Le sage et son doigt (suite)
Dans un précédent article, j’expliquais quel astre le doigt du sage Zemmour désigne à la cantonade (son nombril, bien sûr).
A la lecture de mon analyse, un des riverains d’Agoravox a formulé une remarque des plus pertinentes : « Ceux qui ont commencé a « tout psychologiser tout psychanayser » sont ceux de la génération de mai 68 justement et dont cette génération était passée maitre dans l’art du procès d’intention »
Ce faisant, il a mis le doigt sur un problème ô combien plus intéressant que le nombril de Zemmour : la reprise par les tenants de la droite, réactionnaires ou contre-révolutionnaires, appelez les comme vous voulez, des méthodes de leurs adversaires d’hier : les gauchistes. L’évolution est notable. Ceux qui veulent le retour à l’ordre ancien, la « restauration des valeurs », endossent donc désormais les méthodes (ou raisonnements, réflexes, manies…) de ceux qu’ils ont combattu. Ils en endossent jusqu'à l’objectif : le renversement de l’ordre établi. On l’a vu avec la Manif pour tous. Le problème, c’est que, pour reprendre Joseph de Maistre, « la contre-révolution, ce n’est pas une révolution contraire, c’est le contraire de la révolution ». En d’autres termes : on ne peut revenir en arrière par la fuite en avant. En négligeant cette évidence, les réactionnaires comme Zemmour se vautrent dans la confusion et l’impuissance.
A chaque époque son genre de contestataire. On a eu le révolutionnaire, le résistant, le rebelle… On a aujourd’hui le chieur. Ou plutôt, selon une expression en vogue, le « çavapétiste ». Le çavapétiste est convaincu que tout va mal, et forcément ça va péter. Pas sous forme de révolution, entendez bien, seulement sous celle de cataclysme. Les intellectuels contestataires des décennies précédentes avaient au moins quelque chose à imaginer, ceux d’aujourd’hui pérorent en tentant de nous convaincre que la prochaine étape sera le néant.
Risquons-nous à psychologiser un peu à notre tour : nous vivons une période profondément dépressive : on n’a plus goût à rien, sauf à se complaire dans sa propre vacuité. Chaque époque a les sages qu’elle mérite.
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