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Accueil du site > Tribune Libre > Le réel, peut-il avoir lieu ?

Le réel, peut-il avoir lieu ?

Dans son livre « Le réel n'a pas eu lieu », Michel Onfray troque la toile du cubiste déconstructeur andalous , contre le papier et la plume, nous transportant, à la manière du pugiliste ibérique, dans le monde de l'impertinente révélation. Surpris que nous sommes, en flagrant délit de contradiction. Ce que nous refusons mordicus, la main sur le cœur.

 

Dans les pas de Nietzsche, armé de son marteau philosophique, il poursuit en guerrier téméraire et opiniâtre, son œuvre de déconstruction et nous révèle un fait, en première et dernière analyse, « Dénégation ! »

Comme le développa son illustre prédécesseur Nietzsche…

Du temps que régnait le Grand Pan,

Qui s'est mis à frapper les cieux d'alignement,

Chasser Dieu du firmament.

Georges revisité en mode dionysiaque nietzschéen.

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Artémis

Les idées ne tombent pas du ciel, mais remontent de la terre. Pas de vains discours de rhétorique, mais à chacun l'expression corporelle, dans sa subjectivité. Un discours incarné qui vaut pour celui qui l'expulse. La vie philosophique, celle du corps. « Le corps de son esprit, l'esprit de son corps. »

Biographies, agencements, existences, rencontres, chances et malchances, déterminismes divers, biologiques, génétiques, familiaux, sociaux, multiculturels, religieux, constituent un être, « deviens ce que tu es »

Michel Onfray évoque le corps qui pense, qui mange, s'articule et s'oxygène, vit une sexualité, parle,, souffre et vieillit...le corps réel.

Les formes animées de notre genèse hellénique du temps de Périclès et de phidias. Époque antique où Arès, Artémis et Hermaphrodite rivalisaient de charme et de fascination. Période de cosmos bien réelle, ne faisant pas d'un philosophe un olympien et visé-versa. C'étaient déjà deux mondes antinomiques. L'intellectuel manquerait-il de souffle et d'imagination, et l'olympien, d'originalité intellectuelle ?

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Arès Borghèse

 

L'expression dynamique dans sa complétude illusoire, mêlant la grâce plantureuse d'Hermaphrodite à la puissance conquérante d'Arès, la colère contenue de Poséidon, sous l'autorité bienveillante de Zeus. Alors que se répandait la vie philosophique de concert avec la nature. Possible écueil, basculement dans l'idéologie où l'émergente confusion. Croyance implosive et explosive des Don Quijote, idéologues intemporels. La période classique culminante connaîtrait avec Alexandre son déclin hellénistique. Le balancier de chronos, depuis la nuit des temps programmé ne succomberait pas, au charme de Vénus absolument rétif.

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Vénus Milo charnelle

 

Michel Onfray évoque « ceux qui ont cette passion furieuse pour les idées au détriment de la réalité, cette religion de l’idéal sans souci du réel »

L'histoire remonte à la nuit des temps, mais prend forme cocasse et dramatique avec Miguel de Cervantes en 1605. Auteur espagnol qui proclame haut et fort « Je vis de mon désir de vivre ». Il rédige un premier roman qui met en lumière un héros monolithique, longiligne, osseux, tendu vers le ciel comme un paratonnerre, car il a, entre autres vocations, pouvoir d’attirer la foudre du ciel et de la terre. Personnage étrange et atypique, invariablement fidèle à lui-même, ne cédant à aucune pression extérieure, bravant à chaque instant tous les dangers réels, virtuels et imaginaires. Allant et venant par les chemins de sa haute destinée, planté sur Rossinante, sa légendaire jument, à l’identique morphologie.

« Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas longtemps, un hidalgo, de ceux qui ont lance au râtelier, rondache antique, bidet maigre et levier de chasse »,

 

« Du beau succès que le valeureux Don Quijote eut en l’épouvantable et jamais imaginée aventure des moulins à vent, avec d’autres événements dignes d’heureuses ressouvenances. » M. de Cervantes.

