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Accueil du site > Tribune Libre > Le protectionnisme est-il l’allié du capitalisme ?

Le protectionnisme est-il l’allié du capitalisme ?

Je le concède, le titre est un peu exagéré, l’idée que j’aimerais développer est un peu plus subtile que cette grossière opposition. Je voudrais montrer que - malgré eux - les politiques se réclamant du protectionnisme économique sont devenus les alliés des tenants du capitalisme en France aux dépends d’une véritable solution à l’ensemble des problèmes de notre société que beaucoup associent au système économique en place.

Consumérisme à outrance, individualisme, paupérisation, accroissement des écarts sociaux - pour ne citer qu’eux - les problèmes de notre société moderne dénoncés par de plus en plus de nos contemporains sont nombreux. Pour beaucoup ils sont liés au capitalisme et c’est donc à travers un contrôle de ce dernier ou tout simplement une alternative économique complète que l’on pourra s’en sortir. Il y a en effet de quoi penser que le capitalisme est à l’origine de beaucoup de ces problèmes, par exemple la société de consommation s’est bien développée sur le libéralisme économique et son incroyable multiplication des offres et des produits et la paupérisation est aujourd’hui liée à la libre concurrence avec des pays comme la Chine où la main d’œuvre est beaucoup moins chère. Mais on doit aussi rappeler une caractéristique très importante de ce système libéral : Comme son nom l’indique, il nous laisse libres. Nous oublions un peu vite en effet que rien ne nous oblige à consommer, à ne penser qu’à nous même ou à être obnubilés par notre mode de vie si précieux. Certes tout est fait pour nous y inciter, puisqu’on dépense à peu près 500 milliards de dollars par an pour que nous conservions ces habitudes. Mais nous restons concrètement libres puisque nous avons parfaitement le droit de nous comporter différemment sans être sanctionnés par la société.

De ce constat plutôt simple viennent mes doutes quant à l’idée que la solution aux problèmes sus-cités serait d’ordre politique, c'est-à-dire qu’il faudrait une alternative à ceux qui défendent le libre échange et les autres principes libéraux. Marine Le Pen, Arnaud Montebourg, Jean Luc Mélenchon (Il existe bien évidemment des différences radicales entre eux, leur vrai point commun est de défendre le protectionnisme à diverses échelles) et beaucoup d’autres politiques sont porteurs de cette idée mais il ne faut pas oublier qu’ils sont des hommes/femmes politiques et donc qu’il est naturel pour eux de croire et de dire que la solution est politique. Cependant cette solution semble-t-elle réellement satisfaisante ? Je n’irais pas la remettre en doute sur le plan économique, il y a tout un tas d’économistes qui débattront là dessus bien plus efficacement que moi, mais je veux simplement me demander si les problèmes tant décriés – paupérisation, individualisme, consumérisme, etc – seront vraiment résolus par le protectionnisme. « On fabriquera des Smartphone en France » dit Marine Le Pen, je crains que cette phrase ne résume bien l’impasse dans laquelle pourrait nous conduire l’hypothèse protectionniste. Comment croire à un changement radical, à des lendemains qui chantent alors qu’on se rend bien compte que finalement il ne s’agit que d’une solution très partielle à un problème global ?

Mais j’aimerais aller plus loin car je ne dis pas simplement que le protectionnisme est une hypothèse douteuse mais surtout qu’il contribue à renforcer la légitimité du système en place. En effet, on nous dit que pour changer les choses, il faut voter pour un tel plutôt que pour les élites en place qui entretiennent les problèmes du système. A aucun moment, on ne dit au citoyen que le problème est dans sa propre vie, dans sa propre existence et qu’il se résoudrait par un changement de son mode de vie, de ses habitudes de consommation. Finalement on dit au citoyen : « La décision la plus courageuse que vous puissiez prendre, c’est celle de mettre tel bulletin de vote dans l’urne plutôt que ceux-ci. » Et donc, à mon sens, on le détourne du véritable problème, celui qui permet au système de prospérer tel qu’il est, c’est-à-dire le comportement du citoyen, ses habitudes de consommation, son besoin de confort matériel, etc. Je crois que la politique prend là un rôle d’exutoire : Elle permet d’évacuer toute notre contestation en la canalisant dans un vote à l’impact finalement très limité plutôt que de nous inciter à œuvrer pour que notre propre existence devienne responsable et cohérente.

