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Accueil du site > Tribune Libre > Le village englouti

Le village englouti

Le vertige saisit le vieil homme sans crier gare. Les monts alentour se mettent à danser avant de disparaître à sa vue, brouillés par un voile rouge. Ses jambes faiblissent puis cessent de le porter : l’homme tombe lourdement assis sur un muret de pierre couvert de boue séchée. Sa pipe roule sur le sol craquelé. Le visage grave, une adolescente se précipite. Elle s’assied à côté du vieil homme et lui saisit la main après avoir ramassé sa pipe.

─ Ça va, papy ? demande-t-elle d’une voix douce où perce l’inquiétude.

L’homme ne répond pas. Durant un long moment, il reste prostré, incapable de bouger, incapable de penser. Puis le calme revient progressivement. Les jambes se raffermissent. Le voile rouge s’estompe, puis disparait. Les collines cessent de danser, et le grand roc de granit se stabilise au-dessus de la vallée. L’homme recouvre sa sérénité.

─ Ça va mieux, papy ? Tu m’as fait une de ces peurs.

─ Bah ! Ce n’était qu’un simple étourdissement. La chaleur sans doute. Ou l’émotion, va savoir ! Mais ne t’inquiètes pas, petite, il en faut beaucoup plus pour m’abattre…

L’homme s’éponge le front. Puis il laisse parler ses souvenirs :  

─ Tu vois, Claire, nous sommes au cœur du village. Regarde l’église. Le curé était un homme de nos montagnes, fort en gueule et dur au mal. Le pauvre est mort depuis longtemps. Mais je le revois comme si c’était hier. Chaque dimanche, il nous adressait un sermon édifiant, mais pas toujours très adroit, l’éloquence n’était pas son fort. Son sermon terminé, il laissait s’écouler quelques secondes avant de nous asséner de sa voix tonitruante : « Méditez donc cette histoire, ça vous changera des pitreries de Zappy Max ou des aventures de la Famille Duraton. Et soyez un peu moins pingres que d’habitude lors de la quête ! »

Claire sourit.

─ Ce devait être un brave homme, ce curé.

─ Sûr que c’était un brave homme, toujours prêt à donner un coup de main aux paysans en difficulté ou à partager sa soupe avec les indigents… Sûr aussi que c’était un bien médiocre curé en regard des canons de l’Église. Un curé dont la foi avait chancelé au fil du temps devant le spectacle des misères du monde et l’hypocrisie de sa hiérarchie. Un curé dont le sacerdoce avait, au grand dam de l’Évêché, progressivement banni la plupart des bondieuseries pour s’en tenir au message d’humanisme des premiers temps de la chrétienté. Une sorte de curé rouge, version rurale. Un brave type comme on aimerait en rencontrer plus souvent.

Surgi de nulle part, un chien de berger noir et blanc zigzague sur le sol boueux de la place en reniflant le sol. Claire et son grand-père le voient disparaître derrière un mur effondré. Un couple de chocards s’envole en protestant.

─ La mairie-école, précisa le vieil homme en désignant la bâtisse. Au rez-de-chaussée cohabitaient : à gauche le bureau du maire et le secrétariat, à droite la salle de classe. À l’étage, desservis par un escalier commun, se trouvaient la salle du Conseil et le logement de l’enseignant. De mon temps, l’école était bien modeste avec sa classe unique et, au plus fort de sa fréquentation, une quinzaine d’élèves. La dernière institutrice du village était une jeune et jolie citadine. C’était son premier poste. Elle avait pris la relève d’un vieux maître bourru parti se retirer au soleil du Midi. Au début, ça n’a pas dû être facile pour elle, dans ce pays où les milans sont plus nombreux que les hommes. Mais à force d’opiniâtreté elle a réussi à imposer sa personnalité, faite de gentillesse et de fermeté, aussi bien aux élèves qu’aux parents.

─ Jeune et jolie, les garçons devaient lui tourner autour, observe Claire.

Le vieil homme lance un regard amusé à l’adolescente.

