Le sauveur nouveau n’est pas arrivé
Ils attendent le sauveur ; chacun attend le sien ; idéal pour lui, on ne pardonne rien. Seules les personnes comptent désormais, ni les idées, ni les projets !
La maladie de l'immédiateté alliée à une réelle urgence semble bloquer la société, laissant dans l'ombre, inertes, les véritables possibilités d'action car, et depuis toujours, le contre pouvoir ne peut être que celui de la masse.
Depuis que chacun, muni de son petit diplôme et de sa petite culture, se sent capable d'esprit critique, en cuisine, depuis que le pouvoir mondialisé a facilité pour atomiser les velléités de luttes, le peuple rentre, tête baissée dans le piège qui lui est offert. Comme on a chacun sa petite idée et que la lutte n'est, pour la plupart des composantes des classes moyennes, que lutte idéologique , l'action réelle n'est pas au rendez-vous ; devant un verre, on s'écharpe pour une divergence, un passé, un compromis ici, une radicalité là.
L'habitude étant prise des mensonges et de l'enfumage, le réflexe de rejet et l'impossibilité de faire confiance en sont les fruits.
La nécessité faisant loi, aujourd'hui, la discussion, l'échange, l'inventivité et la réflexion devraient être notre travail : préparer demain, quand la nécessité concrète, réelle, celle qui prend aux tripes et ne peut plus déléguer à qui que ce soit, nous contraindra à tenir compte de notre expérience historique qui prouve que la révolte, même transformée en révolution, est toujours récupérée par un pouvoir quand rien n'a été au préalable convenablement organisé.
Organiser la survie : si on est prêt au partage, aux réseaux, on peut empêcher les dérives, le marché noir, par exemple ; la fraternité se réchauffe, se ravive : cet objectif là ne devrait pas être perdu de vue.
Organiser une Constituante, un Modus operandi ; n'étant pas, comme d'autres, une fine mouche politicienne, je me satisfais du « d'abord on rassure » de Mélenchon ; mesures d'urgence dans le cadre possible immédiatement. Puis, on ne perd pas son objectif de vue.
Or cet objectif semble être perdu par de nombreux gauchisants qui ont, au cour du temps, perdu non seulement le goût de l'aventure mais aussi la prise en compte d'une nécessaire violence face à des ennemis que la douceur à la mode ( lire si cela vous est possible, l'illisible « Éloge du conflit » de Benasayag qui, à mon sens dit des choses essentielles !) fait rire !
La prétendue violence de Mélenchon, à qui on reproche sans souci du paradoxe, ses pantoufles de sénateur, son appartenance à la franc-maçonnerie, n'est qu'un réveil pour vous faire comprendre que, si l'on cherche avant tout à faire la révolution citoyenne, par les urnes, la bagarre sera rude où le ton neutre et maîtrisé ne trouvera pas sa place.
Il est intéressant de constater que l'endormissement s'est abattu sur quiconque garde, par devers soi, une belle idée de justice et d'égalité, sans vague.
Réveiller des demi morts ne se fait pas avec des berceuses. À comparer au rauque canaille d'une Marine Le Pen qui fait tout pour se glisser dans un moule de respectabilité et d'ordinaire.
Nous, ne sommes pas respectables aux yeux du patronat, de la finance et de l'oligarchie ! Et nous ne voulons pas l'être !
Paradoxe d'entendre ou de lire, chez les mêmes, le reproche fait au co-président du Parti de Gauche d'être à la fois la voiture balai du PS et ce malotru qui ne sait aligner deux mots sans brailler ! C'est bien le règne de cette gauche molle qui a introduit puis intronisé le soft language, le consensus traître et c'est sous son règne que la langue de bois a été promue langage universel !
Si je pouvais, je crierais encore plus fort ! Mais je ne suis pas en position de le faire : je souffre en silence ! Et c'est très malsain.
Ainsi, dans cette gauche, politicienne qui cherche à changer les choses pour de bon, nous avons les pur sucre, qui ne se mélangent pas, les gueulards inaudibles de trop d'impolitesse, les vrais pourris qui s'arrangent, les petits qui pataugent, les humbles qui agissent. Avec un mélange des genres quand il s'agit des troupes.
