Le survivalisme
Le survivalisme (terme popularisé par Kurt Saxon et John Pugsley) apparaît aux États-Unis avec la Guerre froide, les adeptes veulent protéger leur famille d'une attaque nucléaire soviétique. Le permis de construire de la Maison de la radio, déposé en 1954, dispose de quatorze abris anti-atomiques aménagés dans les fondations du bâtiment (ils existent toujours). En 1963, la Confédération helvétique rend obligatoire la construction d'abris anti-atomiques pour chaque maison individuelle. La mouvance prend une nouvelle forme avec le retour des vétérans du Vietnam (1975) qui choisissent une vie autarcique en retrait de la société et de ses tensions culturelles. Le néo survivalisme va s'étendre à toutes les catastrophes de grande ampleur : risque NRBC-E - crise économique - catastrophe naturelle - industrielle - mouvement de population hostile - crise sanitaire, etc. Lorsque des familles quittent leur lieu de résidence pour aller se confiner dans une région épargnée par la Covid 19 ; quand les populations proches d'une centrale nucléaire gardent des pilules d'iode ou celles proches d'un site Seveso un masque filtrant à la maison, elles appliquent un des préceptes du survivalisme.
Le survivalisme vise à éviter le pire en interprétant des signaux annonciateurs de l’imminence d'un danger : montée des eaux, phénomène météorologique, incendie, rayons des grands magasins qui se vident - embouteillage - engorgement des gares & aéroports - queue devant les stations service, devant les consulats - restrictions de déplacements - état d'urgence, etc., afin de s'en éloigner avant de se retrouver piégé. Si certains habitants de la Roya avaient anticipé les aléas locaux et régionaux possibles : submersion, rupture des voies de communications, coupures d'eau, d'électricité, chauffage, téléphone, etc., l'épreuve eut été moins difficile et la préparation favoriser la résilience. Plusieurs catastrophes avaient déjà endeuillé Roquebillière : trois tremblements de terre en 596, 614, 1494, six inondations en 1094, 743, 1772, 1889, 1892 et 1926. (...) La vallée étant sans téléphone depuis quelques jours, l’information fut portée à Nice à bicyclette. (...) Tout le village fut évacué. Certains habitants purent être sauvés sous les décombres. Mais on déplora au total dix-neuf morts et disparus.
Il nous faut différencier : la survie - le survivalisme - le Team building (stage d'intégration, compétivité des cadres d'entreprise) - le bushcraft, vivre de peu dans les bois (cueillette, chasse, braconnage, pêche) - la collapsologie. La survie repose sur la préparation à vivre isolé dans un milieu dégradé ou inconnu en attendant les secours. Un avion se « crash », les survivants vont devoir se débrouiller avec ce dont ils disposent (outils, vivres, médicaments) en attendant les secours. Dilemme, rester auprès de l'appareil (se signaler) ou partir en espérant rejoindre un endroit habité. Avec les vols longs-courriers, les passagers survolent des territoires forts différents : plan d'eau - océan - montagne - forêt dense - plaine - désert - steppe - jungle zones à la faune, la flore et aux conditions très différentes selon la saison. On n'apprend pas à vivre isolé dans ces milieux dégradés en quelques jours ! Cela nécessite plusieurs mois ainsi qu'une préparation mentale.
L’Intérêt pour une vie proche de la nature ne cesse de croître parmi les urbains, parfois à la suite d'un coup dur : divorce, perte d'emploi ou d'un proche et que la vie en société n'a plus de sens. Les profils sont divers et variés : âme de campeurs, randonneurs, survie au combat, scoutisme, aventuriers frustrés, jeux d'aventure (Koh-Lenta). Le baba-cool ou le libertarien veut vivre en retrait de la société grâce à l'élevage et/ou l'agriculture ; le homesteader une retraite paisible en autosuffisance (poules pondeuses, lapins, culture d'un verger et d'un potager) ; l'écologiste prône la défense de l'environnement ; le complotiste prêt à utiliser les armes pour mettre en sécurité sa famille : « les FdO submergées ne pourront être partout ». Pour le sociologue Bertrand Vidal : « Ce sont des individus qui sont dans un imaginaire du futur très négatif. Ils ont un panorama de l’imaginaire du danger qui peut aller de l’accident de la route à la perte d’emploi, en passant par la grande catastrophe finale qu’est l’effondrement économique ou écologique ».
