Le vilain petit cormoran, conte gaullien
Moi c’est un vague oncle qui aurait, selon les mauvaises langues, "porté des valises" pendant la guerre d’algérie. Je n’ai jamais compris pourquoi on lui reprochait dans la famille d’être parti régulièrement en vacances en Algérie, alors qu’aujourd’hui c’est chose commune d’aller passer ses vacances en Afrique du Nord, à Djerba ou à.. tiens, c’est vrai, ça... pas encore à Alger.. Je n’ai pas bien compris aussi pourquoi on l’appelait constamment "coco". Et bien chez les gaullistes, c’est un peu pareil. Chez les canards, on ne fait pas tout un plat, d’en avoir un tantinet différent. Chez les gaullistes non plus d’ailleurs, à croire que la vie du gaulliste ordinaire n’intéresse plus personne, et que Dupont-Aignan est la dernière branche vivante chez les Deinonichus. Peut être pour ça d’ailleurs qu’il a raté le coche de la qualification : aux examens physiques, ils lui ont trouvé 200 millions d’années, pour un "jeune", il a dû être soupçonné (d’anti) dopage. Dans cette grande famille gaulliste, qui ressemble désormais à une petite tribu de gaulois résistants, il y a une tradition bien ancrée : tous les ans, à la même période, les membres se dirigent tous vers un point de ralliement. Façon Petit Pied vers le cercle de Lumière, pour ceux qui ont des références en paléontologie infantile. Le point de ralliement, c’est une petite bourgade appelée Colombey. Ils y vont tous un 8 novembre, allez donc savoir pourquoi. La dernière fois, cette famille donc y est allée pour porter des fleurs et annoncer la création d’un mémorial Charles de Gaulle. Oui, le même nom que le porte avions. Sur la photo de l’événement y’avait 4 personnes, 5 si on compte le premier ministre : Jacques Chirac, son épouse, Yves Guéna et un membre de la famille de Gaulle. Ils font un peu (beaucoup) "famille durera-t-on", vous ne trouvez pas ?
Vous remarquerez que jour là, le vilain petit canard n’est pas là. Ou il n’a pas pu venir, ou il n’a pas été invité. Ou alors, il n’aime pas les autres. Ce qui est possible, car quand il est allé, c’était... tout seul. Ce jour là aussi il faisait meilleur aussi d’ailleurs. Et les photos différentes. Autant les autres de la famille semblaient heureux, mais avaient froid, autant lui avait chaud.. mais tirait une tête de vingt mètres de long, en bon vilain petit canard... du gaullisme. Mais notre futur cygne, si un jour il en devient un (et surtout si c’en est un, car pour l’instant ça ressemble plutôt à un petit cormoran), a d’autres moyens pour rendre ces photos d’homme triste plus gaies. Non non, pas de pacs ni de gay-pride pour autant, je veux dire plus... attirantes, vous savez comme celles qu’on trouve à Lourdes... ou à Colombey. Des cartes postales, avec des coeurs roses ou des rubans dorés. Notre homme, lui, plus moderne, en rupture, ne l’oublions pas avec sa propre famille, ne peut se permettre de faire de même. Les techniques d’aujourd’hui permettent de faire nettement plus joli. AU départ, donc, c’est à peu près la même photo tristounette :
Bon d’accord, c’est vrai, ça fait vraiment vilain petit canard. Surtout comme ça, vu de dos. Remarquez, notre canard à quand même l’art de la photo vue de dos. Une technique difficile, ça, la photo de dos. D’abord, y’a la façon de cadrer et l’objectif utilisé : avec un fish-eye, on aurait davantage souri. Là, on a un bon vieux 55mm, pris en vue paysage.. car sinon, horreur, on distinguerait... l’ombre portée. A savoir la petite ombre portée : un canard, en plus vilain et petit, ça ne peut pas faire l’ombre d’un personnage gigantesque comme, disons... De Gaulle ? Tout un art, cette prise de vues. Car je ne sais pas si vous avez remarqué, mais on y distingue quand même, malgré qu’il soit devant le nom du porte-avions : ça s’appelle savoir communiquer, ça, ou alors je n’y connais rien. Deux pas à gauche et ça devient le GENE, le canard, LDEGAULLE, ce qui ne signifie plus rien du tout je vous l’avoue. Bon ça, de toute façon, c’est pas la bonne photo. La photo officielle distribuée à la presse, c’est tout autre chose : le photoshopiste du coin est passé par là. Oui, ça s’appelle de la propagande, comme aux plus belles heures de l’époque qu’a combattu le bonhomme qui a donné son nom au porte-avions. La photo, la voici :
Ah ah, c’est autre chose, hein ? Déjà qu’on ne distingue plus le nom, à part Gaulle, pour les ignares qui n’auraient pas suivi. Mais le coup du rayon de lumière couleur arc-en-ciel, ça c’est du grand art, du vrai. On voudrait y mettre un chouilla de sentiment religieux qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Une lumière sur une croix, faut pas avoir passé sa vie au séminaire des jésuites pour savoir ce que sa signifie... Et quand la croix est double... on marque le double de points dans les esprits, on suppose. La preuve de ce qu’on avance : notre petit cormoran a déclaré à la sortie du cimetière que ses deux plus grandes idoles, outre le gars au nom de porte-avions c’était le pape Jean-Paul II, celui qui va rester célèbre pour avoir été le plus rapide canonisé de l’histoire de l’église (vous attendiez autre chose comme formule ?). Les suisses, à propos du déplacement du vilain petit canard parlent dans la "Tribune de Genêve" de "visite hautement symbolique". Doublement, voire triplement auraient-ils pu écrire.
Et il a pire encore, car en plus de distribuer les BONNES photos à la presse, notre petit cormoran distribue aussi les légendes : "La solitude je la mesure. Elle fait partie de celui qui, à un moment donné, reçoit la confiance de ses compatriotes". Et crac : le coup du rayon vert, là, ce n’est que la mise en scène d’un texte écrit à l’avance ! La solitude, le mec tout seul, on a compris. La confiance donnée "d’en haut", le coup du chef d’essence divine, quoi, le vieux plan de la royauté, les pires idées des mouvements d’extrême droite sur l’origine quasi divine du grand timonier. A gerber. Des gerbes sur des Croix de Lorraine, encore une image forte de cette journée, pour la énième fois entièrement dédiée à magnifier la vie somme toute ordinaire d’un vilain petit canard, persuadé qu’il a le profil de l’aigle napoléonien. Un maladie mentale, une schizophrénie grave, un ego démesuré, une enflure du soi comme on en a rarement vue en histoire. Sur le registre de Colombey, notre grand malade nous donne la clé de sa personne fortement tourmentée : "Une grande vie, c’est une vie mise au service de quelque chose de plus grand que soi". Deux fois le mot "grand", vous remarquerez. Toujours cette obsession de la taille. A croire qu’en allant voir le "grand De Gaulle", notre vilain canard pensait prendre par la même une taille au dessus. Un futur président qui résume toute son ambition politique à passer du 37 au 38 question chaussure, ça en devient pathétique. Ah, si génétiquement il était né... normal, et ferait son métre quatre vingt cinq ordinaire, nous n’en serions pas là.
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