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Accueil du site > Tribune Libre > Le travail est-il vraiment un droit ?

Le travail est-il vraiment un droit ?

En France comme partout ailleurs, des entreprises ferment qui employaient beaucoup de main d’œuvre et de nouvelles industries naissent qui en emploient très peu. La travail s’automatise de plus en plus. Est-ce une société de chômage qui se met en place ? Ou une société qui libère du temps pour vivre ?

Il y a plus de cent cinquante ans, les premiers économistes anglais annonçaient la venue d’un âge d’or où la machine libèrerait des hommes. Aujourd’hui nous percevons ces promesses plutôt comme des menaces : au lieu d’être libérés du travail, nous craignons d’en être privés. La soudure et la peinture des carrosseries de voiture, sont assurées par des robots qui fait le travail de deux équipes d’ouvriers. Des usines sans ouvriers fabriquent des machines-outils de précision. Des dessinateurs eux-mêmes sont progressivement remplacés par des machines à dessiner capable de faire le travail d’une trentaine de techniciens qualifiés.

En gestation depuis la deuxième guerre mondiale, la troisième révolution industrielle est bien là. Elle promet - ou menace, selon le point de vue qu’on adopte, de révolutionner notre relation avec le travail. Elle rompt le lien entre croissance de la production et croissance de l’emploi. Elle met à mal la politique qui prétend que la relance de l’investissement réduira le chômage. Dans un monde où de plus en plus d’entreprises sont informatisées la politique du "plein emploi" est une utopie. La question qui se pose maintenant est : la troisième révolution industrielle va-t-elle conduire à la société du chômage ou à la société du temps libre ? Conduira-t-elle à un nouvel âge d’or où nous travaillerons de moins en moins tout en disposant d’une masse croissante de richesses ? Sera-t-il possible de travailler moins pour gagner plus ?

Pour l’instant c’est le contraire qui se pratique : on ne travail plus pour produire mais on produit pour travailler. Nous sommes en train de détruire des forêts et des ressources naturelles tout en polluant la planète de plus en plus avec comme but principale de créer du travail. Cette logique ne peut mener qu’à la catastrophe. Il devrait être possible de réaliser la promesse de la deuxième révolution industrielle, notamment de différencier le lien trop direct entre travail et revenu, et de réviser l’éthique selon laquelle le sens de la vie se trouve dans le travail. Au moment où l’automatisation permet de produire d’avantage en un moindre nombre d’heures, le besoin de productions croissantes s’épuise : l’utilité de la croissance devient douteuse, même, sur le plan écologique, néfaste, tant les niveaux de production actuellement atteints comportent déjà de gaspillages. La production a déjà dépassé le niveau où elle était socialement utile et économiquement efficace, et la plupart des industries produit plus tout en réduisant leur personnel. Ils visent même précisément ce but : économiser de la main d’œuvre.

Une majorité de jeunes attend à faire l’expérience du chômage. La moitié des diplômés supérieurs restent en chômage un an ou plus après la fin de leurs études. Par la désaffection qu’il provoque à l’égard d’une vie de travail de plus en plus précaire et vide de sens, le chômage, finalement, devient un danger pour l’ordre établi. On voit alors les partisans de cet ordre réclamer "la création d’emplois" comme une fin en elle-même, indépendamment des buts que ces emplois servent : qu’il s’agisse d’armes de guerre, d’équipements de grande luxe, ou de gadgets jetables, tout est bon pourvu que cela "crée du travail".

Et si chacun avait non pas plus d’argent mais plus de temps libre pour mieux prendre en charge sa propre vie ? Nous ferions moins de travail qui nous indiffère ou nous pèse et plus de travail qui nous mobilise, nous exprime, nous épanouit. Moins de travail anonyme qu’on exécute automatiquement pour gagner un salaire et plus de travail dans lequel on donne le meilleur de soi pour obtenir un résultat auquel on tient. Il ne s’agit pas de supprimer le premier au profit du second, mais seulement de le réduire à une fraction de notre temps. Il ne s’agit pas de "déshonorer " le travail mais de distinguer le travail obligatoire auquel nous condamne la lutte pour la vie, et le travail volontaire, qui consiste à travailler à ce qui plaît. Economiquement, cela serait possible, mais la question est de savoir comment le possible peut devenir réalité. C’est la transition, non pas le but en lui-même qui pose des problèmes.

