Comment est enterrée l'initiative populaire dans les référendums nationaux...
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Le 1er janvier 2015 verra s'appliquer dans notre législation la loi organique consolidée qui modifie l'article 11 de la Constitution. Cette Loi est en date du 6 décembre 2013. Elle porte le N° 2013-1114. C'est vrai qu'à force d'en parler on croyait la chose acquise, alors qu'il n'est rien, même vraiment rien ; je veux parler ici du référendum d'initiative populaire. Il n'existait pas encore, et il n'existera pas... Trois années de travaux parlementaires pour accoucher d'une loi qui ne sera jamais utilisée par les citoyens, ou tout du moins, pas à leur initiative. Voilà le processus qu'il faudra suivre pour obtenir une procédure référendaire, et ce, à la condition qu'elle soit à l'initiative des parlementaires ! Et encore, ce n'est pas si simple, car il faudra qu'elle soit déposée par au moins 185 députés et sénateurs. Après tout un long parcours administratif, il faudra ensuite qu'elle recueille le soutien d'au minimum 10% des électeurs inscrits, soit environ 4,5 millions de citoyens. Il n'y a que Ségolène Royal pour continuer à nommer cette farce une initiative populaire. Au mieux, a t-on entendu parler de référendum partagé, appellation qui n'est pas non plus la bonne, on devrait parler d'initiative "soutenue". D'ailleurs la loi ne parle, elle, que de référendum, sans aucune autre qualification. C'est donc seulement une modification de
l'article 11, qui jusqu'ici ne permettait l'initiative d'un référendum national qu'au seul Président de la République.
Le processus conduisant à l’organisation d’un référendum d’initiative partagée est le suivant :
- Une proposition de loi, objet de l’initiative référendaire, doit être déposée par au moins un cinquième des membres du Parlement (soit au moins 185 députés et/ou sénateurs sur un total de 925).
- Le Conseil constitutionnel vérifie, dans le délai d'un mois à compter de la transmission de la proposition de loi :
- que la proposition de loi est présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement ;
- que l’objet de la proposition de loi respecte les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de la Constitution, c'est-à-dire que la proposition :
- ne porte que « sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions » ;
- n’a pas pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an ;
- ne porte pas sur le même sujet qu’une proposition de loi rejetée par référendum il y a moins de deux ans.
- qu’aucune disposition de la proposition de loi n’est contraire à la Constitution (vérification faite en application de l'article 61).
- Après que le Conseil constitutionnel a effectué ces vérifications, le ministre de l'Intérieur met en œuvre, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, le recueil des soutiens. Cette étape nécessite un décret en conseil d'État pris après avis motivé et publié de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL)
- À l’issue de la période de recueil des soutiens (effectué sous forme électronique), d’une durée de neuf mois, le Conseil constitutionnel vérifie si la proposition de loi a obtenu le soutien d’au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales (4 600 000 électeurs environ).
- Si la proposition de loi n’a pas été examinée au moins une fois par chacune des deux assemblées (Assemblée nationale et Sénat) dans un délai de six mois, le président de la République la soumet au référendum.
Vous aurez noté au passage que même Wikipedia désigne ce référendum sous la qualification d'initiative partagée... La lecture des "discussions" en Assemblée Nationale et au Sénat sont édifiantes de la distance qu'il existe entre les représentants du peuple et ce dernier. Là où le citoyen s'étonnera de l'usine à gaz ainsi créée qui ne devrait pas soulever des tonnes de référendums, nos députés et sénateurs eux, se posent la question des supports (papier et/ou informatique), pour "éviter les files d'attentes devant les mairies, sous-préfectures et préfectures" (propos d'Alain Vidalies, secrétaire d'Etat)... Ou bien la question de "la parité entre les femmes et les hommes aux autorités participant à la désignation des membres de la commission de contrôle" (propos de Sébastien Denaja, député PS).
Faut-il s'étonner de tout ce fatras bien frenchy qui tend à décourager plus qu'à encourager ? Déjà lors de la Loi de 2001 instituant les Conseils de quartier, les parlementaires s'étaient démenés pour lui faire perdre son essence, car dans la proposition initiale, la Loi n'était pas imposée aux communes de plus de 80 000 habitants, le seuil démarrant à 20 000. Le scénario se répète, comme si le régime représentatif redoutait réellement de voir l’avènement du citoyen dans la sphère politique. Mais ce même régime représentatif nous fera voir ses larmes de crocodiles quand aux prochaines élections le FN fera un score inquiétant, ou que l'abstention atteindra (encore) des scores élevés.
Qui utilisera cette loi, et pourquoi ? Peut-être pour changer la carte des régions... Je le sens bien ça... On prend les paris ?