Le retour du loup en France et la cohabitation : mais qui a encore peur du canis lupus ?
Vingt-huit ans après son retour naturel en France (en 1992 dans le Mercantour) qu’en est-il ? Le retour naturel du loup dans les Alpes Maritimes a été vécu comme une calamité par une petite fraction des habitants de ce département. Bien qu’une très grande majorité de Français soit convaincue du bien-fondé de l’existence de notre Canis lupus en France, une petite minorité n’a cessé dès lors de le boycotter de toutes les manières. Les vieilles légendes sont ressorties des placards, « le loup mangeur d’enfants ou tueur d’hommes », « le loup, notre ennemi de toujours », « la bête du Gévaudan », revisitées à la sauce « anti loup ». Parmi ses détracteurs, des éleveurs en tête, suivis par des chasseurs, des citoyens locaux et quelques politiciens en mal de pouvoir, comme Christian Estrosi, qui s’est fait un plaisir de défendre la cause des anti loups, qui sont bien souvent des « anti-tout ». Ils ont alors accusé l’animal de tous les maux, comme si la crise ovine lui était due. Ils ont même reproché aux écologistes et aux associations de protection d’avoir « réintroduit » l’espèce dans leur dos. Mais grâce à nos avancées en science, et preuve à l’appui que Canis lupus est bien revenu par lui-même, nous avons pu démontrer que sa souche était italienne. Beaucoup de perdants étant mauvais joueurs, commença alors une « guerre » entre pros et anti.
Les associations de protection n’ont eu de cesse, depuis son retour, d’attester de l’utilité du loup, et que l’on pouvait concilier le pastoralisme et le monde sauvage. Mais les irréductibles anti loups ont la peau dure et surtout, ne veulent rien changer. Malgré la loi de protection dont bénéficie le loup, ils le piègent, l’assassinent, l’empoisonnent, parfois en toute impunité. Combien de loups ont été tués par ignorance ? Une centaine, des centaines ? Nous ne détenons pas de chiffre exact. Mais l’animal est dur et résistant : depuis le temps où une partie de l’humanité s’est évertuée à le liquider, il a l’habitude… Il est protégé ; pour que son espèce survive, et pour apaiser la hargne des éleveurs, l’Etat distribue des indemnités, des chiens patous, des aides-bergers, des clôtures mobiles, on définit un prix pour chaque brebis égorgée… Les associations de protection comme FERUS (association de protection du loup, de l’ours et du lynx en France) ou FNE (France Nature Environnement) se mobilisent : avec d’autres, elles ont créé le collectif Cap loup (.ensemble d'associations de protection de la nature rassemblées pour la protection du loup en France). Mais rien n’y fait, la guerre continue…
En 2002, dix ans après son retour, le maire de Saint-Martin-Vésubie, Gaston Franco (à présent ex-maire, ex-député et ex-député européen) lâche dans une conversation avec un journaliste : « J’estime qu’il ne faudrait plus donner d’indemnités à ceux qui refusent de mettre en place des mesures de protection comme c’était le cas de l’éleveur du Moulinet. Oui, il faut aider les éleveurs à mener une vie normale. Mais n’oublions pas quand même que ce métier reste un choix de vie. Et puis, il serait peut-être temps de parler du gros problème. »
« Un gros problème », on se demande où voulait en venir l’ex-maire ? Le journaliste Fabrice Nicolino écrit alors un article dans le magazine Terre sauvage, (en 2003) à propos de ce « problème ». On apprenait que certains éleveurs dans les Alpes Maritimes ne déclaraient pas toutes leurs bêtes, qu’il y aurait eu du trafic dans ce coin perdu, que nombre de brebis auraient été vendues « sous le manteau »… Bref, un trafic bien rodé où le loup n’avait pas sa place, car le fait d’introduire dans ce petit monde des contrôleurs, des associations, des scientifiques, etc., aurait pu contribuer à leur mort. On comprend donc pourquoi « ils » ne voulaient rien changer… Du côté des associations et des médias, personne ou si peu, n’a relayé cette information depuis 2002. Était-elle vraie ? À présent, et depuis 18 ans, est-ce encore le cas ? Rien n’est certain…
Comme beaucoup de « sauvages », son espèce est confrontée à l’accroissement des populations humaines, et donc à son propre recul. La cohabitation entre l’homme et l’animal pose souvent problème. Partout, le loup fait les frais de l’expansion de son prédateur, comme nombre d’espèces sauvages. Il est chassé, piégé, pas toujours protégé, classé nuisible dans certains pays, et braconné dans d’autres, surtout pour sa fourrure. Sa population mondiale est estimée à 200 000 individus, dont 60 000 au Canada. Autrement dit, la population d’une grande ville, alors que représente ce chiffre par rapport à sept milliards d’êtres humains ? 200 000 loups, c’est bien peu en vérité. Cette espèce n’est pas encore en péril, en voie d’extinction, à part dans certains pays comme la France où le nombre de 500 environ n’est pas assez important pour la pérenniser. Il faut continuer sa protection totale, si nous ne voulons pas que le loup peuple uniquement les parcs de vision – qui ont tendance à pulluler. Et ce n’est pas un quota de près de 20 % à abattre par an qui l’aidera, au contraire, d’éliminer des individus au hasard, déstructure une meute, et l’on constate qu’une meute privée de son loup Alpha ou affaiblie d’une partie de ses membres, peut se trouver en position de faiblesse et donc s’attaquer davantage à des proies faciles comme les moutons.
Le loup est compatible avec le pastoralisme, quoi qu'en disent certains, et la clé de la cohabitation entre loups et hommes passe d’abord par une protection efficace des troupeaux.
La population française, citadine comme rurale serait favorable à son retour à plus de 75 %, y compris des bergers, éleveurs et chasseurs. C’est le dernier maillon de la chaîne alimentaire, le « gestionnaire » de la faune. Grâce à lui, les populations de cervidés et autres grands mammifères sont régulées. Il tue pour se nourrir, de préférence les proies les plus faibles, les vieux, les malades. Ainsi, les effectifs des espèces chassées sont sains et gérés naturellement. L’homme ne peut rivaliser avec cet atout. Alors, même si de temps à autre il égorge quelques moutons, on ne pourrait lui en tenir rigueur. Et son retour dans nos montagnes devrait être considéré comme une véritable aubaine.
Pour plus d'informations sur le loup en France, lire, "Qui sommes-nous pour traiter ainsi les animaux ?", éditions Libre & Solidaire : https://libre-solidaire.fr/Qui-sommes-nous-pour-traiter-ainsi-les-animaux
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