La réalité est néanmoins la même pour tous :
Il nous faut de manière urgente pas moins qu'arrêter le massacre écologique, protéger nos acquis, laisser vivre et s'épanouir notre savoir-faire, redistribuer cette richesse jamais atteinte depuis deux mille ans, empêcher de nuire tous les ennemis du peuple et, le plus dur : convaincre ce peuple !
Toute délégation de pouvoir ne peut se faire qu'avec la confiance ; une confiance qui ne sera pas aveugle ni une démission, une confiance en nous d'abord et une confiance en l'autre qu'on écoute et que l'on comprend.
Comment faire confiance à un homme qui déroge à ce point aux bonnes moeurs langagières en vogue depuis tant de temps ?
Quand on n'est pas en colère, on ne peut pas faire confiance à un homme en colère ; certains lui dénient le droit d'être en colère car, quand tout allait encore à peu près bien dans ce pays, il ne l'était pas ! Mais personne ne l'était !
Il y a la colère politique de Mélenchon, qui ne semble pas être ressentie par beaucoup et il y a la colère caractérielle : Mélenchon ne supporte pas la bêtise ni le pouvoir mielleux fielleux des médias qui ne sont même plus aux ordres tellement ils sont complaisants.
Les enfants gâtés ont le temps, de faire du lèche-vitrine, un shopping politique où l'on envisage le moment de son propre engagement, ou bien suppute du lieu où l'on s'engagera peut-être.
Je n'aime pas militer, je ne sais pas ; je ne suis pas obéissante et je n'aime pas faire des choses inutiles, sauf balader dans les villages avec mes chiennes et glisser dans les boîtes à lettres des tracts dont je ne suis pas sûre que je les aurais tournés de cette façon. J'y rencontre des gens, on discute, souvent de tout autre chose ; je ne sais pas vendre parce que je n'ai rien à vendre. Mon idée est que chacun devrait avoir idée, et débattre sans se battre. Seulement, ceux qui passent leur temps libre à militer et qui pour quelque raison se trouvent dans les lieux de paroles et de décision n'ont pas envie de perdre du temps avec les petits nouveaux qui sortent des énormités : il faut un minimum d'efficacité, on le comprend : un parti politique n'est guère ou pas démocratique, c'est une armée qui doit combattre efficacement un pouvoir en place, plus les autres concurrents dans la course au pouvoir. Cela abaisse forcément que se coltiner la bagarre obligée dans cette société.
Tout ceci m'est étranger, mon A rouge cerclé n'est pas une toquade ou le fruit d'un long apprentissage, ce n'est qu'un bain dont je ne suis jamais sortie ; je passe mon temps à critiquer, à râler contre l'à peu près, et j'ai vite eu marre des réunions où je ne pouvais pas en placer une, comme si tout avait été prémâché avant que je n'arrive. Larguée complet j'étais. Rien à apporter, pas sur la même longueur d'onde, interdite sur le blog, bref, très mauvais élément.
Je pourrais sur mes grands chevaux rentrer chez moi et, puisque je ne suis pas adaptée ici non plus, déclarer à la cantonade mon dégoût, mon mépris des partis.
Là-dessus, tout le temps pris par des élections, la plaie et cette impression sournoise que j'ai mis le doigt dans un engrenage fou. Puis une tactique dont je sais qu'elle est fatale, des discours qui ne parlent plus que pour les convertis, une attitude hautaine, une gueule de travers, une vengeance personnelle, tout, rien, pour me déplaire, me plaire.
Déprime totale, l'espoir envolé dont je suspectais déjà le leurre, au printemps : j'envoyais des mots pour enjoindre les enthousiastes de calmer leurs ardeurs tant le dithyrambe était nauséabond, empreint de ce fanatisme des yéyés, mijaurées midinettes en vapeur d'extase sous les estrades d'où hurlait une belle brune pasionaria échevelée qui ne lâchera rien mais qui garde son sein caché.