─ Je sens que tu parles d’expérience, petite, répond-il en observant les joues rosies de Claire. Il y avait effectivement dans la commune quelques célibataires qui rêvaient d’être son galant. Moi-même si j’avais eu quelques années de plus, mais je n’étais alors qu’un galopin boutonneux… En fait, le seul prétendant sérieux était le secrétaire de mairie, un jeune paysan progressiste. Intelligent et plutôt beau gars, celui-là possédait en outre sur les autres l’avantage de croiser l’institutrice lorsqu’il se rendait à la mairie pour des démarches administratives. Ces deux là sont sortis ensemble à quelques reprises pour aller danser sur les parquets-salons lors des fêtes votives ou dans ces discothèques qui commençaient à s’implanter ici et là en drainant la jeunesse à des dizaines de kilomètres à la ronde. Au final, l’institutrice n’a pas épousé le secrétaire de mairie, les événements en ont décidé autrement. Elle a été mutée à l’autre bout du département. J’ignore ce qu’elle est devenue.

Le vieil homme s’interrompt à nouveau pour s’essuyer le front. Tandis qu’il range son mouchoir, le chien réapparait. Après un temps d’hésitation et quelques nouveaux zigzags, il se dirige vers une grande maison appareillée de gros blocs de granit.

─ Celui-là sait renifler les bonnes adresses, commente le grand-père, voilà qu’il file au bistrot !

─ C’était important le café, à ton époque ? demanda Claire.

─ Et comment ! C’était le lieu de vie du village, avec ses piliers habituels comme partout. Mais il ne prenait sa véritable dimension que le dimanche…

Le papy marque une pause. Un papillon orange et noir vient se poser quelques instants sur sa manche.

─ Regarde ces couleurs, Claire, c’est une vanesse. Il est magnifique, n’est-ce pas ?

La jeune fille approuve d’un hochement de tête.

─ C’est pourtant un papillon très commun… Où en étais-je ?

─ Tu parlais du café.

─ La messe terminée, la plupart des familles se retrouvaient au bistrot : hommes, femmes et enfants, tous endimanchés. Une routine comme une autre, bien loin de l’aventure que pouvait alors constituer huit jours de vacances à Palavas ou Biscarosse, des lieux à peu près aussi exotiques pour les autochtones que la muraille de Chine ou les Pyramides d’Egypte.

─ Là, tu exagères, papy.

─ À peine, ma petite Claire. N’oublie pas que les gens d’ici étaient rivés à la terre par les contraintes agricoles, et surtout les soins quotidiens aux bêtes. Alors ils bougeaient peu, excepté les garçons qui voyaient un peu de pays lors du service militaire. Pour les autres, s’aventurer jusqu’à la Préfecture était déjà un événement. Les plus audacieux montaient une ou deux fois durant leur existence dans la capitale pour le Salon de l’Agriculture ou la Foire de Paris. Quelques-uns faisaient le pèlerinage de Lourdes… En quelques décennies, tout cela a naturellement beaucoup évolué, y compris dans les campagnes les plus reculées. La plupart des jeunes paysans travaillent désormais en GAEC, en association si tu veux, ce qui leur permet d’établir des roulements et de profiter eux-aussi de quelques congés sacrément bien mérités.

L’adolescente, habituée aux voyages lointains, hoche la tête en guise d’approbation. 

─ Mais dis-moi, papy, pour en revenir au bistrot, il n’y avait jamais de dispute ?

─ Des disputes ? Bien sûr qu’il y en avait, et parfois des sévères. Le plus souvent pour des rivalités familiales, mais aussi pour des différends de nature politique.

─ Politique ? s’étonne Claire. Dans un si petit village ?

─ De politique nationale, évidemment pas : ici, tout le monde était sensiblement du même bord. Je te parle de politique communale, et Dieu sait si les élections municipales ont souvent donné lieu à de vifs débats. C’est qu’à la clé, il y avait le contrôle du budget et la possibilité, pour l’équipe en place, de conduire à sa guise les investissements de la commune. Avec le plus souvent un petit coup de pouce pour les alliés. Tu n’imagines pas l’importance que peut revêtir une adduction d’eau ou le goudronnage d’un chemin rural. Raison pour laquelle le patron du bistrot n’a jamais pris parti pour un clan ni figuré sur la moindre liste électorale.

