Le quasi médecin malgré lui
Avez-vous remarqué le nombre en nette augmentation de personnes qualifiées en médecine ? Sur les plateaux de télévision, dans les journaux, dans les bistrots (ah ! non, je retire ce dernier exemple). Des remèdes fameux aux effets magiques font leur apparition. Molière se serait régalé de tout cela ainsi que des querelles qui opposent les scientifiques de tous poils. Car ils ne sont pas d'accord entre eux et quant à leur docte opinion, elle varie au gré de l'avancement du covid.
Dans la pièce du Médecin malgré lui de Molière, on trouve cette tirade de Sganarelle sur différenciation des hommes et des femmes, un sujet apparu aujourd'hui avec le virus et qui n'est pas vraiment démontré mais qui fait beaucoup parler les médecins et les quasi médecins.
: (...) Monsieur, c’est une grande et subtile question entre les doctes, de savoir si les femmes sont plus faciles à guérir que les hommes. Je vous prie d’écouter ceci, s’il vous plaît. Les uns disent que non, les autres disent que oui : et moi je dis que oui et non : d’autant que l’incongruité des humeurs opaques qui se rencontrent au tempérament naturel des femmes étant cause que la partie brutale veut toujours prendre empire sur la sensitive, on voit que l’inégalité de leurs opinions dépend du mouvement oblique du cercle de la lune ; et comme le soleil, qui darde ses rayons sur la concavité de la terre, trouve… (Acte II - Scène 6)
On a entendu les scientifiques affirmer une chose en mars, une autre bien différente en avril et encore une autre très opposée en mai. Par exemple, le virus n'était qu'un simple grippe, puis le masque dont le port était inutile devient subitement et absolument vital. Les tests sont un jour formidables, le lendemain ils ne valent rien du tout. Qu'en dirait Molière ? On peut s'en faire une idée par cette tirade qui montre les prodiges de pirouettte du médecin de mauvaise foi pour toujours retomber sur ss pattes.
Géronte : "On ne peut pas mieux raisonner, sans doute. Il n’y a qu’une seule chose qui m’a choqué : c’est l’endroit du foie et du cœur. Il me semble que vous les placez autrement qu’ils ne sont ; que le cœur est du côté gauche, et le foie du côté droit.
Sganarelle : Oui, cela était autrefois ainsi ; mais nous avons changé tout cela, et nous faisons maintenant la médecine d’une méthode toute nouvelle.
Géronte : C’est ce que je ne savais pas, et je vous demande pardon de mon ignorance." (Acte II - Scène 4)
Mais il y a pire que la science : il y a la science politisée ! Celle qui se fait le valet servile de la politique de communication de gouvernement. Elle a sévi durant des semaines à propos du masque qui non seulemenet était déclaré inutile mais jugé dangereux. La raison de tout cela étant de couvrir par une docte raison la pénurie durable de masques.
Nous entendons chaque jour des diagnostics donnés par quelque médecin improvisé. Voici celui du docteur Sganarelle :
Sganarelle, se tournant vers la malade.
Donnez-moi votre bras. Voilà un pouls qui marque que votre fille est muette.
Géronte : Eh ! Oui, Monsieur, c’est là son mal ; vous l’avez trouvé tout du premier coup.
Sganarelle : Ah, ah !
Jacqueline : Voyez comme il a deviné sa maladie !
Sganarelle : Nous autres grands médecins, nous connaissons d’abord les choses. Un ignorant aurait été embarrassé, et vous eût été dire : « C’est ceci, c’est cela » : mais moi, je touche au but du premier coup, et je vous apprends que votre fille est muette. (Acte II - Scène 4)
Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer quelques considérations sur les gens de médecine trouvées cette fois dans "Le malade imaginaire" (1673)
Béralde à propos des médecins :
« Ils savent la plupart de fort belles humanités, savent parler en beau latin, savent nommer en grec toutes les maladies, les définir et les diviser ; mais, pour ce qui est de les guérir, c'est ce qu'ils ne savent pas du tout. (…)
« Toute l'excellence de leur art consiste en un pompeux galimatias, en un spécieux babil, qui vous donne des mots pour des raisons, et des promesses pour des effets. »
(...) « Presque tous les hommes meurent de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies. »
(…) « Dans les discours et dans les choses, ce sont deux sortes de personnes que vos grands médecins. Entendez-les parler, les plus habiles gens du monde ; voyez-les faire, les plus ignorants de tous les hommes. » (…)
Béralde et Argan à propos de Molière :
Béralde : « Ce que j'en dis n'est qu'entre nous ; et j'aurais souhaité de pouvoir un peu vous tirer de l'erreur où vous êtes et, pour vous divertir, vous mener voir, sur ce chapitre, quelqu'une des comédies de Molière.
Argan : C'est un bon impertinent que votre Molière, avec ses comédies ! Et je le trouve bien plaisant d'aller jouer d'honnêtes gens comme les médecins !
Béralde : Ce ne sont point les médecins qu'il joue, mais le ridicule de la médecine.
Argan : C'est bien à lui à faire, de se mêler de contrôler la médecine ! Voilà un bon nigaud, un bon impertinent, de se moquer des consultations et des ordonnances, de s'attaquer au corps des médecins, et d'aller mettre sur son théâtre des personnes vénérables comme ces messieurs-là.
Béralde : Que voulez-vous qu'il y mette, que les diverses professions des hommes ? On y met bien tous les jours les princes et les rois qui sont d'aussi bonne maison que les médecins.
Argan : Par la mort non de diable ! Si j'étais que des médecins, je me vengerais de son impertinence ; et, quand il sera malade, je le laisserais mourir sans secours. Il aurait beau faire et beau dire, je ne lui ordonnerais pas la moindre petite saignée, le moindre petit lavement ; et je lui dirais : « Crève, crève ; cela t'apprendra une autre fois à te jouer à la Faculté.
Béralde : Vous voilà bien en colère contre lui.
Argan : Oui. C'est un malavisé ; et, si les médecins sont sages, ils feront ce que je dis. »
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