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Accueil du site > Tribune Libre > Le scolaire de la honte ?

Le scolaire de la honte ?

Eric Le Boucher écrit dans « les échos » : "Le scolaire de la honte." Tout un programme où la honte n’est pas là où on le croit mais plutôt dans l’infamie d’un texte :

«  Accrochez-vous à vos accoudoirs, voici un chiffre qui dit toute la vérité sur les mensonges de la France : à l’Ecole polytechnique, un élève sur deux a un parent prof. Oui : un sur deux !
Pour parvenir au sommet des sommets du système scolaire national, la crème de la crème de l’élite, pour intégrer les belles positions, assurées ensuite toute la vie durant, il faut être un enfant du système, avoir le « décodeur » que seuls les « insiders » possèdent : les professeurs.
Les X ne sont pas les enfants des dirigeants du CAC 40, détrompez-vous. Les riches ont compris depuis une décennie maintenant : ils envoient leurs enfants à la London School ou dans les universités américaines.
Autrement dit, ils fuient un système qui exclut aussi leurs enfants, sauf les très rares qui ont 20 en maths. Ne réussissent statistiquement en France que les élèves accompagnés le soir par leurs parents, qui refont les cours, qui aident, qui connaissent les filières, qui trouvent des appuis internes.
L’Education nationale française, celle de l’égalité républicaine, la sélection par le mérite, est devenue pire que la Chine : elle ne sert plus qu’à promouvoir les fils du Parti, le parti scolaire. Un sur deux ! Proportion de la honte qui fait regarder autrement tous les discours sur « l’égalité des chances » dans ce pays. La captation du sommet par les membres du Parti s’accompagne d’un abandon par les mêmes des enfants du bas
 »

Voici donc un monument d’abjection idéologique qui mérite d’être passé au filtre de l’analyse.

On parle de Polytechnique qui est non seulement gratuite mais rémunérée puisque les étudiants qui y accèdent sont en contrat avec l’Etat . Pas étonnant donc que les familles modestes "privilégient" cette école à une HEC qui coûterait tous frais compris plusieurs dizaines de milliers d’Euros par an.

La moitié des étudiants seraient donc fils d’enseignants ? Acceptons. Mais quid de l’autre moitié ? Des employés, des petits agriculteurs, des ouvriers ? Allons, allons… Des enfants de la très haute bourgeoisie, médecins ou cadres dirigeants. Mais là rien à dire, n’est-ce pas, c’est dans l’ordre naturel des choses !

Mais ces enfants des « classes moyennes » dérangent ceux des « héritiers ».
On peut être artiste surtout parce qu’on porte le nom de son père. On devient prof seulement par l’anonymat d’un concours ; on devient polytechnicien par la même voix.

Et si professeurs, plus que les autres épaulent leurs enfants, chacun est libre de le faire... Mais qui croira que le prof de maths l’épaulera en anglais ou en français, ou ailleurs ?

La bêtise et la mauvaise foi poussent comme une mauvaise herbe dans le cynisme ambiant. Mais pour ceux qui voudraient qu’il n’y ait que l’argent qui puisse ouvrir les portes, c’est en effet insupportable que de voir ces parvenus entrer dans un lieu qui devrait leur être interdits !

On le comprend : Qu’un enseignant inculque à son enfant le culte du savoir, de la discipline scolaire est scandaleux ! Qu’il prenne ainsi la place de celui qui frime dans les beaux quartiers en glandant est inadmissible !

Heureusement, comme le dit l’auteur à propos des glandeurs de Neuilly :« ils fuient un système qui exclut leurs enfants »... mais ne nous inquiétons pas : L’auteur avoue que ces pauvres chéris auront leur lot de consolation dans la London School ou les universités américaines grâce au chéquier de papa. Et que les plus riches resteront promis aux plus belles carrières.

L’auteur ne dira pas non plus que beaucoup de diplomés issus de cette moitié enseignante est elle-même » héritière » : enfants de normaliens d’un côté et de cadres dirigeants de l’autre… Combien d’enfants d’instituteurs ou de profs de collège dans ces Grandes Ecoles ?

Par ailleurs, M. le Boucher semble fermer les yeux sur une autre catégorie sureprésentée : les enfants d’anciens élèves de grandes écoles dans les grandes écoles, notamment les plus prestigieuses (Ena, X, Normale, HEC, Mines, ESCP pour n’en citer que quelques-unes)

Le parti scolaire (celui des enseignants) serait pire que le Parti Communiste Chinois !

Vraiment ?

Faudrait-il donc une Révolution Culturelle à la chinoise lors de laquelle, comme le préconisait Rousseau, on arracherait les enfants à leur famille pour leur assurer l’éducation parfaite dans un modèle égalitaire ? En tout cas ce sinistre Le Boucher semble ignorer la Révolution Française ce qui ne l’empêche d’avoir perdu la tête.

On lui épargnera la guillotine mais on lui conseillera Condorcet :

"Il serait donc important d’avoir une forme d’instruction publique qui ne laissât échapper aucun talent sans être aperçu, et qui lui offrît alors tous les secours réservés jusqu’ici aux enfants des riches." ("Premier Mémoire")

www.nouvelhermes.blogspot.com

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5 réactions à cet article    


  • Louisiane 6 juillet 2010 11:02

    Excellent décriptage d’un vilain discours.
    Le pire, c’est qu’on se demande où veut en venir Le Boucher : à l’école privée, encore plus élitiste ? A l’interdiction de l’école polytechnique pour les élèves issus d’une famille enseignante (donc discrimination) ?
    Que préconise-t-il pour supprimer ces insupportables privilèges ? nommer ces élèves à la tête de l’EPAD, par exemple ? Où à la tête de certains conseils régionaux ?
    Le Boucher n’est qu’un faux dénonciateur de faux privilèges.
    Ce pour quoi il est payé, c’est diviser les Français sur de faux sujets scandaleux pendant qu’on surprend les membres du gouvernement la main dans la caisse tout en annonçant des mesures d’austérité.
     Le Boucher est un malhonnête qui fait un sale boulot pour les vraies élites. Un cafard de plus, c’est tout.


