Le socialisme est l’idéal républicain
Je ne suis venu au socialisme que tardivement puisque j’ai adhéré après la présidentielle. Mais, à l’origine, je ne me définis pas comme un socialiste, mais comme un républicain. Je dirais même comme un patriote républicain. C’est-à-dire que j’ai une haute opinion des valeurs véhiculées par mon pays et je pense qu’elles sont universelles. Liberté, Egalité et Fraternité représentent pour moi les fondements présupposés d’une société humaine. Sachant que nous disposons d’un esprit évoluant au contact de son environnement, dans la confrontation, dans l’échange ; je suis convaincu que pour pouvoir s’épanouir il doit bénéficier d’une liberté d’action et de pensées, que cela doit bénéficier à tous les humains sans conditions et qu’il est nécessaire que cela se fasse dans un respect mutuel. Mon idéal d’une société humaine passe par l’accomplissement de la République et la mise en application de ses valeurs.
J’ai donc toujours eu un faible pour le gaullisme qui incarnait pour moi la grandeur du pays et le respect de ces valeurs. Mais, bizarrement, je n’ai jamais eu envie de m’engager dans des mouvements ou des partis politiques s’en réclamant comme le RPR, par exemple. Disons, pour reprendre une expression ségolèniste, que j’aime bien : Je n’ai pas été soulevé par une ferveur idéologique qui nécessiterait de ma part un engagement militant. Dans le même temps, je n’avais aucune attirance pour le socialisme. Comment dire... j’étais indifférent à son idéologie de lutte des classes, de collectivisme, d’étatisme.
Je ne me retrouvais pas dans ce duel idéologique qui se faisait jour entre le libéralisme et le socialisme marxiste qui a constitué la matrice du combat droite-gauche du siècle passé. Le gaullisme à force d’autoritarisme a perdu sa dimension fraternelle et bridé les libertés. Le socialisme marxiste s’est imposé en défenseur des libertés individuelles, mais a échoué sur la fraternité et l’égalité en finissant par abandonner, une fois au pouvoir, son idéal pour se soumettre au diktat financier.
Le libéralisme s’est imposé dans la bataille idéologique parce qu’il a axé son discours sur la défense des libertés individuelles. En réclamant que l’individu s’émancipe des chaînes du collectivisme socialiste, il a fait son beurre des frustrations de chacun d’entre nous contre le système. Il a encouragé l’accès à la richesse comme un idéal et il l’assume. Il proclame haut et fort qu’il veut permettre à tout le monde d’être riche et que, pour cela, il faut enlever les freins à l’épanouissement individuel que sont la participation à l’effort collectif. Pour lui, c’est une charge qui pèse sur les épaules de chacun. Il faut donc l’alléger par tous les moyens. Ce libéralisme, c’est exactement ce qu’on a à l’œuvre aujourd’hui en France. Il nous vend sa part de rêve avec son bling-bling, ses belles voitures, ses belles nanas et nous dit Mais faites comme nous ! Devenez riche.
Face à ce libéralisme triomphant, la gauche a opposé un socialisme marxiste. C’est-à-dire un socialisme de contestation, un socialisme révolutionnaire, de lutte des classes, qui voulait en découdre avec le système capitaliste. On allait voir ce qu’on allait voir. Ce socialisme-là n’a gagné qu’en 1936-38, en 1981-83 et 1997-2000. Soit sept ans dans le siècle ! Pendant ces sept ans, la France a connu une gouvernance socialiste marxiste luttant pour le droit des ouvriers et des classes laborieuses. C’est dans cette courte période de gouvernance que nous devons les plus grandes avancées sociales du pays comme la réduction du temps de travail, les congés payés, augmentation des salaires, conventions collectives, etc. Des avancées sociales dont plus personne ne songerait à mettre les acquis en doute... sauf le libéralisme financier à l’œuvre aujourd’hui. Puisqu’il nous exhorte à travailler plus pour gagner plus. Il nous demande donc que nous abandonnions ces fariboles incongrues que sont les 35 heures, les cinq semaines de congés payés ou la retraite à 60 ans pour avoir le droit de travailler plus. Ils pointent du doigt ces avancées sociales et nous disent Abandonnez-les si vous voulez vous enrichir car vous n’avez pas d’autres solutions pour gagner plus ! C’est un message simple, simpliste même, mais efficace. Eliminons les règles qui régissent le Code social et on sera plus libre.
