Le « Tigre » ne veut pas mourir
Une « première mondiale » en matière de dépollution de navires se transforme en « fiasco » médiatique sur la scène mondiale. Un comble, pour la dépouille d’un navire de mer de l’Etat, qu’il a représenté sur toutes les mers pendant plus de 35 années.
En effet, à la suite d’une mise en cause sur la scène mondiale, l’Etat français a dû changer ses plans pour le démantèlement de la coque de l’ex-Clémenceau.
C’est une situation paradoxale dans laquelle l’Etat, accusé à tort sur la scène médiatique et sur le tapis vert d’avoir traité à la légère la dépollution de ce navire, a été contraint de reculer. Dans le même temps, les spécialistes mondiaux du démantèlement des navires de mer de grande taille indiquent unanimement que cette dépollution a été engagée d’une manière exemplaire, et qu’elle constitue, à ce titre, un tournant dans le démantèlement des navires. Il faut en effet savoir que 700 à 1200 navires de mer sont actuellement démantelés chaque année - principalement en Inde, au Bangladesh, en Turquie - sans la moindre mesure de précaution pour les matériaux toxiques présents à bord.
L’histoire de cette mésaventure constituera sans doute un cas d’école pour des générations d’étudiants dans les écoles de commerce et de communication.
Le porte-avions Clémenceau, qui a effectué sa dernière sortie à la mer en 1997, a été décommissionné le 16 septembre 2002. Sa coque baptisée Q790 est, depuis cette date, sous la responsabilité du service des domaines, c’est-à -dire du ministère des Finances. Si l’on n’a pas beaucoup entendu les "épiciers de Bercy", dans leur rôle parfois ingrat de comptable des deniers publics, s’exprimer sur le sort de cette coque, la marine de l’Etat - et les marins d’Etat dont je fais partie - n’ont pas "abandonné" la "dépouille" de ce navire majeur. Elle est actuellement la victime symbolique d’un conflit entre l’Etat et ses détracteurs sur deux dossiers sensibles amalgamés pour l’occasion : celui du nucléaire et de ses déchets, et celui de l’emploi de l’amiante longtemps après que sa nocivité a été montrée.
Les opérations spectaculaires organisées par Greenpeace en liaison avec les associations de défense des victimes de l’amiante ont, semble-t-il, eu raison de la bonne volonté "technique" de l’Etat français, qui n’ a pas fait le poids dans la confrontation directe sur le terrain médiatique - et sur le plan judiciaire à en juger par les premiers résultats connus. Cette situation était sans doute prévisible quand on connaît le lourd et long contentieux entre l’Etat français et ses détracteurs :
- en matière "nucléaire" : expérimentations dans le Pacifique, transport et retraitement de déchets, rejets d’effluents en mer, Rainbow Warrior...
- en matière d’amiante : reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, décontamination des sites pollués, indemnisation des victimes...
En attendant, la coque de l’ex-Clémenceau fait en sens inverse le trajet qu’elle a accompli en 1968 avec le groupe "Alpha" de Brest à Tahiti en passant par le Cap de Bonne Espérance, pour participer à la campagne de tirs aériens qui a vu la France expérimenter sa première arme thermonucléaire...
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