Le soleil commence à décliner. Le chien s’en est allé. Dans le ciel, un petit rapace bat des ailes en vol stationnaire. Claire le désigne du doigt.

─ C’est quoi, papy ? Une buse ? Un milan ?

Le vieil homme affiche un air faussement sévère.

─ Ni l’un ni l’autre, petite citadine ignorante, la buse est nettement plus grande et le milan possède une queue fourchue. De plus aucun des deux ne vole ainsi sur place. Pas plus que les autres espèces de rapaces d’ailleurs. Ce genre d’acrobatie est réservé à quelques faucons. Celui-ci est un faucon crécerelle. Tel que tu le vois, il scrute le sol à la recherche d’un mulot ou d’une musaraigne. Mais il m’étonnerait fort qu’il trouve une proie dans ce désert de boue.

Comme pour lui donner raison, l’oiseau file vers les hauteurs. L’homme le regarde s’éloigner puis disparaître derrière la crête. Son regard revient sur l’espace lunaire qui les entoure.

─ La population du village a suivi le même chemin que ce faucon ! Il y a un demi-siècle…

Un étau bloque soudain la gorge du vieil homme. Ses yeux s’embuent. Sans dire un mot, il récupère sa pipe et entreprend de la bourrer pour masquer son émotion. Claire, respectueuse du trouble de son grand-père, le laisse faire en silence. Elle même ressent un malaise indéfinissable devant le spectacle qui s’offre à sa vue. Elle promène son regard sur ce qu’il reste du village. Devant elle, tout n’est que ruines et désolation. À son côté une allumette craque. L’odeur âcre du tabac l’enveloppe.

─ Eh oui, ma petite Clairette, il y a un demi-siècle que le barrage a été mis en service. Un demi-siècle que le village est mort, noyé sous des millions de mètres cube d’eau. Tous les toits avaient été préalablement détruits pour éviter la formation de remous à la surface du lac en cas d’effondrement. Pour la même raison, le clocher de l’église avait été abattu par les grues et les bulldozers. Seul le vieux pont de pierre à l’entrée du bourg a été préservé, comme tu as pu le constater. Quant aux moignons noirâtres qui émergent ici et là de cette gangue de boue craquelée, c’est tout ce qu’il reste des frênes. Durant l’été, des petits paysans comme moi montaient en rigolant les ébrancher à la serpe pour nourrir les chèvres. Le village de ces gosses a été englouti pour servir le progrès. Une bonne cause naturellement. N’empêche, l’EDF a tué une part de leur enfance…

Le vieil homme se lève, imité par l’adolescente. Tous deux reprennent le chemin de la colline en écrasant sous leurs pas les galettes de boue séchée. Dans trois semaines, la maintenance terminée, les techniciens remettront progressivement le barrage en eau. Le village disparaîtra à nouveau au fond d’un gouffre noir et glacé. 10 ans s’écouleront avant le nouvel assèchement du lac.

Parvenus à la limite de la végétation, l’homme et la jeune fille s’arrêtent sous le couvert des hêtres pour contempler une dernière fois le site. À quelques pas de là, une colonie de grillons donne un concert. Un peu plus haut, les sonnailles d’un troupeau animent les pâturages.

─ Toi qui raconte bien les histoires, papy, je crois que tu devrais écrire celle de ton village, en hommage à ses habitants.

Le vieil homme passe un bras autour des épaules de sa petite fille. Il la presse contre lui. Sans dire un mot : sa gorge serrée le lui interdit.

 

En hommage à tous les habitants déracinés des villages et hameaux de France engloutis par la mise en eau d’un barrage, avec une pensée particulière pour ceux de Mallet (Cantal), disparu en 1959 sous les eaux du barrage de Grandval édifié en travers de la Truyère.