Difficile de développer en un article l’alternative idéale à ce mode de vie mais supposons que le citoyen lambda arrête d’acheter des vêtements fabriqués en Chine parce qu’ils sont à la mode mais qu’il achète au contraire peu de vêtements – uniquement ce dont il aura besoin – fabriqués en France, qu’il achète de vrais légumes cultivés localement et non plus des plats préparés et surgelés dans un pays en développement dont ce citoyen se plaint qu’il soit capable de produire davantage que les agriculteurs français, si ce genre de comportements se multiplient, il est clair que la société de consommation en souffrira sérieusement. De plus le temps libre généré par un travail moins prenant (il n’y aura qu’à travailler pour subvenir à l’essentiel) permettra de se consacrer à ce qui fait la véritable richesse : L’art, la politique (sérieusement, cette fois-ci), autrui. C’est une introduction un peu rapide à une pensée qui existe depuis Tolstoï, qui a été développée par Ivan Illich ou Jacques Ellul sous les termes de « simplicité volontaire » ou « sobriété heureuse » et peut se retrouver dans la décroissance défendue aujourd’hui par Paul Ariès, Pierre Rabhi et tant d’autres.

Enfin j’aimerai répondre à deux critiques que l’on fera surement contre cette idée. D’abord certains diront peut-être qu’il ne s’agit finalement que d’aider le système capitaliste à rester en place puisqu’on évince toute alternative politique. Ce n’est pas du tout le cas, il s’agit surtout de dire que la solution n'est pas d'abord politique mais dans la responsabilité et la cohérence individuelle même s’il existe des choses à mettre en place au niveau politique comme éventuellement du protectionnisme mais l’objectif ne doit pas être de sauver l’industrie française mais de songer à une société postindustrielle. Certains pourront aussi dire que c’est simplement utopiste mais je leur répondrai que c’est un ensemble de changements des habitudes qui peut se mettre en place progressivement et modifier la donne dans notre pays. Les publicitaires continueront-ils à nous bombarder de spots et de slogans quand nous n’y serons plus réceptifs ? Je ne crois pas. Je pense même que les utopistes sont ceux qui nous disent que l’alternance politique est la solution miracle alors que c’est avant tout dans la conscience et la responsabilité de chaque citoyen qu’est la vraie solution.


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8 réactions à cet article    


  • non667 25 juin 2011 12:52

    libéro -capitalo-*mondialisme = combat de boxe économique sans catégorie . !
    quand les gagnants capitalistes auront pompé tout l’argent des peuples (money mondiale )
    que leur restera-t-il ? le S.E.L. càd le troc entre particuliers ! smiley smiley


    • Robert GIL ROBERT GIL 25 juin 2011 18:44

      La mise en concurrence est organisée par les industriels eux même qui délocalisent une partie de leur production et qui ensuite la mettent en concurrence avec celle restée dans leur pays d’origine. Tout cela pour le plus grand malheur des salariés du Sud comme du Nord et le plus grand bonheur des actionnaires. Pour le capital le développement des pays du Sud ne doit pas supprimer l’exploitation d’une main d’œuvre bon marché, et doit continuer à faire pression sur les salaires des pays du nord. L’arnaque est parfaite, surtout que le monde ouvrier est loin d’être aussi uni que le monde des affaires !

