d’analyse, Daniel Mermet et Didier Porte non plus. On sait d’avance ce qu’ils vont dire.
      La radio publique, qui vit de notre redevance et semble l’oublier en permanence, serait moins suspecte si elle annonçait clairement la couleur, et plus "honnête" si elle équilibrait son recrutement.
      Chacun est libre d’écouter Radio Notre Dame ou TSF 89.9, il sait d’où vient le message. Mais il paie pour France Musique, même s’il péfère Radio Classique.
      Pour Val, je me demande s’il ne s’agît pas d’un poisson d’avril. Comment le désigner avant que le patron de Radio France ne soit en poste ? Si c’est confirmé, c’est encore plus grave que je ne le croyais. 


      • souklaye 3 avril 2009 12:55

         Le problème des révoltes révolutionnaires de nos jours, c’est la confusion des genres, des géographies, des époques et des définitions.

        Un soulèvement populaire en Birmanie ne rejoint en rien un pique-nique syndical de fonctionnaires à Paris.

        L’overdose de temps libre provoque des abus de langage sémantique, des prises d’otage de figures historiques, des jumelages outranciers de luttes issues de la famine et de l’obésité. Voilà les bases de l’économie du romantisme revendicatif dans les pays occidentaux.

        Lorsque nous effectuons une analyse des modèles ou des structures de contestation, nous constatons une chose commune : la non tolérance des partisans du pour ou du contre.

        La suite ici :

        http://souklaye.wordpress.com/2009/04/02/alternative-univoque-ennemi-intime-ou-conspiration-collective/

         

         


        • Fergus fergus 3 avril 2009 16:21

          A l’évidence, un service public dirigé par un pédégé complaisant aux ordres d’un président autocratique et manipulateur ne peut se prévaloir d’une "information honnête" qui, dans leur bouche, devient un oxymore !


          • Michael Jordan Manson (MJM) Michael Jordan Manson (MJM) 3 avril 2009 19:28

             Il manque un point ... La radio c’est bien, la télé c’est mieux.

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