Le sort de Casino et de ses salariés soumis aux diktats de la finance ?
Attaqué depuis des mois par des fonds spéculatifs, le groupe Casino, dont les holdings de contrôle sont entrés dans une procédure de sauvegarde, va désormais devoir négocier avec ses créanciers. Les syndicats s’inquiètent des conséquences pour l’emploi d’un éventuel changement d’actionnaire, une hypothèse qui effraie à plus d’un titre…
Le groupe Casino est dans une situation délicate. Malgré ses bonnes performances opérationnelles, malgré le développement d’enseignes fortes, rentables et bien adaptées aux nouvelles tendances du commerce, tant en matière de proximité (Monoprix, Franprix, Leader Price) que de digital (Cdisount) ou de bio (Naturalia), malgré ses efforts acharnés pour réduire sa dette via un vaste plan de cession d’actifs non stratégiques, en particulier immobiliers, le distributeur français continue à être attaqué depuis plusieurs mois par des fonds spéculatifs anglo-saxons. Des attaques massives et d’une violence inouïe menées par des hedges funds utilisant la vente « à découvert » pour s’enrichir en faisant chuter artificiellement le cours de l’action.
Déjà, en décembre 2015, le fonds activiste américain Muddy Waters avait publié une note critique sur l’endettement des holdings de Casino et la complexité de sa structure, tout en vendant la valeur à découvert. Il a récidivé à la fin de l’été 2018, rejoint cette fois-ci par une petite vingtaine d’autres fonds spéculatifs anglo-saxons, faisant chuter l’action du groupe de 17 %. Depuis cette date, Casino est devenu l’une des cibles favorites de ces short sellers, l’action du groupe étant la valeur la plus « shortée » du marché boursier français. Les ventes à découvert représentaient ainsi 35 % de son capital flottant le 23 mai 2019 selon les chiffres de IHS Markit. Des volumes d’action très importants dont les mouvements contribuent à véritablement déstabiliser l’entreprise.
C’est pour se protéger de ces « attaques répétées et de grande ampleur » que la société Rallye, holding de contrôle du groupe Casino, ainsi que les sociétés Foncière Euris, Finatis et Euris, ont pris l’initiative de se placer en procédure de sauvegarde. Une procédure qui suspend le service de la dette bancaire et obligataire pour une période de six mois – renouvelable deux fois – et doit permettre aux holdings de contrôle du groupe de réaménager leur dette dans un cadre sécurisé.
L’objectif est clair : « la procédure de sauvegarde va permettre à Rallye de travailler, sereinement, en concertation avec ses créanciers, à un plan visant à pérenniser son rôle d’actionnaire de contrôle du groupe Casino grâce à une structure de financement adéquate, durable et renforcée », précise Jean-Charles Naouri, le PDG du groupe, dans une lettre adressée aux salariés.
Mais certains analystes financiers parient au contraire sur un changement d’actionnaire, voire sur un démantèlement du groupe. Ils pensent d’une part que les créanciers obligataires, qui portent 40 % de la dette de Rallye, vont tenter d’échanger leurs créances contre du capital pour prendre le contrôle de la holding… Et d’autre part qu’ils pourraient être ensuite tentés de vendre le groupe par lots. Car si la capitalisation du groupe est basse, ses actifs (Monoprix, Franprix, Cdiscount, Naturalia, etc.) valent bien plus pris séparément et pourraient attiser la convoitise de concurrents moins avancés que Casino dans le commerce de proximité et le digital comme Carrefour ou de géants du e-commerce comme Amazon. Or, l’éventualité de ventes séparées constituerait certainement le pire des scénarios pour les salariés : vendus à des fins strictement financières, les enseignes du groupe seraient dans le meilleur des cas rachetées par un concurrent, dans le pire par un fonds d’investissement. Le fonds d’investissement aurait pour seul objectif la compression des coûts et l’augmentation de la rentabilité avant une revente à brève échéance. Le rachat par un concurrent supposerait lui de supprimer les doublons et les enseignes en concurrence dans la même zone de chalandise. Dans les deux cas, l’emploi sera la première variable d’ajustement.
Autant de scénarios qui ont bien sûr de quoi inquiéter les salariés et les syndicats du groupe. FO Casino et FGTA-FO ont ainsi lancé une pétition en ligne (sur change.org), destinée en priorité à alerter Bruno Le Maire et Muriel Pénicaud, et à les inciter à « tout mettre en œuvre pour empêcher le démantèlement du groupe Casino ». « Si la société Rallye devait céder des parts à des fonds prédateurs pour rembourser la dette, il y aurait un vrai risque de démantèlement du groupe avec un fort impact sur le social, estiment-ils. Il en va de l’avenir en France de l’emploi de 75 000 salariés ». Des femmes et des hommes qui refusent d’être sacrifiés comment tant d’autres avant eux au nom des seuls jeux de spéculation.
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