Le temps de la Résistance
Voici donc la grande déflagration politique du pays. Derrière nous, un système politique à bout de souffle, devant nous l’inconnu total. Nous voilà dans la situation redoutée d’un fascisme renouvelé opposé au fascisme ultra-libéral, qui a permis à Trump de l’emporter. L’espoir demeure pourtant dans une nouvelle donne à gauche. Avec nous souffle l’Histoire, et l’honneur de résister à la facilité.
La voilà, la grande destruction politique tant attendue. Une explosion totale des repères politiques qui sont les nôtres depuis l’avènement de la cinquième République, et qui ressemble à plusieurs points de vue à un mois de juin 1940. Destruction totale de tous les repères, Berezina des partis de gouvernements à faire face à une situation exceptionnelle, tant du point de vue économique, que géopolitique. L’heure est noire. La patrie est au bord de l’implosion à plus ou moins long terme.
D’un côté, le parti dynastique de Le Pen, qui sous des oripeaux de gauche a prétendu faire siennes les douleurs d’un peuple martyrisé par le chômage, la pauvreté et l’exclusion. L’odieuse Marine le Pen prétend être le fer de lance d’une France fière d’elle-même. Naviguant dans les eaux troubles de la déchéance sociale, de la peur irrationnelle d’un étranger absent ou lointain et d’une nostalgie de la grandeur masquant l’horreur absolu de la vie ouvrière, elle tend à ratisser large chez les plus pauvres. Quand Madame Le Pen a-t-elle proposé des solutions concrètes pour remplir à nouveau ces villes et villages fantômes des zones rurales et périurbaines ? Quand a-t-elle eu un mot profondément désintéressé vis-à-vis des pauvres diables qui dorment dans les rues, quand les mairies FN interdisent l’exercice des associations d’aide aux personnes dans le besoin ? Quand a-t-elle eu une solution concrète face à la catastrophe totale environnementale qui vient, elle qui trouve que les éoliennes sont une horreur mais trouve les centrales nucléaires vieillissantes merveilleuses ? Quand enfin, a-t-elle été à la hauteur de la Patrie et de ses valeurs, quand, incapable de s’élever au-dessus de l’Histoire, elle a osé dire que la rafle du Veld ’hiv n’était en rien la responsabilité de la France. L’honneur d’une grande nation est de regarder son histoire droit dans les yeux, et de dire ce qui fut beau et de dire ce qui fut sombre, sans trembler de repentance mais ferme sur ce que nous sommes, la France des Lumières. Sans cette grandeur dans l’exercice du pouvoir, Marine le Pen est incapable de saisir toute la mesure du rôle qui serait le sien dans la conduite du monde de demain. Diriger la France, ce n’est pas discourir devant la statue de Jeanne d’Arc brandissant une épée. Diriger la France, c’est aussi ployer l’échine devant le poids des 10 millions de morts de la première guerre mondiale. C’est entendre le hurlement continu des millions de poilus terrifiés et enterrés vivants dans la plaine de Verdun. C’est ressentir l’effroi devant les millions de noms de la Shoah. C’est voir au bord de la nausée les cadavres des algériens jetés à la Seine. C’est enfin comprendre qu’en France, on est toujours capable de se lever pour enterrer les rois. C’est regarder la Terreur en face, et dire ses abus. C’est regarder la colonisation en face et dire que c’est un crime contre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et que non, tous les français n’étaient pas des criminels. C’est dire que la France officielle a déporté 70 000 juifs au fossoyeur du pays, mais que la France anonyme en a sauvé 300 000. C’est là la marque des grands, et Marine Le Pen est si petite par rapport à ce qu’est la France.
En face nous avons le prototype même de l’arriviste. Le fossoyeur de la conscience politique et de l’intellectualisme à la française. Celui qui pense qu’il n’y a pas d’histoire, qu’il n’y a pas de culture, qu’il n’y a que des travailleurs et des entrepreneurs. C’est le meurtrier de l’imaginaire, le destructeur de rêves. Un masque placide posé sur la mort elle-même. Emmanuel Macron est la personnification de ces rouages qui prennent et dévorent Charlie Chaplin dans Les Temps Modernes. Plus de nations, plus d’êtres humains, plus de guerres, plus de travailleurs, plus d’arts, plus de littératures, nous sommes des variables d’ajustements dans la Nation Start-up de ses rêves. Des équations statistiques dans un monde de calculs, où le libre arbitre n’existe pas car il nie jusqu’à la notion même de revendications humaines. Le sourire de façade n’est qu’un investissement froid pour donner face humaine à une machine de rouages, rendre l’inhumain rassurant par son apparence humaine. Le terme de cette politique inhumaine est le retour de l’humain de la manière la plus violente possible. En niant l’appartenance à une nation, on favorise le retour de l’imaginaire nationaliste et racial. En niant l’existence même de la violence sociale, on favorise la violence communautaire ou ethnique. En niant l’existence de valeurs humaines, on favorise le retour aux obscurantismes les plus absconds. La guerre est portée par ces deux horreurs que sont l’ultra libéralisme, et le nationalisme. L’un vous dira qu’il suffit de 100 000 morts supplémentaires dans nos rangs pour obtenir la victoire, l’autre vous dira de punir par 100 000 morts supplémentaires les rangs d’en face, peu importe l’ennemi.