Un stage de survie ne saurait correspondre à un Preppers survivaliste. Celui-ci se tient prêt à rejoindre une base autonome durable (abri/refuge) approvisionnée en nourriture, graines et aménagée afin d'y vivre en autarcie un temps plus ou moins long : recueil des eaux pluviales, puits « artésien », panneaux et four solaires, toilettes sèches, éolienne, hydrolienne, produits d’hygiène, nécessaire à couture, trousse de secours adaptée à la région, aux activités et compétences : Aspivenin, embout Godel, agrafeuse cutanée (une vingtaine d'euros), objets pour le troc (DAB vides), poste-transistor (préférez les accus aux piles), une paire de Walkie-Talkie. Plus de Smarphone c'est ne plus pouvoir se concerter (un point de rdv a-t-il été prévu), ni de GPS, plus de boussole ni de cartes. Un survivaliste pur et dur est moins exigeant en ressources et a tendance à compter sur ses capacités pour vivre de ce que la nature lui offre et pallier les manques comme Robinson Crusoé.
Selon les collapsologues : « L'effondrement pourrait avoir une dimension économique et sociale (le productivisme générerait une crise sociale qui menacerait d’exploser), ou une dimension environnementale (la planète est en danger, et cela peut entraîner la disparition des espèces et d’éventuelles catastrophes naturelles) ». Selon Yves Cochet ancien ministre de l’Environnement : « La Terre va finir par se défendre et se venger. (...) Se réfugier dans un bunker, ça ne marchera pas. Il faut créer des ‘biotopes de guérison sociale, des écolieux, des écovillages. Il faudra vivre localement. S'entraider, ou s'entretuer ».
En temps de crise les zones rurales sont plus rassurantes que les zones urbaines : plus d’espace, plus de ressources et moins de population, mais l'isolement peut en inciter certains à des actes de délinquance. De nombreux ruraux sont irrités par la présence de « Franciliens » dans leur commune oubliant que leurs ancêtres l'ont quittée pour s'en aller vivre en ville... Un pis aller, la maison de famille aménagée. Autre possibilité, se tourner vers une entreprise qui propose une place dans un abri collectif (10.000 euros pour cinq années). Espérons que la dite société ne dépose pas le bilan et qu'elle soit accessible le jour « J » ! Il est plus judicieux d'acheter : une parcelle de terrain, une ruine, une grotte, une cave, un box en vue de le renforcer (consulter les manuels du génie) et de l'adapter en lieu de vie temporaire et aux menaces redoutées.
En France, on ne peut bâtir n'importe où ni s'installer à l'année où bon nous semble.
Les « zones U » sont des zones urbanisées avec des équipements publics et assainissement (permis de construire obligatoire). Un terrain constructible est viabilisé s'il est raccordéable à la voirie et aux réseaux d’eau potable, de gaz, d’électricité, de téléphone. Les « zones N », naturelles ou forestières, sont des zones protégées. Les zones AU sont en attente d'urbanisation communale. Les « pastilles » sont des zones non constructibles réservées aux habitations mobiles (démontables sans fondations) occupées au moins huit mois par an (soumis à déclaration). Un bâtiment mobile reposant sur des plots de fondation est considéré « habitation légère » (déclaration de travaux). Si la surface plancher totale est supérieure à 40 m², permis d’aménager nécessaire.
La loi ALUR prévoit des exceptions concernant l’installation sur un terrain non constructible d'habitats légers sans fondations (tente, roulotte, mobil home, Tiny House, camping-car, bateau à terre). Les terrains non constructibles sont ceux qui présentent des risques de sécurité, qui ne peuvent supporter la masse d’une construction, ni être viabilisé, il s'agit généralement de terrains agricoles ou naturels. Il faut être agriculteur pour y bâtir les constructions nécessaires à l’exploitation agricole (hangars, granges). La construction d’un bâtiment de moins de 20 m² sans chape ni fondations nécessite une autorisation de travaux en mairie. S'il s'agit du même bâtiment avec fondations et chape, il faut déposer une demande de permis de construire. Il est permis d’installer une tente sur le terrain inconstructible ainsi que la création à titre privé d'un potager.
Il est prudent de s'assurer que le terrain ne relève pas d'une Association Communale de Chasse Agrée (opposition de conscience ou cynégétique possible) et demander un Certificat d’urbanisme (CU) en mairie afin de connaître les obligations pesant sur le terrain inconstructible, une extension bâtie y est parfois possible... Le Code l'urbanisme permet la reconstruction, à l’identique, un bâtiment en ruine (cadastré) depuis moins de 10 ans, sauf dispositions contraires stipulées par le PLU.
