Le putsch de Prigojine : enfumage ?

Le putsch de Prigojine : enfumage ?

Il y a des jours comme ça où l'histoire semble bifurquer comme ce 24 juin lorsqu'il est annoncé que Prigojine prend les armes contre la Russie et que l'on nous annonce que la guerre civile a officiellement commencé.

Comme on s'en doutait, les prétendus journalistes ont beaucoup de mal à cacher leur joie tandis que nos généraux d'opérette jubilent en expliquant que les choses se passent comme ils l'avaient prévu, c'est-à-dire une révolte pour arrêter la folie de Poutine, et il apparaît donc que le scénario prévu de longue date par la CIA se réalise pour le plus grand bonheur des capitales occidentales.

La Russie serait donc en pleine guerre civile et Prigojine avec 25000 hommes serait parti à l'assaut de Moscou et de la Russie.

Scénario de rêve digne d'une grande épopée hollywoodienne, la Russie va s’effondrer, Prigojine passe du statut de criminel de guerre à héros des temps modernes, les USA vont démembrer la Russie, Zelensky va se tailler la part du lion, et la marmotte emballe le chocolat.

Eh bien, je n'en crois pas un mot !

Évidemment je risque de me couvrir de honte pour les siècles à venir et d’être la risée de tout le landerneau d'Agoravox, les choses ne sont jamais aussi simples qu'elles paraissent et elles ne sont jamais ce qu'elles paraissent être. Et cela est d'autant plus vrai dans le cadre d'une guerre.

Mais ce qui est certain c'est notre ignorance totale des événements en cours.

Bien sûr on ne peut exclure que Prigojine ait perdu la tête et qu'il a entraîné avec lui les 25 000 hommes de Wagner comme le joueur de flûte, bien sûr il est aussi tout à fait envisageable que la CIA ait réussi à retourner Prigojine, après tout c'est bien la spécialité de la CIA, traiter avec ceux qu'elle considère comme des ordures.

Donc tout est envisageable et rien n'est à proscrire mais je doute de ces deux options.

Il y a une troisième option tout aussi peu crédible, Poutine et son état-major veulent se débarrasser de Prigojine et auraient monté cette opération pour donner un grand coup de balai.

L'option la plus dangereuse c'est qu'il s'agit d'un véritable putsch, non pas contre la Russie, non pas contre Poutine en tant que tel, mais un putsch des généraux ultra nationalistes qui n'acceptent plus que la Russie doive se battre contre l'Ukraine et l'OTAN avec une main attachée dans le dos.

Malgré ce que peuvent prétendre les capitales occidentales, la Russie est loin d'avoir déployé ses capacités offensives dans le conflit en cours, puisque la ligne directrice est de ne pas porter atteinte inutilement aux populations civiles et il est indéniable que les combats en Ukraine « n'ont occasionné que 14000 victimes civiles », 14000 de trop bien sûr mais 14000 victimes en un an à comparer aux centaines de milliers de victimes tués par les troupes de l'OTAN à chaque conflit dans lequel l'OTAN ou les USA sont intervenus.

L'idée que des généraux ultranationalistes pilotant Prigojine et désireux d'en découdre une bonne fois pour toutes avec l'OTAN, faisant le pendant aux bellicistes de Washington, prenant le pouvoir en Russie parce qu’ils considèrent que Poutine est trop conciliant et accommodant avec les occidentaux, serait une option envisageable, envisageable mais particulièrement dangereuse.

Mais si je devais parier, je miserais pour une tout autre option qui semble aller comme un gant à Prigojine, dans la continuité de ses actions antérieures, c'est celle de la grande comédie jouée pour le seul privilège des occidentaux.

Je parierai sur une déclinaison de la maskirovka russe ! Et pourquoi privilégier cette option ? On constate depuis quelques jours un ralentissement des contre-attaques ukrainiennes contre les forces russes à la suite des pertes massives d'hommes et de matériels sur le front sud. Or les Russes veulent poursuivre leur stratégie de Bahkmut inversé, c'est-à-dire laisser les troupes ukrainiennes venir s'autodétruire contre les lignes de défense russe, et si les Russes font croire à une division de leurs rangs, l'Ukraine voudra profiter autant que possible de l'incertitude politique, militaire et social que le putsch de Prigojine est censé avoir créée.

Un autre élément pousse également à penser qu'il s'agit bien là d'une tromperie militaire, le fait que la Russie est à l'offensive en plusieurs points mais surtout, elle a annoncé sa volonté de créer une zone de sécurité au nord de l'Ukraine à la frontière russe c'est-à-dire la région administrative de Belgorod et pour cela la Russie a manifesté son attention de faire mouvement vers la ville de Kharkiv, notamment avec les soldats de Wagner de Prigojine.

Jusqu'à présent Prigojine a toujours joué un rôle bien particulier de chien fou dans un jeu de quilles, en faisant croire aux Ukrainiens que les carottes étaient cuites à Backmut pour les Russes, encourageant ainsi les Ukrainiens à résister à l'offensif russe, permettant ainsi aux russes d'affaiblir considérablement l'armée ukrainienne.

Cette option n'est sûrement pas évidente, mais elle expliquerait la situation actuelle, car il est difficile de croire que Prigojine s'imagine réaliser un coup d'état et prendre le pouvoir en Russie avec une armée de 25 000 hommes.