 

Autres villages et hameaux engloutis : Bairon-Mont-Dieu (barrage de Bairon, 08) ; Castillon (barrage de Castillon, 04) ; Chambod (barrage d’Allement, 01) ; Champaubert-aux-Bois, Chantecoq et Nuisement-aux-Bois (barrage du Der, 51) ; Les Salles-sur-Verdon (barrage de Sainte-Croix, 83) ; Naussac (barrage de Naussac, 12) ; Port-Dieu (barrage de Bort-les-Orgues, 19) ; Ravièges (barrage de La Salvetat, 34) ; Roselend (barrage de Roselend, 73) ; Savel (barrage de Monteynard, 38) ; Savines et Ubaye (barrage de Serre-Ponçon, 05) ; Tignes (barrage de Tignes, 74
 

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Le village englouti Le village englouti

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28 réactions à cet article    


  • Fergus Fergus 3 décembre 2009 16:21

    Le village décrit dans ce texte n’est ni Mallet ni un autre des villages engloutis. C’est un village de montagne français comme il en existait des centaines à la jonction des années 50 et 60.

    Au moment où la télévision commençait à faire son entrée dans les foyers.

    Au moment où les jeunes commençaient à aller danser dans les discothèques.

    Au moment où la moissonneuse-lieuse et le battage festif du début septembre commençaient à abandonner la place aux puissantes moissonneuses-batteuses.

    Un autre temps !


    • Lapa Lapa 3 décembre 2009 16:35

      Excellent Fergus, comme d’hab !

      Une pensée également pour ceux qui ont péri dans cette catastrophe hydrologique il y a 50 ans :

      http://french.cri.cn/781/2009/12/03/304s206731.htm


      • Fergus Fergus 3 décembre 2009 16:44

        Bonjour, Lapa, et merci pour ce commentaire.

        J’ai pensé également à la catastrophe de Fréjus qui nous renvoie elle aussi 50 ans en arrière. Paut-être aurais-je dû y consacrer quelques lignes, tout à la fin de texte ? Quoi qu’il en soit, merci pour le lien.


      • stephanie stephanie 3 décembre 2009 18:01

        Merci,


        • Suldhrun Coyotin 3 décembre 2009 18:08

          Bonsoir Fergus

          Oui , merci


        • Fergus Fergus 3 décembre 2009 18:39

          Merci à vous, Stéphanie et Coyotin, d’être venus faire une petite balade au coeur de ce village englouti.


        • Papybom Papybom 3 décembre 2009 18:07

          Bonsoir Fergus,

          Très beau sujet que la mémoire d’un vieil homme. Cette satané télévision à tué le charme des veillées de ma jeunesse. C’est pourquoi, j’adore emmener ma petite fille, en camping-car. Pas de télé, juste la nature et nous.

          Elle aide sa grande mère pour les repas, et nous discutons. Le bonheur…pour nous qui avons le temps.

          Cordialement.


          • Fergus Fergus 3 décembre 2009 18:45

            Salut, Papybom.

            Je crois en effet que les échanges entre un grand-père et son petit-fils (ou sa petite-fille) peuvent donner lieu à d’intenses moments de pur bonheur, loin des affligeantes prestations de la télévision.

            Surtout quand le grand-père a, comme vous, un passé riche en expériences très éloignées du quotidien trop matérialiste mais aussi trop virtuel de nos jeunes.

            Bonne soirée.


          • Surya Surya 3 décembre 2009 18:33

            Bonsoir Fergus,

            Tres joli texte, sur un sujet, des sujets, qui restent d’actualite (la memoire et sa transmission, le deracinement...) Ma grand mere, qui connaissait bien l’ancien Tignes et certains de ses habitants pour avoir pas mal randonne dans les environs, m’a raconte l’histoire du barrage et de l’ancien village. Apres ca, on ne peut plus regarder le lac de la meme facon. Votre beau texte m’a rappele son recit (moins litteraire bien sur).


            • Suldhrun Coyotin 3 décembre 2009 18:53

              Oui Surya

              Tignes ..... savez vous le dicton de la Tarentaise , qui dit que les corbeaux volent a l envers en Maurienne , pour ......


            • Fergus Fergus 3 décembre 2009 18:58

              Bonsoir, Surya, et merci pour ce commentaire.

