Le sang universel ; juste une question de temps
Tout patient ayant besoin d’une transfusion ne peut recevoir que du sang de son propre groupe ou du groupe 0 (donneur universel), mais cela pourrait changer. Des chercheurs de l’Université de la Colombie Britannique (Canada) auraient découvert comment : « transformer le sang des groupes A, B et AB en sang universel recevable par n’importe quel patient, en le débarrassant des antigènes présents à la surface des globules rouges ». Ces recherches entreprises il y a une trentaine d'années présenteraient une amélioration sur la production de sang artificiel en quantité importante et à un coût raisonnable.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH316/sang-2-cfeac.jpg)
Les accidents, les opérations chirurgicales et les maladies du sang nécessitent dix mille dons journaliers pour soigner plus d'un million de patients chaque année. Pour l'année 2017, 4 % seulement des Français ont donné leur sang. De 5 à 6 litres de sang circulent dans le corps d'un homme adulte, soit environ 8 % de la masse corporelle. Une perte de sang massive est toujours une urgence vitale. Les premiers symptômes apparaissent après une de perte de la masse sanguine de 10 % - signes d'état de choc vers 30 % - signes sévères 40 % - et décès vers 50 %. Une valeur suffisante de la tension artérielle est nécessaire pour permettre les échanges, en dessous d'une valeur limite (TA de l'ordre de 6 cm/hg), ceux-ci sont insuffisants pour permettre la survie. Aucun médicament ou traitement n'est capable de se substituer au sang, liquide indispensable au maintien de la vie. L'expérience sur l'animal démontre que la durée de survie avec du sérum n'est que de quelques heures - une vingtaine d'heures avec du plasma - et totale avec du sang.
Le sang sert à acheminer l'oxygène dans tous les organes du corps, ce liquide nourricier constitué de plasma (55 %), de globules rouges (44%) et de globules blancs et de plaquettes (1%). Le sang coagule spontanément en présence d'un corps étranger (l'altération d'une paroi vasculaire suffit) pour former un caillot composé de fibrine qui emprisonne les cellules et obture la plaie. Le temps de saignement est d'autant plus long que le nombre de plaquettes est peu élevé. Le sang maintenu à 4° C se conserve seulement quelques semaines (entre 35 et 42 jours selon les législations nationales) et les stocks doivent être renouvelés en continu. Lors de certaines périodes, vacances, épidémies ou manque de donneurs, les hôpitaux travaillent à flux tendus.
Au XIX° siècle, les chirurgiens disposent seulement de la surélévation du membre, la ligature, la compression, la cautérisation (huile de poix, tison, électrocautère 1870) et les topiques chimiques (alun, perchlorure de fer, nitrate d'argent, l'ergot de seigle) pour combattre l'hémorragie. Les chirurgiens ne savent pas encore remplacer le sang perdu, un patient qui a perdu trop de sang meure. Avant la découverte de la circulation sanguine par William Harvey en 1616, les médecins espéraient pouvoir ranimer les blessés en leur faisant boire leur sang. Le pape innocent VIII but celui de trois jeunes hommes, aucun des quatre ne survécut ; les trois donneurs furent exsangues ! En 1628, Giovanni Colle transfuse directement du sang de chien à chien.
Il faut attendre le 15 juin 1667 pour la première transfusion sur un homme. Jean Denys, médecin de Louis XIV, administra 300 cc de sang d'agneau à un adolescent. On ne sait s'il survécut à cette transfusion, certains écrits le déclarant mort, tandis qu'une communication de Denys parle d'une amélioration à court terme avec reprise de l'activité... Sur quatre malades transfusés (sang de veau), deux survécurent, le troisième mourut, et le quatrième ne tarda pas à présenter : « des signes d'intolérance : accélération du pouls, une sueur de la face, très forte douleur lombaire et nausée », avant de présenter une rémission et décéder avant qu'une troisième transfusion lui ait été administrée. Les transfusions d'homme à homme étaient faites au hasard sans tenir compte du groupe sanguin, ce qui explique leur succès et insuccès. Le parlement promulgua un édit interdisant la transfusion sanguine en 1676.
Les expériences de James Blundell sur des animaux en 1818, vont permettre de découvrir que : « le mélange du sang d'une espèce avec celui d'une autre espèce était mortel pour le receveur. Les hommes ne pouvaient donc recevoir que du sang humain. Un malade reçut 400 cc de plusieurs donneurs différents, une demi-heure plus tard il décédait ». Les médecins continuèrent cette pratique avec plus ou moins de succès (certains comme technique de torture), ne comprenant toujours pas pourquoi certains malades survivaient, alors que d'autres succombaient. Les décès étaient imputés à la présence de bulles d'air dans le sang. L'autre grand obstacle fut la coagulation du sang, jusqu'à la découverte de la défibrination (élimination du fibrinogène) du sang. Celui-ci était versé dans un récipient pour y être battu afin d'en extraire la fibrine, et après filtration, être administré dans une veine (dénudée) du receveur.
