Le retour à l’étalon-travail comme solution au chômage de masse
Le chômage vient d’atteindre des niveaux historiquement hauts en France, tandis que la gouvernement avoue son impuissance à conjurer ce mal. Pour autant ce mal est-il aussi inguérissable qu’il le prétend ? La persistance du sous-emploi semble indiquer que les causes n’en ont toujours pas été clairement identifiées, alors que le remèdes sont connus mais buttent sur les options d’un gouvernement qui préfère donner la préférence au maintien en l’état du système bancaire qui assure la pérennité de son fonctionnement par le financement de dépenses qui ont connu une envolée exponentielle ces quarante dernières années. N’y a-t-il pas un choix délibéré en faveur du chômage de masse qui serait la conséquence de la politique économique et monétaire pratiquée par notre gouvernement comme contrepartie de son intégration à un système économique où le travail est aliéné au capital financier sous couvert de justice sociale, telle est la question à laquelle cet article tente de répondre .
La crise de 1929 présente des similitudes troublantes avec celle de 2007, alors même que le rapprochement est rarement fait, si ce n’est sous l’angle des remèdes à apporter à la crise bancaire qui est devenue par la suite une crise budgétaire à mesure que les banques réduisaient leur endettement au bilan par le transfert du risque de crédit à la banque centrale américaine ou européenne qui joue le rôle de prêteur de dernier ressort par la fourniture de liquidités destinées à refinancer les actifs bancaires.
Dans les années 1920, les financiers de Wall Street disposaient d’une masse énorme de liquidités à placer, en raison de la demande de financement provenant des économies européennes ruinées par le premier conflit mondial, qui d’une position nette de créditeur des Etats-Unis les avait transformées en débiteur de l’économie américaine en pleine expansion. Dès lors le commerce des titres de dette utilisés comme moyens de financement des entreprises en quête de crédit comme des spéculateurs demandeurs de monnaie court terme pour financer leurs placement en bourse va connaître une expansion formidable dans un monde où se globalise les réseaux de la finance couplés au commerce transcontinental sur la base des progrès techniques permettant la cotation des titres en continu comme l’affichage des prix disponibles dans les échoppes munies d’un télégraphe (invention du « ticker »).
Comme ces vingt dernières années, la monnaie va connaître une expansion formidable avec l’offre de financement américain à une Allemagne en mal de liquidités pour financer sa reconstruction et épurer ses dettes de guerre vis-à-vis de la France et de l’Angleterre. Les Etats-Unis deviennent le principal bailleur de fonds des villes allemandes qui sans un sou en caisse peuvent se lancer dans des programmes de développement urbains qui font repartir l’économie allemande. Le public n’a pas conscience qu’une pyramide de dettes est en train de s’échafauder sur la masse des dépôts des épargnants américains qui servent de base à l’émission de titres de dettes par les banques américaines en direction des investisseurs européens. L’argent à court terme américain est transformé en argent à long terme européen par les banques européennes qui empruntent aux banques américaines pour prêter à leurs consoeurs trop heureuses de répondre à la demande de fonds de roulement des producteurs européens. Le multiplicateur de crédit fonctionne parfaitement jusqu’aux premiers revirement de fortune qui marque l’apogée de la folie boursière américaine dont l’envolée des indices boursiers tient lieu d’indicateur de la confiance des déposants dans l’économie américaine qui expérimente les merveilles de la transformation bancaire entre les dépôts et les titres d’investissement servant eux-mêmes de véhicules d’investissement pour l’émission de titres de dette partout où les banques d’affaire trouvent une clientèle pour leurs services d’intermédiation sur les marchés. C’est le même phénomène qui s’est produit dans les années 2000, lorsque Goldman Sachs, JP Morgan, etc offraient leurs bons et menus services aux villes comme aux gouvernements européens en mal de refinancement budgétaire grâce à la titrisation de leurs créances transformées en titres d’investissement sur les marchés.