              Je crois que tous ceux qui ont connu, personnellement ou par transmission orale comme dans votre cas, un village englouti ont effectivement un regard différent sur le plan d’eau du barrage, généralement superbe mais qui a submergé la maison et les terres de familles présentes parfois depuis des siècles.

              Au point, l’imagination aidant, d’entendre parfois, comme je l’ai ouï dire en Auvergne à un vieil oncle qui pêchait dans sa barque au milieu du cirque de Mallet, les cloches de l’église engloutie. Un vieux fantasme présent, je crois, dans la plupart des sites de ce type. 


            • pierrot123 3 décembre 2009 18:45

              Vassivière, en Limousin, a aussi englouti quelques maisons, je crois.


              • Fergus Fergus 3 décembre 2009 19:02

                Bonsoir, Pierrot.

                J’ignorais que des maisons aient été englouties à Vassivières. Mais c’est d’autant plus probable qu’il existe en Limousin des fermes isolées.

                En outre, il est possible qu’un ou deux moulins de La Maulde aient disparu au fond du lac. Quoi qu’il en soit, c’est un site magnifique, et j’encourage vivement ceux qui ne le connaissent pas à s’y rendre.


              • gruni gruni 3 décembre 2009 18:50

                Bonsoir Fergus.

                Un texte intéressant et comme d’habitude très bien écrit, j’ai beaucoup apprécié .
                C’est terrible de voir ses souvenirs détruits, heureusement il reste la mémoire pour conserver les traces du passé .


                • Fergus Fergus 3 décembre 2009 19:09

                  Bonsoir, Gruni.

                  Merci à vous pour ce commentaire. Devenus de plus en plus nomades au fil du temps, nos contemporains n’imaginent effectivement pas la douleur terrible qu’a représenté pour les paysans expropriés l’abandon de leur maison, souvent construite (au moins partiellement) des mains de leurs ancêtres, et des terres transmises de génération en génération.

                  Il ne reste bien souvent de leur vie antérieure que quelques photos jaunies et les souvenirs des plus anciens...


                • Jojo 3 décembre 2009 18:51

                  Superbe papier.
                  Merci Monsieur !


                  • Fergus Fergus 3 décembre 2009 19:11

                    Bonsoir, Jojo, et un grand merci à vous d’avoir apprécié ce voyage dans le temps et les souvenirs.


                  • Joseph DELUZAIN Joseph DELUZAIN 3 décembre 2009 19:08

                    Chacun de vos magnifiques mots résonnent en moi avec nostalgie... j’ai vécu la mise en eau des Salles Sur Verdon. 
                    J’apprécie de vous lire, mais j’ai peu l’occasion de venir le dire ici. Voilà c’est fait. 


                    • Fergus Fergus 3 décembre 2009 19:21

                      Bonsoir, Joseph, et merci pour ce commentaire qui me touche d’autant plus qu’il émane de quelqu’un qui a vécu ces moments uniques de la mise en service d’un barrage : la lente montée des eaux qui engloutit progressivement les paysages familiers et le village.
                       
                      De très durs moments pour les habitants du vieux village des Salles, déjà très choqués par le dynamitage de leur église. 


                    • MICHEL GERMAIN jacques Roux 4 décembre 2009 14:05

                      J’ai une photo de mes parents, hélas engloutis eux aussi, prés de l’ancien village de Salles.
                      Même si nous faisons barrage à certaines de nos émotions afin de les engloutir, comme les vieux villages elles remontent et nous reviennent.

                       


                    • Fergus Fergus 4 décembre 2009 14:35

                      Bonjour, Jacques.

                      C’est la force et la faiblesse des souvenirs. Mais ils sont les repères anciens de notre identité (pour utiliser un concept en vogue), et le temps passant on s’y accroche avec d’autant plus d’énergie que ce sont eux qui font le lien avec notre jeunesse.


                    • Salsabil 3 décembre 2009 19:40

                      Bonsoir Fergus,

                      Merci de cette histoire qui sonne comme une immense nostalgie de ces cloches rendues muettes.