 

Notabilité spectrale, occupant l'espace prodigieusement, dans tous les sens et contresens de la rose des vents et pourtant se développant essentiellement dans la verticalité, irrationnellement, prenant relief exclusif parce qu'accompagné de son fidèle écuyer antinomique dans le creux de son ombre portée. Sancho Panza, bréviligne, épais et gras, gros mangeur. Faire valoir de son maître, pour beaucoup méprisé, pour les autres oublié. L'hédoniste, contenant de la fable, pétri d'une sagesse horizontale et paisible. La touche de matérialité qui fait de l'humain la peinture achevée.

Quand la tragédie lyrique s'en empare, un chevalier voit le jour. Le poète rejoint le mythe pour entrer avec lui dans la légende. Comme le héros, il connaît la gloire et la désillusion, affronte les dangers et les impondérables, les espaces et les continents, connaît l’amour, la noblesse et la vocation pour pénétrer dans l’éternité de son histoire, car les héros sont éternels. C'est l'expression heureuse de l'art.

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Arès d’Alcamène

Dans le tout venant quotidien, c'est un autre registre qui s'articule et se répand en un temps linéaire. Ces Don Quichotte du politiquement correct refusent de confronter leurs idées à la réalité. Les personnages deviennent des illuminés aux hasards des rencontres, les auberges ordinaires leurs apparaissent châteaux enchantés et les filles du tout venant, belles princesses. Ils prennent les moulins à vent pour des géants envoyés par de redoutables magiciens. Leur Dulcinée, qu’ils ne rencontrent jamais est l’élue de leur cœur. Apprentis poètes, chevaliers fous, ils jurent à jamais, amour et fidélité aux fantômes de leur imaginaire. C'est le premier et le dernier degrés du héros de Cervantès, le plus largement répandu.

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Buste Vénus de Milo

 

Don Quijote pratique la philosophie des illusions, se refuse à la raison. Insensé sans doute ? Les psychiatres de notre temps, s'abandonnant sans vergogne à la poésie, poseraient le diagnostic : « Maladie d'amour ». Bipolarité, alternance de manie et de dépression, stoïque dans la décompensation.

A quel moment sommes nous responsables ? Le réel peut-il vraiment avoir lieu ?

Sancho Panza, semble effacé, tant l'énergumène vertical occupe l'espace dans sa turbulence. C'est un ami fidèle et bienveillant, sa morale est saine et droite, secrètement austère, mais par excès de simplicité et d'humilité.

Il semble que Michel Onfray se réclame spontanément du personnage, affichant aussitôt, comme pour brouiller les pistes, pudique, sa franche sympathie pour Cyrano de Bergerac. Heureuse incarnation du nietzschéen mousquetaire libertaire.

L'on rapproche parfois Épicure de Jésus, tant ces deux sages font figure de sauveurs aux yeux du peuple. Lucrèce poétisa les dons divins d'Épicure qui selon lui, étaient propres à régénérer l'homme prisonnier de ses fantômes (Don Quijote). Ce qui fait dire à Nietzsche que l'Épicurisme est un Christianisme païen. On peut souligner une analogie morphologique, rétraction faciale latérale, en peinture et statuaire, à travers le temps et les époques, entre Épicure et Jésus.

Michel Onfray prétend que Jésus n'a pas existé. Plus tard, dans « le crépuscule d'une idole » il entreprend le dépoussiérage de Singmund Freud, Mieux que son inspirateur Nietzsche avec « Dieu et mort », le voici maintenant débarrassé d'un père et d'un fils en deux manuscrits.

Mais de son papa, virgilien naturellement éclairé,

Également de Jean de La Fontaine distillation paternelle dans son enfance…

Travaillez, prenez de la peine,

C'est le fond qui manque le moins...

...D'argent, point de caché, mais le père fut sage,

De leurs montrer, avant sa mort,

Que le travail est un trésor.

(Extrait du « Laboureur et ses enfants »)

 

Au père disparu, que nous retrouvons en vieillissant dans un réel recomposé.
 


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13 réactions à cet article    


  • jack mandon jack mandon 6 mars 2015 09:35

    Petite modification,

    C’est le fonds qui manque le moins,

    Le fonds, c’est un peu le capital travail, rien d’ennuyeux, à la manière marxiste, mais plus proche de Prudhon, l’humble artisan qui oeuvre de ses mains aussi bien de sa tête. Le travail sur soi, avec l’autre et les autres, avec créativité, et souci de la belle ouvrage...le travail plaisir.