Lorsque la confiance se retourne brusquement à l’occasion de la défaillance d’un investisseur (septembre 1929, faille de l’aventurier Hatry), c’est la machine à fabriquer des liquidités qui comment à se gripper pour s’arrêter complètement lorsque les banques ne veulent plus se prêter en elles. Les faillites en cascade des investisseurs américains vont provoquer le tarissement du « call money « qui permettait aux banques européennes de trouver des liquidités aux Etats-Unis, alors même qu’elles sont incapables de faire face à leurs échéances faute de pouvoir refinancer leurs dettes et d’obtenir le remboursement de leurs prêts (faillite de la banque autrichienne Kredit Anstalt qui finançait l’agriculture des pays d’Europe centrale) par des producteurs confrontés à un effondrement des prix sur le marché mondial. Les banques allemandes sont alors obligées de faire tourner la planche à billets pour honorer leurs engagement vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux, ce qui provoquera le phénomène bien connu de l’hyperinflation. Ainsi alors même que le prix des denrées alimentaires s’effondrait, le citoyen allemand payait son pain en monnaie dévaluée atteignant des montants astronomiques.
A l’origine de la Grande dépression comme de la « crise financière » actuelle, on trouve donc la même manipulation de la monnaie qui sort de son rôle de réserve de valeur, pour devenir un moyen spéculatif destiné à générer artificiellement des liquidités dans un but de manipulation du prix des actifs bancaires sous la forme de titres de financement d’agents publics créant de l’activité économique avec les émissions de titres de dette par les banques d’affaires. L’obligation d’épurer les liquidités en surplus condamnent les banques à restreindre leur offre de crédits alors même qu’elle détiennent le monopole de l’émission de monnaie depuis que l’Etat a rendu illégal l’émission privée de monnaie fiduciaire, sous prétexte que la monnaie est un bien public, pour mieux transférer son pouvoir régalien de battre monnaie à des banques d’affaire en vertu du principe que la monnaie en circulation est la contrepartie des dettes émises par l’Etat en fonction de ses besoins budgétaires.
Face à cette mainmise de la banque sur l’offre monétaire, certains gouvernements de l’époque ont voulu réagir en renationalisant la monnaie, c’est-à-dire en garantissant sa valeur par rapport au pouvoir d’achat de la population évalué en quantité de travail fourni. Au lieu de déterminer la valeur de la monnaie en fonction du niveau comparé des prix sur les différents marchés nationaux tels qu’ils sont fixés par les banques en fonction de l’offre et de la demande, la Reichsbank (1) décide de soustraire la valeur de la monnaie à la loi des marchés contrôlés par les banques maîtres des flux monétaires. Pour cela la quantité de monnaie émise devait rester en relation avec la quantité de travail fourni par l’économie nationale soustraite en partie du système d’échange commercial international contrôlé par la banque, de façon à garantir le pouvoir d’achat des ménages (monnaie étalon-travail), dont le salaire serait payé avec des traites de travail émises par la Banque du Travail allemand. Ces traites garanties par la Reichsbank avaient valeur de billets de banques et donnaient droit à l’ouverture de crédits par les banques commerciales aux entreprises, la multiplication du réescompte de ces traites étant toutefois limitée pour mettre un frein à la création monétaire par les banques. L’équilibre économique entre les crédits émis sur une base contrôlée par une banque d’escompte et la richesse créée par les investissements productifs permettait d’éviter l’inflation monétaire. Ainsi les banques ne pouvaient plus manipuler la valeur de la monnaie, en jouant sur les différences de prix des actifs servant de support à des spéculations financées à crédit. Les prix nationaux étaient volontairement dissociés des prix mondiaux, de façon retrouver un niveau qui exprimé en monnaie étalon-travail corresponde à l’équivalence entre la production exprimée en prix de revient incluant le prix du salaire complet et le pouvoir d’achat du salarié, ce qui a permis de garantir la stabilité des prix et le retour à un niveau de vie des masses laborieuses qui était celui du travailleur allemand avant la crise.
Le gouvernement allemand incitait ses voisins à appliquer le même système de fixation des prix alignés sur le coût complet du travail humain (assurances, indemnités, retraite, etc) et non en fonction des prix du marché provenant de l’offre et de la demande, de façon à créer un espace économique intégré sur la base de l’unification du système monétaire bâtie en fonction de valeurs humaines et sociales communes reconnaissant la primauté du travail humain sur la machine. Les gouvernements nationaux d’Europe centrale alignés sur le modèle allemand se lançaient dans des programmes de rénovation d’infrastructure comme la rénovation des infrastructures urbaines et de communication ou bien une politique familiale généreuse destinée à promouvoir l’augmentation de la population active et la hausse de la consommation en contrepartie des dépenses productives. Par ailleurs au lieu de subir comme aujourd’hui la pression à la baisse sur les salaires justifiée par les contraintes de productivité globale, les salaires étaient au contraire augmentés, afin de faire correspondre les salaires versés avec l’augmentation du travail fourni par une population dont l’activité serait réorientée vers des activité productives locales, au lieu que sa qualité de vie soit sacrifiée, à cause de la réorientation des actifs bancaires qui migrent vers des zones jugées plus rentables en termes de productivité de la machine.