    • Le Canard républicain Le Canard Républicain 6 juillet 2010 11:14

      Bonjour citoyen.
      - En 1976, un élève qui sortait du collège avait reçu 2 800 heures d’enseignement du français depuis son entrée au cours préparatoire. En 2004, il en a reçu 800 de moins. Il a donc perdu l’équivalent de deux années et demie. C’est comme si, au milieu de son année de cinquième, on le faisait passer en seconde.
      - Le gouvernement soutient la Fondation Saint-Matthieu et l’enseignement catholique :
      http://www.xn—lecanardrpublicain-jwb.net/spip.php?article365
      - Danton : « une éducation digne de la liberté » :
      http://www.xn—lecanardrpublicain-jwb.net/spip.php?article28
      Cordialement.
      J.G.


      • Marc Bruxman 6 juillet 2010 19:51

        Tous les pays sont concernés par ce phénoméne. Evidemment un enseignant connait mieux le système scolaire et donc peut diriger ses enfants ou il faut. 


        Et effectivement, les fils de PDG vont avoir tendence à être orientés dans des écoles « internationales » Car leurs parents ont compris que les vrais possibilités de réussite se situent à l’international et qu’il est important de pouvoir profiter d’une double culture. 

        Mais il faut voir que Polytechnique a sa réputation en partie grâce aux corps d’états qui assuraient de très bonnes places de haut fonctionnaires à une partie de la promotion. Et que du dire d’anciens de l’école que je cotoie, l’école a beaucoup perdu de la fin du « service militaire » (trop long à détailler ici).

        Sans compter l’assenscion très rapide d’HEC dans le paysage des grandes écoles. 

        PS : Je suis un ancien ni de l’X ni d’HEC donc pas de troll. 

        • FRIDA FRIDA 6 juillet 2010 21:38

           J’ai voté pour cette article en modération, il y a un certain temps que je suis mécontente des choniques et analyses de certains journaleux des Echos, faiseurs d’opinion libérale.

          Voici un autre échantillon « Mauvaise nouvelle pour les gros consommateurs d’énergie : le prix du gaz, mais aussi celui de l’électricité devraient augmenter cet été de près de 5%. Pourtant le cours du pétrole et celui du gaz sont plutôt orientés à la baisse. Mais quand on se penche sur le sujet du prix de l’énergie en France, on comprend mieux pourquoi notre pays a créé l’école Polytechnique et pourquoi elle y verse chaque année l’élite de ses mathématiciens : c’est pour calculer les prix du gaz et de l’électricité ! »


          Les Echos est un journal de pure propagande, en plus ses journaleux sévissent sur radio classique le matin entre 7h et 9h, avec les mêmes chroniques, d’un ton docte et hautain, ils ne cessent de faire l’apologie du libéralisme et de l’américainisme. La France, à les entendre, n’est qu’un pays de beaufs et de franchouillards. En plus ils font de la publicité déguisée à pas mal de firmes. L’objectif qui se devine sans peine, c’est la casse de tout ce qui est service public ou social. Ils ont la phobie du fonctionnaire, des services de l’Etat, c’est à croire que pour eux la politique elle-même, à savoir les services régalien de l’Etat comme le ministère de la défense sont à privatiser, faire appel aux mercenaires ne les gênera guère si derrière cela il y a quelques profits à faire. Ils ne jurent que par Dieu argent et ses archanges les financiers.

          J’ai été scandalisée par une chronique de Ph. Escandre, il a eu le mépris de présenter Polytechnique comme une institution n’ayant d’autre utilité que de former des gens qui compliquent la tâche aux Français on proposant des calculs incompréhensibles pour augmenter le prix du gaz et de l’électricité. Il a eu le culot de faire croire que l’augmentation des prix sont dus à ces calculs. La chronique n’est que suite de poncifs libéraux dans laquelle il a critiqué indirectement la Commission de régulation de l’énergie, laissant penser qu’elle est le repaire par excellence des polytechniciens. Mais en allant visiter le site de cette commission, j’ai découvert, consternée, que les membres issus de polytechniques ne sont que deux sur neuf.


          • Rik 7 juillet 2010 02:20

            Cet article est à double tranchant :
            -soit on condamne un système qui privilégie scolairement les enfants des membres du système éducatif,
            - soit on réalise que la société a évolué et le manque de disponibilité des parents auprès de leurs enfants fait que les seuls à être naturellement prêts à aider leurs proches sont les enseignants.
            Autrefois les enseignants étaient à la fois enseignants et éducateurs, avec certes certaines dérives.
            Aujourd’hui, on demande aux enseignants d’enseigner et aux éducateurs d’éduquer : ce serait donc aux parents d’éduquer davantage leurs enfants, mais il n’y a pas de secret, l’éducation n’existe que par le contact direct et les parents n’ont pas souvent cette disponibilité.
            Alors que penser ?
            Peut-être faudrait-il s’intéresser à ce profil d’étudiants qui réussissent et voir si ce profil correspond à celui que l’on pourrait considérer être porteur, solide, épanoui, analyser ses composantes pour mettre en évidence certaines trames performantes.

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