Le seul et véritable enjeu d’Obama
Comme le disait Leibniz, le présent est lourd du passé et chargé de l’avenir. Les Etats-Unis viennent d’élire un président noir et les médias ne cessent de gloser sur cet événement. Certes, cette élection symbolise toute la fierté de cette communauté dont la plupart ont des ancêtres esclaves. Certes, cet événement est une joie que tout homme pourvu de sentiments moraux et universels partagera. Mais la question raciale est déjà du passé et l’élection d’Obama n’a pas pour vocation de soutenir plus que par le passé les causes communautaires.
Les élections américaines ont montré que les médias français savent s’y prendre pour passer à côté des enjeux ou, du moins, mettre en avant le côté sensationnel pour éviter d’aborder des questions plus cruciales et qui, forcément, fâchent, autant qu’elles demandent quelque travail d’investigation intellectuelle et d’intelligence pour offrir une tribune aux rares analystes visionnaires. Car les médias disent n’importe quoi. Moi-même, prenant appui sur quelques données, ne croyait pas en Obama, préférant Mme Hillary Clinton, à la faveur de quelques nuances sur des programmes sociaux. Je voyais Hillary candidate, n’étant pas plus abruti qu’Al Gore qui pensait la même chose. Obama me paraissait suspect. Sans doute, n’avais-je pas les bonnes informations pour connaître un peu du personnage. Mais la presse dans son ensemble n’a pas fait mieux. En fin de compte, nous autres, chroniqueurs du dimanche et journalistes, ne savons pas grand-chose, sauf les images diffusées, entrecoupées de discours, phrases et analyses de gens censés être autorisés par le milieu à parler du milieu et qui dit milieu dit omerta. Ces gens en savent un peu plus, mais guère plus. Et nous voilà à commenter une élection comme d’autres analysent les phases de jeu d’un match de foot ou de rugby.
C’est un peu désolant, mais c’est d’époque. Il fut un temps où les journalistes savaient parler des choses du monde. Maintenant, c’est du grand n’importe quoi. Des journalistes parvenus et carriéristes ont pignon sur les médias. D’autres sont incompétents, souvent formés par une culture de l’approximation, autrement dit l’ignorance, mais pourvus d’un pedigree professionnel justifiant leur salaire et leur contrat. D’où le résultat final. Tout ce monde qui commente l’élection sensationnelle d’un président noir dans un pays ou cette question raciale est en voie d’être dépassée tout en persistant localement parce que le genre des abrutis sait se reproduire ; une question largement minoritaire eu égard aux grands enjeux conjuguant les nations, les ressources, la technologie, les finances, les inégalités économiques. A se demander si nos journalistes savent de quoi il est question. Combien d’ânes pointant dans les médias avec des émoluments convenables ? Je ne cite personne, par charité pour les journalistes et aussi les intellectuels qui ont eu leur tribune sur ces supports qui m’insupportent.
L’élection d’Obama est révélatrice de bien des problèmes. Elle n’a rien d’une délivrance, sauf pour les âmes frétillantes au destin sans saveur. Les fonctionnaires de la pensée se sont largement exprimés. Place aux taupes visionnaires oserais-je dire ! Visions certes mais lesquelles ? L’Occident est sur sa fin et les progrès matériel et économique construits sur les bases de 1945, modifiés certes, ne sont plus concevables, pas plus qu’est acceptable cette folie de la croissance associant le salut des individus à la réussite économique. C’est ce point qui constitue l’enjeu majeur auquel devra faire face Obama. Et d’ailleurs, qui concerne la planète dans son ensemble. Les gens de la planète vont devoir partager les ressources. Les Etats-Unis ne pourront plus maintenir le rythme de la croissance. L’Europe non plus. Les écarts de revenus ne sont pas le signe d’une vitalité spirituelle et sociale mais une insulte face à l’universalité des hommes. Une escroquerie intellectuelle. Passé les limites, les profits des riches constituent du vol. Et c’est là le seul et véritable enjeu de la présidence Obama. Il en a sans doute conscience, mais l’obstacle n’est pas en Obama, mais dans la société américaine et ici, en France, c’est pareil. Et plus généralement, l’enjeu de la puissance et de la croissance est primordial sur cette planète. La vénalité des riches et l’ombre de la puissance sont les deux dangers de ce monde. La complicité des masses qu’on achète par les moyens de l’argent de poche, des gadgets et de la religion de pacotille, sur fond d’ignorance, c’est le moyen dont disposent les puissances martiales et financières pour parvenir à leur domination. Sans oublier les hochets que le système agite pour les gestionnaires bureaucrates courroies de transmission des puissances, les somnambules du XXIe siècle pour reprendre une expression de Broch.
Tel est l’enjeu du XXIe siècle après 2008. Ici en France, il n’y a plus d’espoir, car la bêtise a gagné le monde politique, le PS, le MoDem, l’UMP, les Verts, la LCR. Il n’y a plus d’espoir, noir c’est noir, comme le dernier disque de Johnny, insipide.
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