Mais le libéralisme ne peut incarner la République puisqu’il lui manque toute la dimension d’égalité et de fraternité. On sait très bien que, dans toutes sociétés capitalistes, il ne peut y avoir que des inégalités. On ne peut pas être tous riches. C’est mathématiquement impossible. Et, en niant la nécessaire solidarité collective, on ne peut créer un lien fraternel dans la société. Le socialisme marxiste, quant à lui, participe à libérer les individus de leurs chaînes de soumission au capital, revendique l’égalité, mais ne peut parvenir à la fraternité parce que son rêve égalitariste n’est pas compatible avec une société humaine. Nous sommes tous différents et nous ne pouvons comprendre de donner les mêmes droits et devoirs à chacun d’entre nous alors qu’au départ il existe des inégalités d’existence. L’égalitarisme maintient les inégalités au lieu de les réduire. Bref aucune des deux idéologies ne s’imposent dans la République.
Comment donc atteindre l’idéal républicain si aucune idéologie politique ne nous le permet intellectuellement ? Pour avoir envie d’accomplir un idéal auquel on croit, il faut nous donner un chemin intellectuel pour que nous puissions mentaliser l’accès possible, les difficultés et les perspectives. C’est ce chemin que trace avec application et consciencieusement Vincent Peillon. Dans son livre La Révolution française n’est pas terminée, il nous montre que le socialisme doit revenir aux sources de sa création qu’est l’accomplissement de l’idéal républicain.
Car c’est le socialisme qui porte en lui les valeurs républicaines. Un socialisme débarrassé de ses oripeaux marxistes révolutionnaires qui l’empêchait de concevoir la société comme pouvant être fraternelle. Partant du principe qu’une société humaine est composée d’individus différents, vivant dans des situations différentes, il est inconcevable de concevoir un modèle de développement globalisé imposant une norme de réussite et d’accès au bien-être. Il faut créer un système où chaque individu puisse avoir la liberté de choix et la possibilité d’accéder au savoir que la collectivité a mis en commun. Le socialisme doit aussi permettre la possibilité à chacun d’expérimenter sa volonté individuelle d’entreprendre quelle que soit sa condition sociale. La condition sociale étant le vrai frein à la constitution d’une société fraternelle puisque aucune classe sociale ne veut abandonner les privilèges ou les avantages qu’elle détient. C’est humain. Il faut donc l’inciter à le faire. Non par la violence et la brutalité parce que cela entraîne automatiquement le rejet. Mais en instituant un partenariat individu-collectivité basé sur les droits et les devoirs de chaque entité. Le donnant-donnant quoi. Ainsi on peut imaginer qu’un individu pauvre qui veut bénéficier de la liberté d’entreprendre, et donc l’accès au capital, doit donner en échange à la collectivité une utilité, un devoir. Comme par exemple la possibilité de donner du soutien à d’autres personnes en difficulté. On peut imaginer qu’un individu riche souhaitant payer moins de charges sociales pour son entreprise doive en contrepartie respecter les salariés, s’engager à augmenter la masse salariale, investir dans l’entreprise, etc. C’est-à-dire créer une relation vertueuse entre tous les intervenants d’une société quelles que soient leurs conditions sociales. Permettre ainsi à chacun d’avoir la possibilité d’accomplir son rêve, c’est l’idéal républicain.
Et cela ne doit pas se faire au détriment de la collectivité car tout le monde sentira qu’il y a une vraie volonté de vivre ensemble en se respectant. C’est le chemin de la fraternité. Et toute cette construction sociale ne peut être possible que si elle est institutionnalisée politiquement. Il faut montrer que le respect va jusqu’au citoyen en lui permettant de participer à l’élaboration des décisions collectives. D’avoir une place dans le processus de décision et permettre à ceux qui veulent s’investir sur un sujet qu’ils connaissent ou qui les passionne de pouvoir le faire. Cette démarche démocratique prend tout son sens dans l’avènement d’une société socialiste républicaine puisqu’elle permet aux citoyens (à la collectivité) de faire contrepoids aux desiderata de quelques-uns. La démocratie participative est donc l’outil indispensable démocratique pour atteindre notre idéal républicain.
Finalement, le socialisme républicain prend tout son sens dans un ordre juste garanti par la démocratie participative et la décentralisation du pouvoir. Comme il veut que dans sa société tout le monde soit gagnant, il crée un lien incitatif donnant-donnant incluant les droits et les devoirs. Son idéal de fraternité ne peut se concevoir que dans la laïcité assumée, dans la reconnaissance et l’acceptation d’être métissée. Ce sont les principes fondamentaux du socialisme républicain incitant au respect de l’humain.
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