Le Sénat veut brader la Petite Enfance
On ne peut pas dire que la Petite Enfance n’intéresse pas nos chers politiques et nos élus depuis que le Président de la République a souhaité an août 2007 que se mette en place le droit opposable aux modes de garde.
Depuis, le ministre du Travail, Xavier Bertrand a annoncé lors de ses vœux que ce droit serait mise en place au cours de cette année avant de se raviser en février et d’annoncer que le projet serait soumis au Parlement en 2009.
Mais voilà, les évènements s’accélèrent depuis cet été :
Le rapport Tabarot a été remis en juillet 2008 et annonce déjà les propositions à venir :
La proposition d’un congé parental plus court et mieux rémunéré, favorisant la participation des pères.
la création de "jardins d’éveil" pour les 2-3 ans, pour lesquels les plages horaires seraient semblables à celles des crèches, mais l’encadrement moindre (un adulte pour 12 enfants), générant donc un coût plus faible, les seniors participant également à l’accueil.
l’évolution des fonctions des relais assistantes maternelles vers des "relais d’accueil familial" et leur multiplication,
l’assouplissement des normes d’encadrement permettant de rehausser les seuils d’enfants accueillis,
la possibilité pour les assistantes maternelles de garder non plus trois mais quatre enfants ;
Une nouvelle organisation du pilotage de l’offre d’accueil et l’évolution des fonctions des caisses d’allocations familiales...
La Secrétaire d’Etat à la Famille, Nadine Morano, a rappelé le 7 octobre dernier la volonté de mettre ce droit opposable en place pour 2012 là où le rapport Tabarot parle plus de 2015 comme échéance.
Derniers événements en date :
- Deux sénateurs, Monique Papon et et Pierre Martin, ont remis leur rapport sur la scolarisation des jeunes enfants en reprenant cette proposition des jardins d’éveil du rapport Tabarot.
- Dans le cadre du PLFSS 2009, un amendement a été adopté par la commission des affaires sociales du Sénat (encore !) concernant les modes de garde de la petite enfance. Celui-ci concerne le taux d’encadrement des crèches collectives et précise que "dans les établissements et services accueillant des enfants de moins de six ans, l’effectif du personnel placé auprès des enfants est d’un professionnel pour six enfants qui ne marchent pas et d’un professionnel pour neuf enfants qui marchent". Actuellement ces ratios sont respectivement d’un pour cinq et d’un pour huit.
Voilà, les événements vont en s’accélérant et on ne peut pas dire que cela aille dans le bons sens. Pourquoi ?
Tout simplement parce que nous voyons, en tant que professionnels de la Petite Enfance, l’intérêt financier dicter les évolutions de notre métier.
Pour mettre en place le droit opposable, il faut environ 350 000 places supplémentaires. Or, à l’heure actuelle, nous sommes dans une moyenne d’un peu plus de 30 000 places de gardes de créer par an. Le calcul est simple : à ce rythme, il faut plus de 10 ans pour mettre le droit opposable en route. Impensable pour nos gouvernants. Alors, au-delà de débloquer des crédits pour favoriser ces créations, de simples opérations mathématiques viennent essayer de boucher les trous : on propose que les assistantes maternelles aient un agrément autorisé de 3 à 4 enfants maximum, que les taux d’encadrements diminuent, que de nouvelles structures, les "jardins d’éveil" accueillent les 2-3 ans avec un taux d’encadrement d’un adulte pour 12 enfants (au lieu de un pour huit dans les textes actuels !).
Or, nous parlons bien d’enfants et de bébés ici. S’occuper de 5 bébés qui ne marchent pas n’est déjà pas chose évidente alors passer à 6 est une hérésie ! Nous donnons tellement déjà sur le terrain pour tenter de rester cohérents dans nos pratiques vis à vis des enfants et de leurs familles. Nous sommes dans les limites de l’acceptable sur les missions de nos services d’accueil dans bien des structures. Nous devons de plus en plus être des gestionnaires pour rendre des comptes à nos financeurs (la CAF en étant le principal) en rentabilisant les places de garde au maximum que l’accueil ne rime parfois plus avec respect de l’enfant, accompagnement dans son développement , accueil de sa famille mais plus avec gardiennage, presque travail à la chaine !
Cela n’est pas acceptable : il faut se rappeler que nous parlons de la Petite Enfance, des futurs citoyens de notre société. Comment peut-on envisager de telles évolutions qui ne respectent plus leur courte existence et ne permettent plus d’accueillir les jeunes enfants ?
Dans cet ensemble de mesures voulues pour aider les parents dans leur souci de garder leurs enfants, nous observons plus une orientation économique dans les propositions qu’une volonté de qualité dans l’accueil, l’accompagnement des enafnts et de leur famille. Cela est très regrettable !!
Alors, cet amendement adopté par la commission est en revanche très discutable sur le plan juridique. Il introduit en effet dans le Code de la santé publique (CSP) des dispositions qui ne relèvent manifestement pas du domaine législatif. Y a-t-il là un espoir que ces dernières propositions soient évitées ?
Espérons-le. Mais pour cela, c’est l’ensemble des acteurs de la Petite Enfance, c’est-à-dire les professionnels mais également les parents qui doivent rapidement réagir pour exprimer leur volonté de modes de garde en nombre et de qualité.
Ne bradons pas la Petite Enfance ! C’est le futur que nous décidons aujourd’hui.
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