      Voir ci-dessous pour en savoir un peu plus :

      http://2ccr.unblog.fr/2011/02/02/concurrence-et-mondialisation/


      • Aureus 26 juin 2011 17:43

        Tout ceci est fort intéressant mais !
        Quand bien même les citoyens des pays d’Europe parvenaient aux même conclusions que vous (et on en est très loin, compte tenu de l’apathie politique générale), ils n’ont plus voix au chapitre sur rien.
        Je me permets tout de même de rappeler que c’est la commission européenne qui possède un quasi-monopole dictatorial sur toutes les décisions d’ordre économique (et social, industriel, environnemental, etc...). Les parlements nationaux (et donc les citoyens) n’ont plus leur mot à dire ; ils se contentent de transcrire en droit interne les directives émanant de la commission. Quant au parlement européen, il n’a que des pouvoirs croupions et il est nécessaire d’obtenir l’unanimité parmi 27 états membres aux intérêts nationaux divergents pour changer le moindre mot d’un texte. Et lorsque cela arrive, c’est toujours dans le sens de plus de libéralisation économique ; tendance presque imposée par le traité de Lisbonne.
        Donc rassurez-vous ; le protectionnisme n’est certainement pas à l’ordre du jour à la commission européenne. Tout au contraire, puisque c’est l’UE et les Etats-Unis qui ont promu la marche de la « mondialisation inévitable » et l’abolition de toute forme de protectionnisme en matière d’échange de capitaux, de marchandises et de services.


        • Michel Dupont Michel Dupont 26 juin 2011 18:27

          Certes, le protectionnisme n’est absolument pas à l’ordre du jour pour les politiques nationales et européennes mais ce que je lui reproche, ce n’est pas qu’il devienne un danger une fois mis en application, ce que redoutent tous les néo-libéraux (et je pense d’ailleurs qu’il n’y aura pas - sauf évènement extraordinaire - de politique protectionniste dans les années à venir) mais qu’il soit déjà un problème dans l’état actuel des choses, en étant présenté comme la seule alternative forte au libéralisme. En effet, on exclut au nom d’un soit-disant pouvoir politique capable de résoudre ces problèmes la solution intéressante de la décroissance qui passerait par la responsabilité individuelle, l’évolution de nos comportements de consommateurs, de travailleurs,etc. 


          • Aureus 26 juin 2011 20:47

            Je n’affirme nullement que ce que vous préconisez n’est pas empreint d’un certain bon sens.
            Je veux juste attirer votre attention sur le fait que, quand bien même les peuples européens en général et la France en particulier, étaient favorables à une abolition radicale des dogmes économiques ; ils n’en sont pas maîtres... La décision ne leur appartient tout simplement plus.


            • Michel Dupont Michel Dupont 26 juin 2011 21:28

              « La décision ne leur appartient tout simplement plus. » 

              Je ne suis pas vraiment d’accord : Le jour où l’individu décide de ne pas consommer davantage quand les prix baissent, il casse la la loi de l’offre et de la demande, le jour où il refuse de céder à l’envie que peut créer en lui un spot publicitaire, il rend le marketing obsolète, le jour où il refuse de céder à la mode, il oblige l’industrie du vêtement à revenir à la qualité, etc. En un sens, le jour où les individus auront massivement pris conscience que la surconsommation et l’adulation du confort matériel sont des impasses, l’économie sera morte et cela, par la décision des individus. 

              • Mugiwara 27 juin 2011 00:39

                le protectionnisme ne doit pas être une politique à mettre en oeuvre sur une période infinie. quand les choses vont mal, il faut savoir se remettre en cause et parfois se recentrer un peu pour comme on dit se serrer la ceinture. mais là où le bât blesse, c qu’il y a un double jeu, voire plus. 

