Le Rassemblement National aux marches du pouvoir ?
Le mouvement des Gilets jaunes est, qu’on le veuille ou non, un séisme dont les historiens mesureront l’ampleur quand ils pourront examiner la séquence avec suffisamment de recul mais gageons qu’il ne sera pas considéré in fine comme anodin.
En effet, il signale l’irruption dans la sphère sociale de gens qui, à tort ou à raison mais à tort selon moi, se tenaient à l’écart des grands débats nationaux : ils marquent aussi par leur gilet la présence de ceux qui n’étaient rien, qui ne comptaient pas dès lors qu’ils ne faisaient pas usage de leur droit de vote et qui étaient donc des exilés « volontaires » dans leur propre pays dont ils subissaient les lois mais sans avoir la moindre volonté de s’y opposer dans les urnes.
Leur visibilité nouvelle annonce-t-elle une révolution des comportements ? C’est en effet la seule vraie question à laquelle l’avenir pourra apporter une réponse. Le processus révolutionnaire tire souvent son origine dans des points de détail qui prennent une ampleur insolite pour les dirigeants et tout dépendra de la manière dont le gouvernement sera à même de prendre en charge des revendications auxquelles il n’est pas préparé.
En conséquence, le fait qu'il y ait ou pas de liste représentative des Gilets Jaunes au prochain test électoral n'a que peu d'importance ( sinon pour ceux qui en feraient les frais en terme de suffrages )
En attendant, il y a quelques semaines, on s’est un peu agité dans certains milieux plus ou moins proches de la social-démocratie libérale parce que Valls, leur ex-poulain, ayant reporté ses ambitions en d’autres lieux espérés plus propices semblait renouer avec des tropismes d’un autre temps.
Comme candidat à la mairie de Barcelone sous les couleurs de Ciudadanos, formation de Droite créée pour faire pendant à Podemos, Valls serait compromis dans un rapprochement avec l’Extrême-droite ( doctrine dont certains postulats étaient pourtant bien présents dans sa tête lorsqu’il sévissait en France ).
En Andalousie, à la suite des élections régionales qui ont vu le succès relatif mais incontestable d’une obscure phalange d’Extrême-droite « Vox », Ciudadanos, dans son avidité de pouvoir, a accepté pour diriger la région le soutien sans participation de cette formation dont la vocation peu ragoûtante allie à la démagogie anti-fiscaliste la plus simpliste une xénophobie délirante.
Bref un parfait clone du FN quand sa façade n’avait pas encore été ripolinée par la fille du menhir.
En fait, il n’y a guère lieu de s’étonner des affinités électives du sieur Valls qui avait à de multiples occasions démontré l’affection contrainte qu’il réservait à ses administrés de couleur et qui n’était au bout du compte en matière économique qu’une sorte de caution du libéralisme supposée de gauche et par conséquent un parfait antidote au socialisme dans un parti fourre tout, le PS, dont les électeurs se sont enfin détournés après des années de cocufiage.
Pourquoi évoquer cet épisode somme toute assez dérisoire ?
Parce qu’en Andalousie on a encore une fois la démonstration de ce que les formations soit disant modérées savent aussi - quand l’attrait du pouvoir ou l’instinct de conservation les égarent - faire fi de leurs belles professions de foi pour cueillir les fruits de leurs trahisons.
Pour sa part, le RN affiche avec une satisfaction non feinte le ralliement à ses troupes de deux vieux chevaux de retour en quête d’un recyclage rémunérateur après avoir échoué à se faire réélire dans leur formation d’origine « les Républicains ».
En l’occurrence, c’est sans doute, au-delà des professions de foi hypocrites, le seul prétexte qui explique la conversion de MM Mariani et Garraud : s’inviter au partage de la manne ( la soupe est bonne au point d’amener à des excès si l’on en croit du moins les déboires judiciaires récents de certains caciques du RN )
Au demeurant, s’il y avait lieu de trouver des circonstances atténuantes aux transfuges, il faudrait bien reconnaître qu’entre les positions d’un Wauquiez, chantre au demeurant fort déteint de l’ancienne formation gaulliste, et celles de Marine Le Pen, il y a l’épaisseur d’un papier à cigarette notamment dans le seul domaine où ils peuvent vraiment étaler l’étendue de leur partition : l’immigration dépeinte comme massive à l’usage des gogos.
