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Accueil du site > Tribune Libre > Le Tata de Chasselay : Hommage aux tirailleurs sénégalais

Le Tata de Chasselay : Hommage aux tirailleurs sénégalais

Le blog de Pierre Thivolet

Le 20 décembre dernier, François Hollande a profité de la visite du Président sénégalais Macky Sall, pour annoncer que l’accession de leurs descendants à la nationalité française serait « facilitée ». Une mesure passée un peu inaperçue, éclipsée par l’attentat de Berlin. Cette décision n’est que justice. Mais une justice bien timide et tardive. D’ailleurs, il avait fallu attendre Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy en 2010 pour que les pensions versées aux anciens combattants africains soient mises à égalité avec celles des français. Pendant plus de 60 ans le prix du sang versé pour la France avait été de 5 à 10 fois moins important selon qu’on soit bourguignon, sénégalais ou algérien. Visite du "tata" sénégalais à Chasselay près de Lyon, la seule nécropole nationale qui rend hommage aux sacrifices des tirailleurs sénégalais morts pour la France.

C’est un endroit paisible où les collines du Beaujolais viennent mourir sur la plaine de la Saône, où les vignes cèdent la place aux cerisiers et aux poiriers, aux portes de Lyon, une terre de beaux fruits et de bien manger. Chasselay.
 
A la sortie du village, un panneau : Tata sénégalais, nécropole nationale. Et l’on arrive à des bâtiments de pisé rouge, qui, au milieu des champs de maïs, rappellent les constructions traditionnelles en terre que l’on trouve au Mali ou au Sénégal. C’est un cimetière. Si l’on pousse la grille, des rangées de tombes, en terre rouge, très simples, 194 exactement. Et si l’on se met à lire les inscriptions, beaucoup commencent par "inconnu" "sergent", d’autres par « Né à Thiès » ou « né à Kaolack »,ou « né à Saint-Louis ». Toutes se terminent par « Mort pour la France ».
 
C’est une page de notre Histoire, un peu oubliée, un peu chahutée aujourd’hui, que l’on (re)découvre. Celle du massacre des tirailleurs sénégalais lors de la défaite de juin 1940. Sur 65 000 tirailleurs engagés au combat entre mai et juin 1940, 29 000 ont été tués. Et à Chasselay, massacrés.
 
Le 19 juin 1940, alors que l’armée française est en déroute, alors que plus au sud, Lyon est déclarée ville ouverte, c’est-à-dire que l’on renonce à la défendre, la 3ème compagnie du 25 ème régiment de tirailleurs sénégalais se trouve à Chasselay. Elle n’a pas reçu l’ordre de retraite et les officiers vont donner l’ordre de résister à l’avance des troupes allemandes dont la tristement célèbre division SS « Totenkopf » « Tête de mort ». Les tirailleurs, qui n’ont aucune expérience de combat, résistent deux jours, jusqu’à n’avoir plus de munitions. Lorsqu’ils sont faits prisonniers, ils sont immédiatement séparés des soldats « blancs » et exécutés dans un champ, balles dans le dos ou écrasés par les chenilles des panzers. 2 officiers accusés d’avoir dirigé des « nègres » sont également exécutés. Pour les nazis, les noirs des troupes françaises, c’était le comble de la décadence.
 
A partir de 1942, avant l’occupation de la zone libre, est édifié un cimetière où sont inhumés les corps de 194 tirailleurs, de plusieurs nationalités, ainsi que de 2 légionnaires. Ceux qui commandaient le régiment et qui avaient voulu s’opposer au massacre. De la terre venue d’Afrique fut répandue sur les tombes.
 
Il a fallu attendre 1966 pour que ce tata - en wolof, c’est un mot qui signifie « fortin »« enceinte de terre sacrée » - soit reconnu « nécropole nationale ».
 
Dans la paix de cette campagne, il faut parcourir ce cimetière un peu oublié, lire tous ces noms, ces parcours de vies, fauchées au sortir de l‘adolescence, venues d’Afrique et tombées pour la France, notre pays qu’ils ne connaissait même pas, morts alors qu’au même moment tant de français préféraient la collaboration avec les nazis.
 