                l’heure n’est plus à trouver qui est le bouc émissaire, ou le fautif, c’est selon, mais aux solutions pour aider la chine, le brésil entre autres à faire vivre leurs peuples de façon digne et les pays européens qui les enrichissent directement ou indirectement. 
                et puis, il faut aussi que les pays tels que la chine, le brésil et quelques autres doivent prendre conscience qu’on est en difficulté et qu’on doit aller un peu plus lentement, donc, il y a des concessions à faire des 2 côtés. 
                pour les responsables de cette crise dans laquelle nous vivons, ils sont bien entendus à chercher du coté des financiers de toutes les places mondiales, ceux là qui spéculent à perte avec l’argent des contribuables, jusqu’à même jouer sur la crédulité des peuples en leur faisant miroiter qu’acheter une maison même en étant pauvre est possible ... 
                les politiques de droite sont les premiers responsables, et il va sans dire que ça a toujours été les politiques de droite qui ont chercher les 2 guerres mondiales simplement. 
                mais bon, là cette fois, je vais jouer les naifs, je vais dire qu’ils ont pas fait exprès, hein, on va faire semblant pour l’instant, mais qu’ils sachent que le peuple a bien compris le problème et c’est bien pour ça que les tenants de la politique actuelle vont échouer dans les prochaines élections, il n’y a qu’à voir au portugal par exemple où la droite est revenue au pouvoir. 
                bref, l’élection sera donc une sanction pour tous les gouvernements de droite et comme la plupart des gouvernants européens sont tous de droite, je crois que les peuples tiennent là la solution facile à savoir tous les virer. même berlusconi est en difficulté en ce moment, et bien sur, les riches et puissants essaient de se rassurer comme ils peuvent, parce que l’age d’or des profits sur un système entièrement dérégulé mis en place par bush junior surtout va bientôt connaitre la fin. mais bien entendu, comme on le dit souvent, chassez le naturel, il revient au galop, donc, à tous les riches et puissants, rassurez vous, vous reviendrez mais dans bien lontemps, en attendant, ne soyez pas trop tristes de perdre 10 ou 20 pour cent de votre fortune quand déjà 80 ou 90 pour cent feront encore vous des privilégiés ... 
                il ne s’agit pas de tuer le capitalisme, mais il s’agit de corriger les défauts de a à z du capitalisme, mettre en place des sanctions financières pour non respect partout, qu’on mette bien des gardes fous partout et je compte surtout sur les partis de gauche pour faire ce minimum là. après, 
                pour la sortie du nucléaire, en effet, il faudra du temps pour changer et s’adapter à une nouvelle façon de vivre, mais malheureusement je ne pense pas qu’on aura le temps pour ça, étant donné que après un mandat de 5 ans, il faut espérer qu’on soit sorti de la crise actuelle pour poursuivre l’écologisation du monde, aussi bien dans toutes les têtes humaines que pour notre bonne vieille planète qui nous héberge gracieusement. et gratuitement... 
                alors, est ce que nous devons réellement faire comme sarko à savoir tout défaire ce qu’il a fait en 5 ans ce qui prendrait normalement 15 ou 20 ans comme l’avait souhaité le copain de chirac, françois hollande pour éviter que la sortie de nucléaire soit ralentie au retour de la droite dans les 5 ou comme je l’espère dans 100 ans ... je ne sais pas si le peuple est prêt à ça, il faudra être très pédagogique et surtout avoir des personnalités très courageuses et ce sont là qui sauront se maintenir après la crise actuelle. 
                heureusement que cette belle merde dans laquelle nous vivons est tombée sur la droite, parce que je suis bien content de voir et même hate, les têtes d’affiche qui se trouvent au sein de tous les partis de gauche. j’aimerais bien croire en eux, et je voudrais bien miser sur eux, même si je suis conscient que la partie ne sera pas du tout facile. loin de là. alors, je demande à la droite de garder sa dignité pour l’instant et de regarder les pro faire leurs boulots pour l’instant. bien sur, grace à la droite, on a pu avoir des iphone, des crédits à tout va, des belles voitures, de l’électricité hors de prix etc ... alors euh, merci et euh, tchao hein, désolé, sans rancune les gars, s’il vous plait, taisez vous. m’enfin, je pense vraiment que la fête peut commencer :) 

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