La législation est complexe et évolutive. Une œuvre d'art inférieure à 12 mètres de hauteur et à 40 m3 de volume ne nécessite pas de permis de construire ! L'opportunité est parfois d'acquérir un terrain inconstructible au nom d'une association « historique » (loi 1901) dont le but déclaré est l'étude de la construction de l'habitat ancien... Sinon, un : van, fourgon, camping-car permet de rejoindre une zone sûre, d'y bivouaquer et d'en changer selon l'évolution de la situation. Il est judicieux d'acquérir deux petites parcelles qu'une grande. Le délai de stationnement écoulé, on part s'installer sur l'autre parcelle !
Pour le choix du site, il faut prendre en compte la nature des menaces, les délais d'alerte, les itinéraires afin de rejoindre un lieu sûr, et quel type d'abri allez-vous envisager : léger, mobile, en dur, sur pilotis, flottant : en sous-sol - en surface - enterré - semi-enterré - à l’intérieur d'une galerie, carrière, anfractuosité, au fond d'un repli de terrain ? Quel moyen d’accès : plein pieds, puits, escalier, échelle, rampe inclinée (personne handicapée, accés VL) ? Sa taille (nombre de personnes), confort nécessaire, durée d'occupation, nature de la menace et protection : panic room, effets thermiques, souffle, rayonnement, incendie, submersion, éolien, glissement terrain, corrosion, « parasismique » (élasticité avec pneus et/ou sacs de terre), EMP, climatiques, les raisons ne manquent pas.
Un abri est aussi solide que son enveloppe, pression des terres, eau de ruissellement, animaux fouisseurs. Certains survilistes d'enterrer une caravane, un tube en acier galvanisé (diamètre 3 m), un container maritime (33 m3, 2,5 tonnes, 2,500 euros avec la livraison, manipulable par chariot élévateur à fourches), construction d'un hobbit, le vantail tourné vers l'intérieur (risque de débris bloquant l'ouverture), une « bulle » végétalisée (200 euros/m2) et invisible à Google Earth... Certains craignant les « squatters » ou pillards, complètent leur refuge d'un camouflage. Le masquage a pour but de dissimuler le refuge en l'intégrant à l'arrière-plan (filet de camouflage, peinture, rideau de végétation réel ou artificielle). D'autres misent sur la déception, il s'agit d'attirer le regard de l'observateur sur un détail, pourquoi pas un trompe-l’œil. Les pièges à feu restent interdits !
Les survivalistes disposent d'un paquetage d'alerte contenant : documents d'identité, objets, vêtements, vivres, outils, quincaillerie, matériels plus ou moins hétéroclites selon la personnalité de leur possesseur. La discipline a créé de nouveaux marchés répondant à des besoins éloignés de l'esprit du survivalisme. Les « happy few » apprécient à être identifiés : port de marque (logo), modèle, couleur, outils multifonctions, bracelet en cordelette (besoin d'appartenance) comme si l'objet était la signature d'une expertise (besoin d'estime) au lieu de ne jamais attirer la convoitise et de se fondre dans l'anonymat.
Le paquetage sera-t-il à portée de main s'il faut précipitamment quitter le lieu de vie, de travail ou de loisir ? La catastrophe se précise, il faut récupérer les siens, emprunter un ou plusieurs moyens de déplacement : pédestre, deux roues, « métro ». voiture, aéronef, embarcation, train, traction animale ? Il faut agir avant la cohue. Des piétons chemineront-ils sur les autoroutes ou les voies ferrées pour rallier un point ? Faut-il privilégier un itinéraire multiple reconnu contournant les zones à risques et rester en mesure d'en changer à n'importe quel moment ? Peut-être qu'une halte dans une grande surface, un hôpital s'imposera. Un véhicule électrique ou au GPL n'offre pas la même autonomie qu'un véhicule essence, surtout si on dispose de jerrycans de réserve. Une panne est toujours possible (véhicule ancien plus facile de réparation). S'assurer de disposer de bombes « anti-crevaison », de chaînes, d'eau, de couvertures. En cas d'immobilisation fortuite, comment poursuivre le chemin ?
Le phénomène survivaliste inquiète les autorités. Le 24 février 2020, la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté annonçait avoir confié à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires : « une mission en lien avec les services de police et de gendarmerie sur les nouvelles tendances sectaires. Parmi ces dernières, la survivologie, caractérisée, selon la Miviludes, par la recherche d’une autonomie personnelle et familiale – voire une autarcie, par le droit à l’autodéfense et la théorie de l’effondrement de la civilisation ».
Les lecteurs désireux de poursuivre leur lecture pourront consulter les articles : Comment aménager une cache en pleine nature - Catastrophes naturelles & risques majeurs - L'essor de l'alimentation industrielle - Braconnage : une pratique traditionnelle de chasse.
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