    • jack mandon jack mandon 6 mars 2015 09:44

      Bref, une autre faute, Proudhon

      Pierre-Joseph Proudhon, né le 15 janvier 1809 à Besançon dans le Doubs et mort le 19 janvier 1865 à Paris, est un polémiste, journaliste, économiste, philosophe et sociologue français.

      Né dans le contexte hugolien, à Besançon


      Victor Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris, est un poète, dramaturge et prosateur romantique considéré comme l’un des plus importants écrivains de langue française.

      Pourquoi vont ils mourir à Paris ?


      • Fergus Fergus 10 mars 2015 15:57

        Bonjour, Jack.

        Suffisamment politique également pour avoir suscité le courroux et la crainte de Napoléon III, au point d’avoir été exilé (pendant 17 ans si ma mémoire est bonne).

        « Pourquoi vont-ils mourir à Paris ? » En ce qui concerne Hugo, sans doute parce que c’est là que se déroulait la vie politique du pays. Mais également parce que c’est là qu’il a rencontré l’amour de sa vie, Juliette Drouet, restée sa maîtresse jusqu’à sa mort en 1883. Un évènement majeur dans la vie d’Hugo : il a cessé d’écrire après la disparition de Juliette, comme si sa muse avait été ensevelie 6 pieds sous terre dans la dépouille de la défunte.


      • jack mandon jack mandon 11 mars 2015 12:11

        @Fergus

        « Pourquoi vont-ils mourir à Paris ? »

        C’était une boutade, mais cela peut servir au débat. L’article abordait la dénégation. Ce n’est sans doute pas par hasard que Victor Hugo passe par là. Il déboule dans un siècle exceptionnel, comme il le fut lui même. Ce XIXe incroyable ! Le Romantisme alimente ce temps en idéologie. Pour la France seule, on passe de la 1ère république au 1er empire de l’aigle, qui va sous l’impulsion de Bonaparte tenter d’exporter, hélas d’une manière martiale, les belles idées de la république.
        Après Waterloo on retombera dans une monarchie de Louis XVIII, roi des français, léger progrès,
        avec une deuxième partie de la restauration sous Charles X, de nouveau roi de France de droit divin, un vrai crétin celui là, c’est la mode en ce moment ce vocable. Puis la monarchie de Juillet avec Louis philippe...Puis la fameuse IIe république avec Napoléon le petit, qui ne pourra s’empêcher de remettre le couvert avec son coup d’état et le second empire. Le siècle des idéologies en isme qui prolongent les guerres coloniales et préparent doucement, après Sedan et la fuite de Napo III à Londres, les deux grandes guerres modernes et meurtrières du début du XXe siècle.
        Pour en revenir à Don Quijote, il s’inscrit au coeur d’un roman archétypal, c’est de l’art, mais hélas, le problème est qu’il inspire une foule de gens à travers le temps et l’histoire, et que cela continu.
        Comme vous le dites, c’est la fonction même de l’archétype.
        Merci Fergus


      • Emmanuel Aguéra Emmanuel Aguéra 7 mars 2015 03:30

        C’est le fondS qui manque le moins... en l’occurrence, la terre.


        • jack mandon jack mandon 7 mars 2015 10:26

          @Emmanuel Aguéra

          Tout à fait, autrefois, un maître mot dans les campagnes, le bien


        • jack mandon jack mandon 9 mars 2015 18:54
           
          http://www.dailymotion.com/video/x2j0l6r_onfray-manuel-valls-est-un-cretin_news

          Exemple de dénégation

          D’un côté, la politique, c’est à dire la malice et le sophisme au pouvoir,
          de l’autre côté un homme qui peut évoquer Proudhon et Jaurès sans rougir.

          Le réel, dans sa forme heureuse et bienveillante peut il avoir lieu ?

          Cela dépend du sens que l’on donne au réel.

          Le réel d’Épicure, de Jésus ou de Jaurès, n’est pas le réel, de Mitterrand.

          Le réel n’aura sans doute jamais lieu, puisqu’il s’inscrit diversement en chacun de nous. 

          SI l’on revient au héros malheureux, Don Quijote, il en perdit la tête.


          • jack mandon jack mandon 9 mars 2015 19:30

            Une autre forme de dénégation, triviale mais amusante.

            Grille des salaires …

            Un Soldat : 1400 € pour mourir pour la France !