Il faudrait introduire l’égalisation des revenus ; la garantie à tout citoyen d’un minimum vital indépendamment de tout emploi ; la refonte complète du système éducatif, dans le sens non pas de diplômés-chômeurs mais d’individus autonomes capables d’un large éventail d’activités, et le développement d’un secteur d’autoproduction dans des ateliers communaux, des coopératives de quartier, des réseaux d’entraide

Toutes ces questions, cependant, ne vont pas encore au cœur du problème : pourquoi travailler ? Travailler, est-ce un besoin ? Ou un moyen seulement de gagner sa vie ? Ou une manière de s’insérer dans la société, d’échapper l’isolement et au sentiment d’inutilité ? Mais supposons que nous puissions vivre sans travailler : que choisirions nous - de travailler tout de même ou de gérer tout autrement nos occupations et notre temps ? Travail-sacrifice ; travail-drogue ; travail-justification ; travail-souffrance ; travail-ennuie - Depuis des millénaires, il est écrit que "tu gagneras ton pain à la sueur de ton front". Serait-il impie de remettre en question cette nécessité ?

Une grande majorité de jeunes abordent la vie active en aspirant à un travail "intéressant" dans lequel ils puissent investir le plus clair de leur énergie. L’argent n’est pas l’essentiel. Mais progressivement, à force d’être déçue, cet aspiration s’éteint. Le travail tend à devenir un gagne-pain. L’idée même que le travail pourrait être gratifiant s’estompe. Ils commencent à penser que devoir travailler empêche de vivre. Ils se demandent si il ne serait pas possible de réconcilier le travail et la vie. L’automatisation et la technologie n’en pourraient-elles être les moyens ? Au-delà de la société du chômage, ne permettent-elles pas d’imaginer une société différente, où, le travail étant mieux partagé, tous auraient plus de temps libre ?

Nous sommes des témoins d’un double phénomène, à première vue contradictoire : d’une part une inquiétude généralisée, chez les jeunes, de ne pas trouver d’emploi et de devenir des chômeurs, et, d’autre part, dans la même classe d’âge, une désaffection croissante envers le travail et les valeurs qu’il est censé véhiculer. Voilà un système, le système capitaliste, ébranlé par la crise qu’il connait, qui se révèle incapable d’alléger la charge, parfois insupportable, de ceux qui ont du travail, pour en donner un peu à ceux qui en manquent. Voilà une industrie qui, sous prétexte de transformer la nature, est en train de la détruire. Voilà même des syndicats, qui se sont donné pour tâche d’abolir la servitude du salariat, et qui se trouvent amenés à réclamer des emplois dont l’utilité sociale est pour le moins contestable.

Le partage du travail est devenu un problème si obsèdant qu’il empêche de s’attaquer à celui du partage du capital. En somme le travail est malade. Il traverse une crise dont les aspects sont multiples : économique (le chômage) ; écologique ( la destruction des ressources naturelles) ; et culturelle (la perte de sens). On ne trouvera plus le plein emploi par la fuite en avant dans le productivisme, mais par la redéfinition du travail, incluant d’autres critères que ceux qu’utilise le système capitaliste. 

 

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16 réactions à cet article    


  • Kalki Kalki 26 novembre 2009 11:25

    Est ce à dire que l’on est mieux payé, et que l’on a plus de chance de trouver travail, en tant que machine.

    Le travail c’est en train de devenir un luxe réservé aux personnes qui sont pas prêts d’avoir le RMI.


    • Kalki Kalki 26 novembre 2009 11:26

      Pour changer de système de travail, change de système économique. Point.

      http://fr.ekopedia.org/%C3%89conomie_alternative


      • LE CHAT LE CHAT 26 novembre 2009 12:06

        c’est bien le problème , seuls les détenteurs des machines profitent du système et s’enrichissent de plus en plus , ceux qui se servent des machines doivent fournir de plus en plus sans être augmentés au niveau du salaire , quand aux emplois supprimés , ils n’ont que les yeux pour pleurer .

        le progrès technique ne peut apporter un bohneur que si les gains sont répartis entre tous , c’est évident !


        • plancherDesVaches 26 novembre 2009 14:16

          Compétion, mes amis, compétition....

          En attendant, la concentration de richesse ayant dépassé de loin celle qui a provoqué 1929, bonne crise à tous.