Deux fascismes. L’un en apparence doux, souriant, qui considère que 500 morts par an n’est qu’un maigre tribut à la flexibilité au travail. Qui considère qu’à 67 ans, on peut bien continuer à faire des efforts pour la chose machin « Patrie » Start-up. L’autre fascisme qui prend les attraits carnassiers de la revanche des victimes du premier fascisme à l’encontre du reste de la communauté humaine. Peu importe que le coupable soit le patron ou le banquier, dans leur tour d’ivoire, ils sont imprenables. Ce n’est pas le cas du manant payé 500 euros de moins mais qui lui n’a pas ses papiers.
Nous voilà dans une situation inédite. Tous les tenants de la ligne libérale inhumaine sont derrière Macron. Marine le Pen n’a qu’une chance de passer, c’est le désespoir absolu de tout le peuple de gauche, qui se reporterait sur elle, dans l’espoir vain d’anéantir le système. Faire table rase, en espérant que d’une élection de Marine le Pen sorte un pays ingouvernable, en état de quasi insurrection et pourquoi pas révolutionnaire. Un mouvement de masse est à l’œuvre chez le peuple de gauche. Ils veulent faire caler ce système en y jetant leurs propres sabots, désespérés qu’un jour la vie change vraiment. Le déluge salvateur, l’apocalypse politique pour qu’enfin la rue se réveille et fasse cette révolution inaboutie depuis deux siècles. Un sabordage électoral, pour que la cinquième coule, et qu’en émerge quelque chose de différent, en espérant que ce quelque chose soit meilleur…
C’est là, que la mémoire politique est importante. La politique du pire a toujours conduit la gauche aux portes des enfers. L’ennemi, est le capitalisme. Il a comme engeance le nationalisme le plus arriéré. Nous nous focalisons trop sur notre ennemi, cela a toujours été quand on est à gauche. Considérons nos amis, et nos forces qui résident dans les liens qui nous unissent, dans les repères historiques qui sont les nôtres. Nous n’avons qu’un seul ami politique et cet ami, c’est le peuple. C’est à lui que nous devons parler, c’est à lui que nous devons nous comparer en puisant en lui et en nous les programmes politiques les plus appropriés, en suscitant ce qui a depuis trop longtemps déserté le cœur des masses populaires, l’espoir. 9 millions de voix !! C’est le poids de notre espoir au lendemain de cette défaite. 9 millions de gens qui veulent vivre mieux et avec tout le monde. Pour la première fois depuis des années nous avons fait reculer le Front National dans les classes populaires et dans la jeunesse ! C’est une victoire invraisemblablement trop importante pour que nous nous focalisions sur nos ennemis. Nous avons suscité pour la première fois depuis des décennies un espoir fou et encore flou d’un autre demain. Nous devons garder cet espoir et puiser dans notre histoire politique les références les plus belles et les plus lumineuses. Nous n’en avons que trop pour nous complaire dans le pessimisme le plus noir qui nous pousserait à nous suicider pour éradiquer la grippe. Nous sommes le vaccin ! Nous avons Jaurès, Blum, Vallès, Louise Michèle ! Aujourd’hui nous avons la France Insoumise, des jeunes et dynamiques you tubers qui prennent possession des internets pour diffuser autre chose que des images de bombardements.
Laissons-les donc décider de qui sera le plus affreux, nous, nous devons nous occuper, comme des brancardiers généreux, de ceux qu’ils laisseront sur le côté, de ceux qui seront brisés par le travail, rejetés pour leur religion. Panser leurs plaies, leur parler de demain, de jours meilleurs qui inévitablement viendront car comble de joie nous n’en avons plus le choix. Nous sommes condamnés à être heureux ensemble, ou à disparaître chacun de notre côté. Il y a tant de motifs d’espérances dans ce vote. Comment regarder droit dans les yeux ceux, qui aux heures les plus noires de l’Occupation nazie, ont trouvé la force de résister et d’entrevoir l’aube là où il n’y avait que ténèbres. Si nous sommes leurs héritiers, et je le crois, nous trouverons la force des Jaurès pour dire non à la guerre, l’abnégation des Jean Moulin, pour dire non à la Nuit, et la joie de l’Enfant de Vallès pour aller le chercher, enfin, le beau Temps des Cerises.
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