            Gardien de la Paix : 1600 € pour risquer sa vie !

            Pompier professionnel : 1800 € pour sauver une vie !

            Instituteur : 1600 € pour préparer à la vie !

            Médecin : 5000 € pour nous maintenir en vie !

            Sénateur : 19000 € pour profiter de la vie !

            Ministre : 30000 € pour nous pourrir la vie !...

            MORALITÉ : Ceux qui font le plus pour nous … touchent le moins. 


            • jack mandon jack mandon 10 mars 2015 09:41


              Le réel, la réalité,

              Du côté de chez Proust...

              « La réalité n’est jamais qu’une amorce à un inconnu sur la voie duquel nous ne pouvons aller bien loin »

              L’imaginaire proustien pour moi est un obstacle majeur dressé à la lecture. Des phrases infinies, absence de structure, défaut d’action, pessimisme ambiant.
              Son exigence à la méditation absolue permet l’accès à l’essence fine de la lecture. Il n’est point idéologue mais prince de l’imaginaire, enfant de la Lune lové dans le ventre de Gaïa, étranger à la réalité terrestre.

              Qu’est-ce donc que la réalité ?


            • jack mandon jack mandon 10 mars 2015 10:36


              L’imagination fait de chimère, fantasme, rêve peut revêtir tous les maux pour la seule raison.

              La raison réalité.

               Pourtant la puissance de l’imagination revêt deux aspects. Elle est trompeuse, illusoire mais elle induit sous la forme empirique et alimente la science, manifestant une connaissance extra-sensorielle ("Imagination is more important than knowledge", dit Albert Einstein.) 

              Pour les rationalistes : imaginer, c’est céder à sa fantaisie au détriment de sa raison. Pour prouver l’emprise de l’imagination sur notre volonté, Montaigne rapporte dans le livre I des Essais des exemples de phénomènes que nous appellerions aujourd’hui psychosomatiques. 

              Kant, comme Spinoza, prennent soin de

              distinguer l’imagination du fantasme : elle reste un signe de la puissance de l’esprit humain si celui-ci est capable d’en discerner les pièges et les

              illusions.

              L’empirisme selon Jean Piaget, est l’une des grandes théories classiques de la connaissance. Il repose sur le postulat épistémologique selon lequel toutes les connaissances résultent de l’expérience. Chaque rencontre d’un individu avec son milieu imprime la forme du second sur l’organe des sens du premier (le milieu en question peut être interne à l’individu), ce qui assure une correspondance parfaite entre les connaissances et les propriétés du milieu.

              Imagination et réalité se conjuguent et s’imbriquent


            • Fergus Fergus 10 mars 2015 16:05

              @ Jack Mandon.

              « Don Quijote pratique la philosophie des illusions, se refuse à la raison »

              C’est ce qui fait la différence entre le héros dégingandé de Cervantès et nous autres, infiniment plus complexes : peu ou prou, et selon les sujets, nous sommes tantôt plus ou moins dans l’illusion, tantôt plus ou moins dans la raison. Don Quichotte est bâti d’un seul bloc, sans concession, et en cela c’est un archétype, ce que nous ne sommes pas, et c’est très bien ainsi !

              Bonne journée.


              • jack mandon jack mandon 11 mars 2015 11:45

                @Fergus

                Justement, cher commentateur et auteur passionné, Don Quijote, comme tous les archétypes, est intemporel et peut servir de multiples causes. Pour cette raison, il fut utilisé ici pour illustrer la dénégation.
                Ouvrage de Michel Onfray, ’un philosophe qui devrait vous plaire avec son université populaire de Caen qui offre à chacun l’occasion de penser autrement, pour le plaisir de l’affrontement verbal entre autre, comme vous le pratiquez laborieusement, avec courtoisie.


              • jack mandon jack mandon 12 mars 2015 06:02

                fergus,

                pour le plaisir de l’affrontement verbal entre autre, comme vous le pratiquez laborieusement,

                Ambiguïté possible dans cette déclaration, mais elle nous concerne tous les deux dans le sens ou pour communiquer il faut travailler et prendre des risques pour peu de chose.

                Dans le même temps, certains commentateurs indélicats peuvent sans trop d’implication nous frapper sans décliner leur identité.

                Voilà ce que j’entends par laborieux

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