                      Depuis l’enfance, à force de fréquenter différents coins de montagne, je connais ces terribles noyades. Serre-Ponçon, le lac si majestueux et cette pique qui transperce le coeur quand on pense à la terre qui y existait avant...

                      Je me souviens de ma mère qui admirait l’oeuvre de l’homme avec la présence des barrages. C’est vrai que la maîtrise des forces de la nature, en particulier de la puissance de l’eau, est impressionnante mais j’ai toujours pensé à ces maisons vidées, à ces vies brisées.

                      Je crois qu’en tant qu’enfant cela éveillait effectivement en moi des légendes, des villages fantômes hantés de leurs âmes perdues, des trésors enfouis sous les eaux... Un réservoir à mystères envoûtants, sans doute une manière de refuser l’irrémédiable.

                      Il y a aujourd’hui en Turquie les projets d’enfilades de barrages au Kurdistan. Non seulement les villages disparaissent laissant les populations exsangues mais en plus ce sont des vestiges archéologiques millénaires, d’une infinie richesse pour l’histoire de l’humanité qui sont perdus à tout jamais.

                      Ainsi va l’évolution, en est-ce bien une ?

                      Amicalement.

                      G.


                      • Fergus Fergus 3 décembre 2009 20:09

                        Un grand merci pour ce témoignage, Salsabil.

                        Il est vrai que l’on ne peut qu’être impressionné par les barrages et le symbole de domination de la nature qu’ils représentent. Enfant, j’ai vu construire celui de Grandval et c’était vraiment un étonnant spectacle pour le gamin que j’étais. Je n’ai perçu le drame des habitants de Mallet qu’un peu plus tard, quand j’ai compris que leur village allait être englouti.

                        Un site où je suis retourné lors du premier assèchement. J’en ai profité pour m’aventurer, assez imprudemment, à l’entrée des vieilles mines de plomb de Magnac (submergées elles aussi par les eaux du lac) où j’allais fouiller autrefois pour trouver de la galène...

                        Bonne soirée.


                      • Yohan Yohan 3 décembre 2009 19:46

                        Salut Fergus
                        très bien ton article qui nous change de menu habituel. J’ai fait une bonne partie de mes colos à Naussac, aujourd’hui englouti sous l’eau, pour cause de barrage.


                        • Fergus Fergus 3 décembre 2009 20:15

                          Salut, Yohan.

                          Le genre de ce papier est en effet différent du ton habituel. Un choix en l’occurrence délibéré pour rendre plus vivante l’émotion que l’on peut ressentir lorsqu’on a connu l’un de ces villages.

                          Beau pays que l’Aveyron, et le vieux Naussac immergé a permis, par son sacrificie involontaire, de donner à une région qui ne manquait non seulement de l’électricité, mais aussi un superbe plan d’eau. ceci compense cela, sauf évidemment pour les habitants du vieux village.

                          Bonne soirée.


                        • rocla (haddock) rocla (haddock) 3 décembre 2009 21:17

                          Si vous continuez comme vous le faites , vos textes seront aussi beaux que la cathédrale engloutie de Debussy .

                          Vous êtes un artiste Fergus .


                          • Fergus Fergus 3 décembre 2009 22:43

                            Salut, Capitaine.

                            Sincère remerciement pour votre commentaire. Quant à la référence à « la cathédrale engloutie », elle me semble judicieuse, non pour moi qui n’ai pas d’ambition particulière dans mon écriture, mais pour le thème abordé : chargé de nostalgie comme la musique de Debussy.

                            Bonne nuit, Capitaine.


                          • Fergus Fergus 4 décembre 2009 12:45

                            Bonjour, Waldgänger, et merci pour votre commentaire.

                            Il est vrai que les barrages sont porteurs d’une forte symbolique. Lorsque j’étais jeune, je les considérais déjà comme emblématiques du passage d’une vie rurale en perte de vitesse à un monde technologique en voie de déshumanisation. Les choses n’ont fait que s’aggraver depuis, et le monde agricole lui-même a, en quelques décennies, largement tourné le dos au passé pour s’engager dans une logique industrielle.

                            Content de vous avoir intéressé avec ce texte.

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