Le sarkozisme est un bonapartisme
« c’est un personnage vulgaire, puéril, théâtral et vain. Les personnes invitées chez lui, l’été, à Saint-Cloud, reçoivent, en même temps que l’invitation, l’ordre d’apporter une toilette du matin et une toilette du soir. Il aime la gloriole, le pompon, l’aigrette, la broderie, les paillettes et les passequilles, les grands mots, les grands titres, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir. » Victor HUGO
Comportement de parvenu, populisme, autoritarisme, collusion avec le monde des affaires, mépris de la laïcité ou de ceux qui la réclament, contrôle des médias, culte du libéralisme , et par-dessus tout , stratégie politique couplée à la principale échéance électorale -car son vainqueur revendique alors le bénéfice d’un plébiscite- tout cela met de Nicolas Sarkozy dans la lignée du Second Empire. Louis-Napoléon-Bonaparte savait qu’il devait son accession au pouvoir à l’armée, et elle était l’objet de tous ses soins. Les yeux rivés aux sondages, Nicolas Sarkozy sait qu’il ne peut garder le pouvoir qu’en gagnant la bataille de l’opinion. Et pour cela, il nous parle de tout, sauf de l’essentiel.
Certains ont développé un parallèle avec l’épisode vichyssois. S’il y a des similitudes (volonté de rompre avec un passé diabolisé, utilisation de boucs émissaires), les différences sont nettes. D’abord, et pour cause, le régime de Pétain, même s’il a dû lutter pour contrôler l’opinion, était entièrement affranchi de l’hypothèque électorale. Ensuite, la notion d’ordre moral, accompagnée du thème de la toute-puissance de l’appartenance au groupe est étrangère à la rhétorique sarkozienne . Les thèmes sarkoziens sont aux antipodes de la Révolution Nationale. Le cœur de sa pensée, si on peut dire, c’est la défense forcenée de l’individualisme. Pour accéder au pouvoir, l’ambitieux maire de Neuilly s’est fait le chantre du chacun pour soi, et il a su surfer sur les désirs de notre société atomisée. La seule valeur de Sarkozy est l’argent. Philippe Pétain avait d’autres convictions.
Pour comprendre le sarkozisme, il faut interpréter les signes qu’il nous donne, que ce soit de façon naïve ou de façon calculée.
Tous les partis, tous les régimes célèbrent à leur façon des messes et des liturgies. Comme le meeting et la communion, la célébration politique fortifie les fidèles en les unissant au corps du groupe, qu’il soit païen ou mystique. Les tentatives de l’UMP pour redonner du souffle à cet exercice obligé a quelque chose de pathétique. L’ahurissant clip des jeunes de l’UMP réalisé par Benjamin Lancar fonctionne comme un manifestation d’un retour à la pensée magique, mais les gesticulations des figurants fonctionnent comme autant d’incantations dans le vide. On n’est plus dans le positivisme républicain qui a permis aux principes hérités de la Révolution française d’avoir du sens jusqu’à une période encore proche, on est dans un incantatoire de pacotille. De toute évidence, les personnages qui se succèdent ne croient pas un seul moment à ce qu’ils disent. C’est un spectacle en toc, autant en toc que les ballades de notre Président sur Madison Avenue. N’importe quelle agence de publicité consciencieuse serait capable de mieux faire pour la promotion d’une lessive.
Le début du quinquennat avait vu des initiatives plus en rapport avec les traditions républicaines, comme l’appel aux mânes de Jean Jaurès et de Léon Blum, ou encore la tentative de faire lire dans les lycées la lettre de Guy Moquet. Elles ont fait long feu. La déroute aux régionales a remis l’homme de droite à sa place. Et elle a montré qu’en matière de symboles et de traditions, le roi était nu.
Epouser de façon ostentatoire un ancien mannequin, s’afficher au Fouquet’s ou sur le yatch d’un bon camarade, insulter avec grossièreté des opposants, énoncer des aberrations après avoir visité Lascaux, ne va pas sans rappeler le goût du paraître et l’incompétence artistique de Napoléon III .
De tous les présidents que la France a connu, Sarkozy est le plus ignare. Il fut élève médiocre, bachelier médiocre et étudiant médiocre (ce que dissimule son CV officiel).
Mitterrand était féru d’ Histoire, Chirac passionné par les arts asiatiques, Pompidou par l’art contemporain, Giscard bachelier à 15 ans et polytechnicien, quant à De Gaulle qui avait lu de très près Bergson et Michelet, il avait une intuition très forte de l’histoire et il était capable de l’anticiper. A part les stylos et les timbres, la seule passion qu’on connaisse à notre Président est le pouvoir. Et quand on lui pose une question d’ordre culturel, il appuie sur le bouton « J’aime » et nous sort quelques pesantes banalités.
Son projet n’est pas le rayonnement de la France et de son génie, son ambition est plus limitée. Elle est d’abord hexagonale. Même quand il intervient sur la scène internationale, l’intention électoraliste est sous-jacente. Quitte à manipuler les chiffres, à la tribune onusienne, il se montre intransigeant dans le combat contre la misère dans le monde. Par contre, il peut fort bien sacrifier son image internationale pour flatter l’opinion nationale. La polémique sur les Roms avec la Commission européenne illustre ce calcul.
Le nationalisme de Nicolas Sarkozy n’est qu’un nationalisme de façade. Lorsqu’il va commémorer la Résistance et les combats du Vercors, son ennui saute aux yeux. Emblème du reniement de l’ Histoire et de l’individualisme dominant, il illustre l’absence de nationalisme dans la classe dirigeante actuelle et des milieux d’affaires qui spéculent à travers le monde et qui acceptent l’ouverture des frontières et les délocalisations. Sur ce point, la comparaison avec l’Empereur n’est plus pertinente. Le neveu de l’oncle avait fait du nationalisme un point incontournable de sa doctrine.
La politique de Nicolas Sarkozy n’est en fait que l’application au sommet de l’Etat du système de reproduction des élites. On est entre soi et on veut y rester. Pour garantir et accroître son patrimoine, le pacte républicain, censé jusque là garantir la cohésion du groupe, apparaît comme un obstacle. Le malmener est d’autant plus tentant, qu’à l’occasion de cette accélération de l’Histoire qu’est la globalisation, une partie du corps social a perdu ses certitudes. Nicolas Sarkozy a saisi le profit qu’il pouvait tirer de cette absence de repères.
Il ne cherche pas à révolutionner la société. Entre conservatisme et réaction, son idéologie vient tout droit des pères fondateurs du libéralisme. Il n’espère rien, si ce n’est satisfaire la classe sociale revancharde qu’il représente, et pour cela, son maintien au pouvoir est essentiel.
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