Actuellement, les gouvernements européens pratiquent la politique inverse en comprimant leurs dépenses de façon artificielle, c’est-à-dire en préservant le financement des coteries qui forment la base de la clientèle politique du parti au pouvoir, tout en remettant aux calendes grecques la restructuration des dépenses correspondant au subventionnement déguisé de secteurs économiques inefficients, au sens où ils sont de moins rémunérateurs pour des populations nationales livrées à la loi d’airain de la concurrence globale. Quand il suffit d’un clic de souris pour faire bouger des milliards d’actifs exprimés en titres financiers (actions ou obligations), la finance n’est plus capable d’assurer un pouvoir d’achat stable à des salariés dont l’outil de travail peut migrer au gré des transactions financières sur les marchés électroniques. L’Etat doit retrouver la maîtrise de la génération du crédit par les banques qui au lieu de s’en servir comme moyen de financement des entreprises au niveau local s’en servent comme moyens d’investissement dans des actifs globalisés dont l’allocation est fonction du moins disant social et non de la préservation de conditions d’existence décentes pour des populations qui ont perdu la maîtrise des flux de capitaux qui détermine leur destin économique et social.
Aujourd’hui tout se passe comme si les politiques se faisaient dicter les remèdes à apporter à la crise en fonction de l’intérêt des banques qui vivent principalement de leurs activités d’émission de moyens de paiement sous la forme de titres de dette qui constituent leur portefeuille d’actifs dont il s’agit d’optimiser la valeur par des stratégies d’allocation du capital qui font fi des destinées individuelles pour se concentrer principalement sur celui de leurs actionnaires et de leurs clients institutionnels qui représentent le gros de leur clientèle. Compte tenu de ses impératifs de financement budgétaire, l’Etat prendra bien soin de garantir la solvabilité des banques de manière à ce que celles-ci continuent à répondre favorablement aux besoins de l’Etat en achetant des titres de dette souveraine. Il en va de même des grandes entreprises financées par les banques dont les décisions économiques sont le reflet des exigences de rentabilité du capital fourni par les banques. Lorsque l’Etat émet de la monnaie, celle-ci est donc destinée à servir de moyen de financement aux banques sous la forme d’achat de titres de dette souveraine ou d’émission de crédits. La banque centrale européenne s’engage à garantir la valeur des titres de dette achetées par les banques par sa politique de refinancement des actifs bancaires qui a pour effet subventionner le financement des déficits publics par la dette bancaire. Celle-ci n’a cependant qu’une utilité sociale limitée dans la mesure où elle perpétue une situation de déficit budgétaire qui est stérile et stérilisante en elle-même, parce que par trop orientée vers le financement de dépenses improductives, comme les frais de fonctionnement d’une administration pléthorique et largement inefficace.