J'ai découvert la culture variétoche et quelques chansons ; je cherchais la chaleur populaire, vibrante de luttes et concevais qu'on vînt s'y réchauffer et s'y ressourcer : l'énergie du leader était une contagion qui le vidait de son sang mais en nourrissait des milliers.
Je voulais appartenir à ces milliers mais j'étais très seule ; si je l'avais senti, j'aurais su faire aussi, mais ça ne s'est jamais trouvé.
Je n'ai jamais considéré mes manques comme des atouts ; je n'ai jamais pris mes défauts pour des singularités et j'avais l'habitude d'être hors tout. Ainsi j'ai nourri l'espoir d'un rassemblement populaire autour d'un pédagogue qui a fait ce que personne n'a jamais fait : expliquer, donner la confiance en soi et bousculer pour que l'autre lève la tête, les yeux et se trouve beau dans un beau pays.
C'est un enthousiasme qui se transmet mais qui retombe comme un soufflé une fois rentré dans son chez soi.
Le moment n'est pas venu de la lutte, malgré les grands messes comme des danses de transes d'énergie, quand ce n'est pas le moment, on s'essouffle.
Mais le pire n'est pas là, le souffle on le reprend. Le pire est dans la guerre sournoise, où l'on a isolé le taureau dans l'arène médiatique ; on fait des passes mais les moments se répètent à l'identique et le pli est pris d'un ton, d'une connivence comme une deuxième nature et le taureau s'enivre de tourner, qui ne peut ni sortir ni tomber.
Bien sûr c'est un château de cartes, quel autre peut-on construire dans ce monde barbe-à-papa, de sucreries chimiques, de faim gavée de graisse insaturée d'une palme dévastatrice.
J'ai rêvé qu'il boude la télévision, celle que je ne peux même pas voir éteinte, ces grands écrans dans les salons me donnent la nausée, mais lui, est très clair là-dessus : derrière ces écrans il y a le peuple. Je me suis donc totalement désintéressée de la forme d'une campagne ou d'une publicité ; chez nous aujourd'hui, tous font le même cirque, mais ce n'est pas Romanes, malheureusement !
Que nous reste-t-il comme espoir, ne serait-ce une amélioration imminente ? Et pourquoi bloquer sur l'Europe tant il est évident que telle qu'elle a été imposée, elle ne tiendra pas, pour peu que les peuples se réveillent ? Sur ce sujet précis, il serait bon que les détracteurs de Mélenchon écoute ce qu'il dit plutôt que s'arrêter à ces coups de gueule d'homme agacé alors que le politique qu'il est se montre de plus en plus déterminé !
Mais trêve de Mélenchon ; le problème est aussi ailleurs.
C'est curieux que dans ce monde obscène où toute valeur se délite et se fond dans le suprême argent, certains restent purs et durs dans leurs convictions, n'étant plus capables que de critiques, souvent justes d'ailleurs, mais stériles alors qu'il est temps de semer.
Les commères ont toujours ragoté au lavoir, les hommes se sont toujours échauffés au bar, se nichait là une sagesse populaire et un regard acide et pertinent, mais quand il est l'heure de bouger, on s'oublie un peu et de chacun d'entre nous surgira l'héroïsme ou l'abjection.
Le sauveur ne viendra pas, et comme dit Claude de Milleville, inventeur d'un art divinatoire qui n'a rien d'étranger à Jung, « Il faut faire sa soupe avec ce que l'on a », tant pis s'il n'y a que des poireaux, ils nous nourriront plus que l'immobilisme qui rêve d'une bisque de homard !
Pour conclure cet articulet où ma colère se coagule, je pense et dis que toute critique n'est bonne que constructive, pour qu'elle le soit elle doit être dite avec les bons mots, ne doit pas être une poussée de dépit et ne doit pas se dire n'importe où. La poussée de dépit rend difforme une réalité qui n'est déjà guère limpide et entérine les pulsions des dites et redites rabâchées à l'envi ; n'importe où donne des bâtons pour se faire battre et il faut être très solide ou très froid pour encaisser. Les mauvais mots donnent peu de pluie ou au contraire un déluge sur un sol aride.
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