En 1901, Karl Landsteiner et Shattok découvrent que les globules rouges (hématies) contenues dans le sang d'un donneur pouvaient s'agglutiner avec ceux du receveur et se comporter comme des anticorps. Landsteiner obtiendra le prix Nobel en 1930, et le jour de sa naissance, le 14 juin, sera retenu par l'Organisation Mondiale de la Santé pour la journée internationale du don de sang. La même année, le biologiste Uhlenhuth imagine un test visant à confirmer ou à infirmer l'origine humaine de sang retrouvé sur une scène de crime. Il injecta une protéine d'œuf à un lapin qui se mit à produire des anticorps afin de lutter contre les antigènes de la poule. La police scientifique allait pouvoir désormais affirmer s'il s'agissait de sang d'origine humaine ou animale.
En 1902, De Castillo et Stenli postulent que les deux agglutinogènes A et B peuvent se combiner pour former quatre groupes sanguins : A, B, AB (receveurs universels) et 0 (il existe une douzaine de classifications du sang, mais la plus répandue reste l'AB0). Les globules rouges du groupe A portent l'antigène A, et le plasma contient le facteur d'agglutination anticorps β ; le groupe B contient l'antigène B et l'anticorps α ; le groupe AB possède les deux antigènes mais pas d'anticorps. (dictionnaire médical Masson). « Le groupe 0 n'ayant pas d'agglutinogène,mais deux anticorps, ses hématies ne seront agglutinée par aucun sérum humain. Comme il possède les agglutinines α et β, il agglutinera toutes les hématies possédant les agglutinogènes A ou B, il ne pourra recevoir que le sang d'individus du même groupe ». Les agglutinogènes apparaissent pendant la vie intra-utérine tandis que les agglutinines ne se rencontrent qu'après la naissance, et le groupe sanguin qui obéit aux lois de l'hérédité (paternité possible ou exclue) se constitue vers la deuxième année de la vie.
La classification des groupes sanguins est plus complexe, il existe une quinzaine d'autres agglutinogènes. Le mélange de différents groupes sanguins indifférenciés peut entraîner un choc transfusionnel, les cellules déclenchent une réaction immunologique contre la présence de cellules étrangères dans le sang (destruction des globules rouges). Lors d'une transfusion habituelle, le respect du groupe donneur/receveur suffit à se prémunir de l'accident, les agglutinines contenues dans le sang transfusé étant en petite quantité par rapport à la masse sanguine totale du receveur. Si la transfusion est importante, il faut avoir recours à la transfusion « isogroupes ». A mentionner l'existence de donneurs universels dangereux en raison de la présence dans leur sérum d'un anticorps anti A immun normalement absent dans le groupe 0. Georges Woolsey décrit en 1910, le premier cas de maladie transmise par transfusion, l'homme hospitalisé pour une anémie pernicieuse a contracté le paludisme.
La détermination du groupe sanguin est simple et rapide : « Sur une lame porte-objet, on met à l'une des extrémités, une goutte d'un sérum du groupe Aβ (sérum anti-B) et, à l'autre extrémité une goutte de sérum Bα (sérum anti-A). On dépose à côté de chacune de ces gouttes une goutte de sang du sujet à examiner et l'on mélange. L'agglutination se traduira une ou deux minutes après. Si l'agglutination se produit avec le sérum Aβ, le sujet appartient au groupe B. Si elle se produit avec le sérum Bα, les sujet est du groupe A. Si elle se produit des deux côtés de la lame, le sujet est du groupe AB, si aucune ne se produit pour aucun des sérums, il est du groupe 0 » (précis de physiologie médicale éditions Maloine).
En 1919, Hirszfeld constate que les quatre groupes sanguins existent parmi toutes les populations, mais que leurs proportions sont variables d'une population à l'autre. En France : 38% est A+, 36% 0+, 7,5% B+, 7% A-, 6% 0-, 3% AB+, 1% B- , et 1% AB-. Une enzyme (phosphoglucomutase) est également présente chez 36 % de la population, et ce, indépendamment du groupe sanguin. Si un laboratoire de police scientifique retrouve cette enzyme dans un échantillon de sang du groupe B, par exemple, le champ de recherche se restreint à 0.36 x 7,5, soit 2,7 % de la population.
En 1939, Landsteiner et Wiener injectent des globules rouges rhésus d'un macaque à un lapin, ce qui eut pour effet d'entraîner la production chez ce dernier, d'un sérum capable d'agglutiner les globules rouges du singe et ceux de 85 % du sang humain Rh+ ! Près de 15 % échappent à ce phénomène Rh-, ce qui explique l'origine d'accidents survenant en dehors de toute incompatibilité avec des donneurs 0. La cause ? l'hémolyse (destruction) soudaine provoquée par un donneur Rh+ sur receveur Rh- (accidents rares). Le facteur rhésus négatif est quasiment nul chez les Asiatiques, mais il tend à s'élever en Afrique noire.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, les transfusions sont assurées par les services de santé des armées. La transfusion a été améliorée par : le fractionnement du plasma, la conservation du sang (une solution d'acide citrique, de citrate et de dextrose permet de conserver le sang pendant une vingtaine de jours), et l'introduction des poches en plastique en remplacement des flacons de verre. De nos jours, les militaires américains disposent d'une seringue pouvant stopper une hémorragie en une vingtaine de secondes. De petites « éponges » cellulosiques gonflent au contact du sang et comblent la plaie. Le contenu d'une seringue peut absorber jusqu'à un demi-litre de sang, et trois seringues peuvent être utilisées sur un blessé en attendant son « évasan ».
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
12 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON