Le Téléthon est la seconde fête religieuse française après Noël

Le 23ème Téléthon commence ce soir. Que dire de plus sur cette manifestation controversée, séparant une majorité de pour et une minorité de contre, tous anonymes, parfois présents sur la Toile. Mais cette année, un certain Pierre Bergé a ouvertement lancé les hostilités en critiquant l’usage des fonds recueillis tout en déplorant un abus de pouvoir sur la conscience généreuse des donateurs, notamment avec l’appui du show télévisé organisé, ce Barnum sanitaire affichant quelques spécimens en fauteuil roulant. Oui, et après ? En vérité, ce qu’a déclaré Bergé est pensé tous bas par plus de gens qu’on ne l’imagine, surtout les personnels travaillant dans les systèmes de santé et la recherche. Tout ce qu’a dénoncé l’ex PDG de Saint-Laurent et ancien compagnon de route de Mitterrand est connu mais comme il n’y a pas d’entorse à la loi, alors, on laisse faire et les abus sont mis dans le bilan pertes et profits. Que le Téléthon ait investi dans l’immobilier pour financer des recherches futures ne constitue pas un délit. Pas plus que le financement privilégié de certaines équipes travaillant au Généthon à Evry. L’AFM est devenue une sorte d’industrie de la recherche, comme peut l’être l’INSERM, le CNRS ou l’Institut Pasteur. Toutes ces institutions disposent d’une feuille de route discutée par des commissions où siègent des experts, des scientifiques et des membres du gouvernement. La politique de recherche française est tout aussi discutable que celle menée par l’AFM. Le coup de gueule de Pierre Bergé s’inscrit dans l’époque de la colère des élites où nous voyons régulièrement quelques éclats comme celui de Benoît Hamon à l’encontre du pôle emploi. C’est le lot d’une société qui de plus en plus, manque de moyens, part à la dérive et se prête au soupçon, suscitant la légitime colère de ceux qui se sentent floués, trahis. On peut comprendre que le Téléthon en agace quelques-uns et notamment ces bénévoles d’associations conviées à s’associer à la quête en livrant sur le plateau quelques malades pour ensuite récupérer quelques euros, pas plus.
Le Téléthon, c’est comme le Grippathon, les Français donnent, ou se font vacciner, en accordant une bonne confiance aux experts préconisant la nécessité de le faire. Dans un cas, pour se protéger d’un virus qui… mais qui pourrait être mortel si… Dans l’autre cas, c’est pour financer la recherche et l’aide aux malades que la loterie des gènes n’a pas spécialement gâtés en leur léguant des pathologies rares et handicapantes. C’est comme ça, la vie est injuste. Les uns ont un gène qui ne synthétise pas la protéine musculaire dans sa configuration de fonctionnement, les autres, par exemple Jean, ont un nom qui leur permet de rayer une voiture avec un scooter et de ne pas être inquiété, puis de prétendre diriger un grand établissement public. Alors, les Français, peuple dont la nation fut qualifiée de fille aînée de l’Eglise catholique, y vont de la fibre égalitariste républicaine, branche laïque issue de la sécularisation du religieux. Et le Téléthon devient la plus grande manifestation religieuse après la messe de minuit le soir de Noël et loin devant la fête de la vierge à Lourdes. Lors de ce long week end d’agapes festives, d’exploits sportifs, de collectes municipales et autres manifestations parfois culinaires mettant en scène une omelette géante ou une saucisse longue comme l’ennui, ce sont quelques millions de Français qui vont se manifester et pour donner, c’est plus simple que la quête après la messe où il faut chercher ses piécettes dans la pénombre de l’église. Un numéro de téléphone et c’est fait. Le croyant dans l’égalité républicaine et la recherche scientifique peut aller dormir tranquille.
La messe de minuit, cela fait des siècles que ça dure, comme la fête de la résurrection à Pâques. Que les mécréants se calment. Le Téléthon n’en est qu’à sa 23ème édition. Dans un siècle, il sera encore là. Comme du reste la grippe qui aura certainement muté. Si le Téléthon n’existait pas, Auguste Comte l’aurait sans doute inventé pour servir la religion de l’humanité qu’il avait, en génie incompris de son temps, anticipé. Quant à Ellul, il y aurait certainement vu un signe de la présence du religieux qu’on croyait disparu avec les Trente Glorieuses, la technique et Johnny chantant que Jésus-Christ est un hippy.
Et la science dans tout ça ? Rien de neuf. Quelques chercheurs tenteront de nous persuader qu’ils ont trouvé, qu’il faut espérer. C’est normal. L’Eglise entretient la foi avec ses saints dont la canonisation est strictement encadrée et accordée moyennant au moins trois miracles constatés. Ce soir, sur le plateau télévision, nous verrons se produire les quelques « saintifiques » pouvant se prévaloir d’un miracle constaté dans l’éprouvette par la communauté, pardon, je voulais dire une découverte effectuée !
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