          A quand une remise à plat qui permettra un juste milieu entre le communisme et son opposé extrème : le liberalisme... ???

          Maintenant, pour ce qui est de la pénibilité du travail, je crois penser deviner qu’il serait envisable de considérer qu’il n’est pas impossible qu’il y ait eu une ébauche de projet qui consisterait à voir que les conditions de travail se sont beaucoup améliorées depuis ... une 50 taine d’années dans les pays développés.

          Et que ceux qui en chient sont en train de devenir les plus riches du monde...(made in China)(ou RPC, au choix smiley )


          • fredleborgne fredleborgne 26 novembre 2009 18:26

            Article très intéressant, et en avance sur son temps. Il y a trop d’esclaves du travail aujourd’hui qui ont peur d’être affranchis.


            • plancherDesVaches 26 novembre 2009 19:49

              Il aurait fallu que vous travaillez un jour pour savoir ce que c’est.

              En effet, il n’y a pas seulement la réalisation de soi en produisant une oeuvre que l’on aurait pas produire seul, mais il y a aussi ce qui soude une équipe, la rend plus efficace, lui permet de vaincre tous les obstacles car chacun peut apporter sa contribution dans le projet qui tient chaque élément dans cette énergie que vous ne retrouvez jamais ailleurs.

              Essayez de travailler, vous verrez.


            • ObjectifObjectif 26 novembre 2009 22:33

              Souvent les mots ont un double sens...

              On peut distinguer :
              - l’activité faite avec plaisir, et réaliser une activité en groupe peut apporter un grand plaisir ;
              - l’activité que l’on est obligé de faire, le plus souvent pour gagner de l’argent, qui est devenu une sorte d’esclavage, surtout quand l’argent gagné ne couvre même plus les frais de vie.

              Pour comprendre le rôle de l’argent, il faut devenir conscient que le système actuel est basé sur les dettes et les intérêts : l’argent n’existe que par la dette, et l’intérêt, étant exponentiel par nature, permet aux banques de récupérer la totalité de l’argent ainsi créé, de manière lente mais inexorable : 20ans à 5% récupère 100% du capital...

              Dès qu’on accepte l’idée de travailler pour de l’argent, et qu’on accepte en parallèle le principe du prêt avec intérêt, on aboutit INEXORABLEMENT à l’esclavage « soft » par l’argent.

              Et on assiste alors au scénario de la grenouille dans l’eau tiède, qui chauffe à 5% par an...


            • kalon kalon 26 novembre 2009 18:38

              Le fait de devoir travailler pour vivre nous empéche d’avoir le temps pour devenir riche.
              Il serait intérressant de connaitre la proportion de gens qui sont devenu riches grace à leur travail par rapport à ceux qui le sont devenu car ils ne devaient pas travailler.


              • plancherDesVaches 26 novembre 2009 19:58

                Cela est connu.

                Il s’agit d’une étude qui montre qu’au plus une société accorde de l’importance à l’éducation de l’ensemble de sa jeunesse, au plus cette société peut naturellement progresser.
                Lapalissade peut-être, mais les US sont le pays où les enfants progressent le moins et où les chercheurs étrangers sont payés le plus.

                Saint green card, priez pour eux.


              • Frabri 26 novembre 2009 21:54

                Une solution c’est la retraite a la carte a partir de la majorité, car dans le « monde de la retraite », il n’y a pas de problème de travail ni de chômage, Dieu merci.

                http://www.google.fr/search?hl=fr&source=hp&q=%22monde+de+la+retraite%22&meta=&btnG=Recherche+Google

                Les retaité-e-s d’Agora Vox peuvent en témoigner.


                • henri_jac 26 novembre 2009 22:34

                  Bonjour et merci pour votre article.

                  L’impact de la mécanisation peut être quantifié.
                  L’INSEE propose les courbes de croissance du PIB et de la population active dont le rapprochement est instructif : entre 1980 et 2000, la population active a cru de 10% environ et le PIB de près de 50.
                  Et il faut bien entendu prendre en compte la durée du travail (40 h/sem et 4 sem CP en 80) et les taux de chômage, ce dernier point étant plus délicat à chiffrer car les méthodes de mesure ne sont pas identiques.