Le rôle de d’Etat serait de réorienter l’offre de crédit provenant des banques (les prêts sont financés par la dette publique échangée contre des liquidités banque centrale) vers des activités productives profitant directement aux populations locales ou nationales par le financement de projets productifs publics ou privés se traduisant par une création d’emploi et donc de pouvoir d’achat. Le désengagement de l’Etat de la vie économique sous la forme d’une réglementation étouffante servie par une administration aussi pléthorique que frustrée aurait pour corollaire son investissement dans des contrats d’initiative privée par exemple sous la forme de partenariats public privé associant des régions ou des villes avec des entreprises dans des programmes de refonte des infrastructures et de création de pôles de développement basés sur les technologies du futur libérées des canons de la recherche définies par les organisations corporatistes. Ces partenariats public privé existent aujourd’hui sous la forme de montages juridiques permettant aux entités publiques de lever des fonds sur les marchés en levant les restrictions liées à l’endettement public par la création d’entités de droit privé qui jouent le rôle d’émetteur de titres collatéralisés avec les recettes fiscales. Au lieu de réinjecter les ressources fiscales dans les circuits bancaires, les PPP suggérés prendraient la forme de banques publiques financées avec les recettes fiscales locales qui soutiendraient des projets économiques locaux.(2)
Plus simplement l’Etat pourrait se désengager de structures nocives pour les populations locales, comme on le constate tous les jours avec les scandales affectant les secteurs dominés par le commerce global et les multinationales financées par les réseaux bancaires comme l’agro-alimentaire avec les trafics de substitution de viande entre les intermédiaires intégrés à des réseaux mafieux mis en place sous le couvert des grandes administrations chargées de les contrôler. Le désengagement bancaire comme le recul de l’étouffoir réglementaire aurait comme conséquence de permettre l’émergence de pratiques alternatives profitant des progrès technologiques comme de la redécouverte de la Nature dans une saine compréhension de la santé humaine comme des besoins fondamentaux de la personne humaine aliénés par des intérêts financiers qui ne profitent qu’à une administration couplée aux actionnaires des grandes entreprises, dont le poids menace d’écraser totalement la vitalité du corps social asphyxié par une dette publique et privée monstrueuse. Par exemple l’Etat pourrait favoriser la création de sociétés d’assurance qui promeuvent des thérapies alternatives ou des remèdes naturels, au lieu de systématiquement privilégier l’industrie du médicament sous prétexte qu’elle est financés par les banques qui ont besoin de préserver la valeur de leurs investissements conditionnés par le soutien de l’Etat à l’industrie pharmaceutique sponsorisée par la Sécurité sociale. Le secteur de la Santé comporte de ce point de vue de nombreux gisements de valeur, tout comme celui de l’énergie trop contrôlé et limité par l’emprise des lobbies pétroliers et nucléaires, ou celui des télécommunications qui malgré les directives européennes dites de libéralisation demandent toujours à se libérer de la tutelle des monopoles publics.
Actuellement la valeur des actifs bancaires est artificiellement stabilisée par les mécanismes de compensation mis en place au niveau de l’Union européenne qui permettent de corriger les inégalités dans le placement des capitaux circulant par des subventions déguisées aux importations des tinées à maintenir la position dominante d’acteurs transnationaux au détriment des producteurs locaux dont la disparition est compensée par l’accroissement de la dette publique utilisée comme monnaie d’échange pour obtenir les liquidités manquantes. Ainsi un pays de l’Union monétaire européenne qui se retrouve dans une position débitrice chronique de sa balance de paiements parce que ses producteurs ont été sacrifiés sur l’hôtel de l’optimisation de la productivité au niveau mondial est tenu à bout de bras par la dette bancaire acceptée comme collatéral titre par la BCE qui l’échange contre des liquidités qui autrement feraient défaut, compte tenu de la fuite des capitaux hors d’un pays vivant de la dette et non de son travail productif (cf. fonctionnement du système Target 2 fondé sur l’échange de collatéral titres contre de la monnaie banque centrale comme outil de préservation de la liquidité des actifs bancaires et d’ajustement des comptes nationaux).
Cette situation est naturellement ubuesque, ce qui explique l’envahissement de la vie publique des pays concernés par des « pitres » qui sont chargées de divertir une population spoliée de son outil de travail comme de son pouvoir d’achat par des banques qui déterminent les stratégies d’allocation du capital dans une perspective de productivité globale et non nationale. Il faut donc impérativement casser cette machine à fabriquer de la fausse monnaie qui ne peut conduire qu’aux plus grandes catastrophes sociales, en redonnant le contrôle du crédit aux gouvernements nationaux et la liberté d’investissement aux populations locales et nationales par le désengagement de l’Etat de la vie économique par trop contrôlée par les lobbies transnationaux acoquinées aux administrations supranationales qui sécurisent leurs marchés en imposant des réglementations que seules sont en mesure d’appliquer les entreprises financées par la dette (et donc la monnaie créée ex nihilo par les banques) et non par le travail qui provient davantage des PME locales que des multinationales.
Références :
- Francis Delaisi : la Révolution européenne, les banquiers et la Démocratie
- Ellen Brown : plaidoyer pour les banques publiques : http://atimes.com/atimes/Global_Economy/GECON-01-270213.html
- http://publicbankinginstitute.org/public-banking-research.htm
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