Dans un autre ordre d’idée, la dirigeante du FN, confrontée à la sottise et à l’inexactitude de certaines des déclarations de cadres de son parti ( notamment sur le traité d’Aix-la-Chapelle ou le pacte de Marrakech ), vient de faire breveter une nouvelle manière trumpienne de transmettre l’information : les fausses nouvelles ne sont en fait que des manières divergentes d’interpréter les choses en sollicitant les faits.
Dans un pays qui veut légiférer sur les « fake news » mais dont le gouvernement fait lui-même un usage immodéré, cela ne manque pas de piquant.
Bon, seuls les puristes, ces ringards ! attachés à la réalité des faits, trouveront à se désoler de cette affirmation pour le moins surprenante pour un esprit cartésien mais son électorat de prédilection s’adonne déjà depuis longtemps à des fantasmes que leur servent dès lors à la louche les dirigeants frontistes.
Pour certains désespérés du bulbe tout ce qui peut venir alimenter leur paranoïa est bon à prendre et même à avaler.
Ce qui est excessif ne paraît plus insignifiant mais est au contraire porteur de profit électoral, ainsi va la vie dans une société acculturée !
En tout état de cause, ce n’est pas ce chapelet d‘inepties avérées qui pourrait empêcher la marche triomphale des fascistes vers le pouvoir si les puissances d’argent ( dont les champions sont multiples mais pourraient manquer de clairvoyance ) venaient à manquer d’efficacité dans la défense de leurs intérêts.
La grande bourgeoisie n’aurait aucun scrupule alors, n’en déplaise au philosophe autoproclamé BHL, à livrer en ultime recours la défense de ses intérêts aux bons soins de ceux-là dont les foucades sont certes indélicates mais finalement sans grand danger.
Le RN serait alors un pis aller, une parenthèse certes un peu contrariante pour passer un cap difficile avant que ne se reconstituent plus ou moins vite une ou des formations mieux à même de représenter les possédants en soignant la façade.
Dans la première moitié du siècle passé, l’oligarchie financière allemande confrontée au risque communiste a donné le feu vert à l’accession de Hitler au pouvoir quand il s’est avéré que ses intérêts n’avaient rien à craindre de la gouvernance nazie et qu’au contraire elle pouvait continuer à s’engraisser sur les programmes de développement des infrastructures civiles et militaires du Reich.
Débarrassé à l’occasion de la nuit des longs couteaux ( 30 juin 1934 ) des cadres de l’organisation paramilitaire plus ou moins ouvriériste des S.A qui l’empêchait de gagner la confiance des conservateurs, Hitler va asseoir son pouvoir avec la complicité des élites financière et industrielle qui, après une période de stagnation, vont pouvoir continuer de prospérer sans entraves. ( A voir ou revoir sur le sujet le très beau film « Les damnés » de Luciano Visconti )
De même, en France, dès lors que Marine Le Pen ne considère plus la sortie de l’Euro comme une nécessité et qu’elle semble même s’accommoder des règles de Francfort, elle se place en ordre utile pour reprendre le gouvernement de la France dans l’hypothèse où ceux qui en ont actuellement la charge failliraient à leur mission.
L’ouverture est symptomatique dont les médias font preuve aux idées du Rassemblement National qui ont désormais droit de cité et sont considérées comme des opinions comme les autres ; elle marque un tournant majeur de la position des puissances d’argent prêtes à collaborer avec cette formation dont elle n’ont plus rien à craindre sinon un amateurisme par absence de capacités de gestion qu’il sera très facile de combler dans l’éventualité d’une arrivée au pouvoir qui n’est certes pas souhaitée mais ne sera pas vécue comme un drame.
Les grandes familles ont suffisamment d’entregent pour procurer les mercenaires de bon niveau capables d’assurer le bon fonctionnement ( s’entend dans le sens de leurs intérêts ) de l’état.
L’absence de cadres capables de diriger n’est donc pour le RN qu’un handicap en apparence car le système est prêt à lui fournir des bataillons de collaborateurs et son arrivée au pouvoir n’est donc plus nécessairement une vue de l’esprit.
Comme ce le fut pour les clowns arrivés au pouvoir en Italie !
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