                  Il serait intéressant d’aller plus loin et de savoir si il y a un lien avec le pouvoir d’achat et le taux d’endettement.

                  Moi, je veux bien travailler jusqu’à 70 ans. Une seule question : je commence quand ?

                  Henri Jac


                  • croacroa 26 novembre 2009 23:19

                    ou dois-je signer pour etre dechu de mon Droit ???


                    • BA 27 novembre 2009 00:27

                      En réalité, il y a en France 4 629 000 demandeurs d’emploi.

                      Demandeurs d’emploi inscrits en fin de mois à Pôle emploi :

                      Catégorie A (actes positifs de recherche d’emploi, sans emploi)

                      Catégorie B (actes positifs de recherche d’emploi, en activité réduite courte)

                      Catégorie C (actes positifs de recherche d’emploi, en activité réduite longue)

                      Catégorie D (sans actes positifs de recherche d’emploi, sans emploi)

                      Catégorie E (sans actes positifs de recherche d’emploi, en emploi)

                      Total A+B+C+D+E = 4 629 000 demandeurs d’emploi.

                      Ce chiffre total de 4 629 000 demandeurs d’emploi est caché dans le tableau page 15 :

                      http://www.travail-solidarite.gouv.fr/IMG/pdf/PI-Mensuelle-4.pdf


                      • Yohan Yohan 27 novembre 2009 00:55

                        On oppose travail à loisirs et le rythme de notre vie est débile : 20 ans à apprendre avec la peur au ventre de foirer, 40 à bosser comme des malades avec la peur au ventre de perdre son boulot et 10 ans à s’ennuyer avec la peur au ventre de mourir, un modèle de société basé sur la compétition, improductif et stérile quand on devrait profiter mieux de la vie.
                         Sauf qu’on est maintenant en bout de course.

                        Il serait peut-être temps de réinventer la vie et de mettre un grand coup de balai dans notre sacro-saint modèle. Bosser manuel le matin et intellectuel l’après midi, j’ai testé par hasard, c’est bien. Réinventer la journée, 25% loisirs, 25% travail manuel 25% travail intellectuel, 25% à rien faire. ou à faire ce qu’on veut, ça doit être possible non ?.

                        Personnellement, j’essaye d’appliquer dans mon boulot certains de ces concepts, ne serait-ce qu’éliminer les tensions inutiles et bosser avec des valeurs. Des petits riens qui changent tout. 
                        Il y a plein à faire, revoir l’école et son système d’orientation débile, revoir la formation professionnelle, revoir les méthodes de recrutement, l’ENA, les concours, les numérus clausus, etc .....................
                         Changer tout, ça donnerait du grain à moudre à nos hommes politiques qui n’ont guère d’idées neuves.


                        • faxtronic faxtronic 27 novembre 2009 10:40

                          He, c est con a dire mais le probleme ce n est pas le travail mais l argent.
                          Moi mon reve serait de retourner chez moi, faire de la menuiserie. de l ebenisterie, m occuper de mes chevres, faire du fromage.

                          mais voila, ca paye pas, car il faut vivre aussi, payer ses impots, payer son medecin, payer son auto, s occuper de sa maison et de sa famille et de l education de ces enfants.

                          Et donc c est pas possible, pas possible, sans l aide de l etat. Or il faut bien que quelqu un le paye, et beucoup, cet etat, pour qu il reverse un peu d argent. Et pis gare si l etat n a plus un rond : plus de medecin, plus de prof, plus de gendarmes, plus rien.

                          Donc voila.

                          Et pis en plus, ce qui est sur comme tout, c est que le monde et les hommes sont de la merde, car chacun y veut vivre et y veut que ses enfants vivent, quitte a massacrer le voisin si il y a pas assez de pomme de terre a grailler.

                          Alors bon on est pas sorti : les reveries et les lendemain qui chantent c est bien, encore faut il y prendre compte la nature humaine, qui est partout et tout le temps et qui encrassent les reves.


                          • joelim joelim 29 janvier 2011 13:45

                            L’organisation de la pénurie de travail est un levier pour augmenter les bénéfices des rentiers. 

                            Cela permet aux dirigeants de moins payer les salariés et de leur demander des cadences ou des disponibilités plus importantes.

                            L’augmentation du chômage, quelque part, est voulue, puisqu’elle enrichit des gens qui ont toujours été très proches des sphères du pouvoir.

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