Le scandale du soutien scolaire subventionné
« Est-ce le bon moment pour entreprendre ? Mais oui, c'est le bon moment ! Hormis pour les investisseurs, car l'environnement fiscal actuel est assez confiscatoire », s'exclamait le directeur d'Acadomia dans les colonnes de l'express (dirigé par le sinistre Barbier, tout aussi grassement rémunéré indirectement par l'Etat, tout en fustigeant la dépense publique). Le même personnage déclarait pourtant quelques années plus tôt que « la suppression des aides fiscales entraînerait la disparition du secteur ». Ces deux phrases à priori antinomiques, illustrent parfaitement le scandale que représente cette réduction d'impôt dont on ne parle pas assez souvent.
Désirant me lancer prochainement dans les cours particuliers et le soutien scolaire à domicile, je me suis un peu intéressé aux tarifs pratiqués sur le marché, notamment par les principaux organismes : acadomia, cours legendre, complétude ou keepschool...
J'ai alors rempli par simple curiosité un formulaire sur un de ces sites afin d'obtenir le prix d'une heure de cours pour un terminale ES. Selon le devis reçu dans la minute, l'heure de cours serait facturée 47 euros. L'organisme faisant par ailleurs bien sûr expressément miroiter la réduction fiscale ou le crédit d'impôt pour les ménages modestes, soit 23 euros 50/heure :
Le même jour, une annonce émanant du même organisme, publiée sur le site de pôle emploi proposait un salaire de 15 à 20 euros brut pour le même niveau, soit de 11,5 à 15 euros net pour l'intervenant pédagogique (le salaire ne prenant pas en compte les frais de déplacement et le temps de préparation). Ainsi la plus-value réalisée par l'organisme est de 32 à 35 euros pour une heure de cours.
Ces organismes sont des entreprises privées régies par la loi du marché. Il n'y a par conséquent à priori aucune raison qu'elles fassent preuve de philanthropie et ne cherchent pas à s'enrichir en réalisant un profit.
En 1991, le gouvernement d'Edith Cresson accorde une réduction d'impôt de la moitié du prix d'un cours. Cette mesure excluait de fait la moitié des Français non imposables (souvent d'ailleurs les familles où le soutien scolaire était le plus nécessaire). Afin de rectifier cette inégalité, en 2007, un crédit d'impôt équivalent devient possible pour les foyers non imposables.
De nombreuses entreprises de soutien scolaire vont alors voir le jour et c'est là ou le bat blesse. Ces mesures auraient pu être intéressantes à condition d'être encadrées en ne bénéficiant qu'à des auto-entrepreneurs ou particuliers.
Ainsi, du fait de cette niche fiscale, le manque à gagner pour l'Etat est important (et le profit pour ces organisme tout autant), de l'ordre de 300 millions d'euros par an. Cette somme représente environ trois fois la somme investie par l’État dans le soutien scolaire public ou 4 fois le budget des ZEP et ne profite probablement pas aux élèves les plus en difficulté. (davantage aux classes moyennes supérieures pouvant débourser ce prix)
Non pas que cette aide soit inutile dans l'absolu, mais elle devrait être davantage encadrée et réservée aux particuliers, micro-entreprises ou auto-entrepreneurs. Or elle est de fait captée en grande partie par des grands groupes vivant sur le dos de la bête.
De plus la qualité du service n'est pas forcément au rendez-vous. Selon des enquêtes le recrutement est souvent réalisé à la va vite, les pièces justificatives pas toujours vérifiées, on ment aux parents sur la disponibilité immédiate du professeur...
Ainsi, il est selon important que les enseignants et parents boycottent ces enseignes, dirigés par des schizophrènes dénués de scrupules, se prévalant des valeurs du libéralisme tout en s'enrichissant pour moitié grâce au contribuable. Et puis, quel bon enseignant accepterait de travailler pour 12 euros de l'heure avec la préparation et le déplacement non remboursé ?
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