Le 20 décembre dernier, François Hollande a profité de la visite du Président sénégalais Macky Sall, pour annoncer que l’accession de leurs descendants à la nationalité française serait « facilitée ». Une mesure passée un peu inaperçue, éclipsée par l’attentat de Berlin. Cette décision n’est que justice. Mais une justice bien timide et tardive. D’ailleurs, il avait fallu attendre Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy en 2010 pour que les pensions versées aux anciens combattants africains soient mises à égalité avec celles des français. Pendant plus de 60 ans le prix du sang versé pour la France avait été de 5 à 10 fois moins important selon qu’on soit bourguignon, sénégalais ou algérien.

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8 réactions à cet article    


  • fred.foyn 28 décembre 2016 09:07

    Sauf que ces pauvres « blacks » ont été enrôlés de force en Afrique colonisée par la mafia-Française..vous savez les « vendus-collabos » des nazis..de bons français en somme !


    • Fergus Fergus 28 décembre 2016 12:46

      Bonjour, Pierre

      Excellente idée de consacrer un article au Tata de Chasselay. J’avais moi-même consacré en novembre 2009 un article (Les héros musulmans de Chasselay) aux redoutables combats dans lequel avaient été engagés les tirailleurs inhumés là. En réalité, un véritable casse-pipe pour ces Sénégalais « morts pour la France ».



      • juluch juluch 28 décembre 2016 13:46

        Honneurs aux Anciens Issus des Colonies, merci pour leur sacrifice.


        • Osis Osis 29 décembre 2016 06:34

          @juluch

          « Honneurs aux Anciens Issus des Colonies, merci pour leur sacrifice. »

          Esclavage, assassinats, massacres ou sacrifice ?

           

           


        • JP94 28 décembre 2016 23:32

          Que d’hypocrisie dans cette « reconnaissance », au moment où la politique des visas s’est durcie, où l’on réprime les étrangers dans leurs droits, avec des dizaines de milliers de renvois « à la frontière » dans des avions, de force, quitte à en faire mourir, y compris des enfants qu’on « vieillit » avec des tests bidons, avec des centres de rétention, prisons pour des gens qui n’ont volé ni tué quiconque !


          Et la politique néocolonialiste va toujours bon train.

          Les combattants à qui on avait promis pour l’après-guerre de 14 la nationalité et qui se sont fait tués ou réprimés (comme à Madagascar) simplement pour exiger le respect des engagements de la République française envers la chair à canon ... 
          Lire aussi la Mise à Mort, d’Aragon où , jeune médecin auxiliaire il décrit comment furent traités les peuples colonisés pris comme soldats.

          Tout ceci semble une mesure qui ne coûtera rien mais à visée électoraliste. Du reste il suffit de voir les remerciements des survivants envers la puissance toujours prompte à user du canon urbi et orbi.
          Et le prix de la spoliation des biens et des vies, de la situation de dépendance organisée, de l’élimination des dirigeants révolutionnaires africains, le prix de la torture, ce prix, ce gouvernement est-il prêt à la payer ? 
          Toux ceux qui connaissent un peu d’histoire coloniale ne le croiront pas une seconde.

          • titi titi 29 décembre 2016 00:56

            @JP94

            « Les combattants à qui on avait promis pour l’après-guerre de 14 la nationalité »

            S’agissant du Sénégal, la promesse a été tenue.
            La nationalité française a été accordée aux habitants de Gorée et St Louis dès 1792. Rufisque 1880. Dakar 1887.
            Il y avait des députés à l’assemblée.

            C’est d’ailleurs à ce titre que le tirailleurs ont été mobilisés : citoyens Français, soumis aux obligations militaires.


          • Sergio Sergio57 29 décembre 2016 01:00

            Je connais deux frères d’origine algérienne, nés en France, et qui ne se parlent plus depuis des années. L’un me dit que son père était un fellaga, l’autre me dit qu’il était un harki, moralité : Que de casseroles à tirer pour un manque de reconnaissance.


            • titi titi 29 décembre 2016 13:37

              @Sergio57

              C’est pas incompatible.

              Tous les maquis indépendantistes n’étaient pas FLN.
              Et à l’intérieur du FLN il y avait plusieurs courants politiques.

              Lorsque le FLN a commencé les purges externes et internes, il y a eu pas mal de défections : les fellagas sont devenus Harkis.

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