Le Vrai du Faux / Puissance et Impuissance
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Lors de mon éveil à ce monde, un postulat s’est petit à petit imposé à moi. Une vérité semblait évidente pour l’humanité qui me disait comment grandir. Ce postulat m’enseignait que certains ont raison et d’autres ont tort. Certains sont dans le vrai d’autres dans l’erreur, certains épousent la bonne vérité et d’autres la mauvaise.
En bon garçon que j’étais, je souhaitais porter la bonne vérité, je souhaitais pratiquer la vérité qui participait à rendre ce monde meilleur. Seulement l’expérience ne me rassemblait pas mais me divisait, elle m’éparpillait. Il s’y trouvait toujours plus de faux, toujours plus d’individus dans le faux qu’il me fallait combattre ou mépriser, toujours plus d’humains qui souhaitaient me combattre ou me mépriser, jusqu’à ce que mes frères, mes sœurs, mon père, ma mère finissent pas être les premiers guerriers à tenter de me porter le coup de grâce.
Nous aimons à nous « souvenir » de ceux morts pour nos libertés, mais de quoi nous souvenons-nous lorsque nous communions en leurs noms ? Nous souvenons nous qu’il y a des erreurs qui méritent l’assassinat, le massacre, la peine de mort ; ou nous souvenons-nous que malgré tous nos efforts passés, tous nos morts passés, nous n’avons jamais tué une idée, nous n’avons jamais étouffé une vérité ?
A l’intérieur d’une réalité dans laquelle le faux existe et peut être condamnable, soit je nie mes perceptions soit je nie celles de l’autre mais de cohabitation il ne peut y avoir.
Lorsque ma vérité est plus importante que celle de l’autre, je nie sa capacité à percevoir le réel. Lorsque la vérité de l’autre est plus importante que la mienne, je nie ma capacité à percevoir le réel.
Nier la capacité de l’autre à percevoir le réel revient à le déposséder de son pouvoir, de sa création, de son humanité, de sa capacité à survivre, à vivre et jouir de l’environnement qu’il perçoit et expérimente.
Celui qui se sent dépossédé de son pouvoir de création, de son humanité, s’éteint ou se défend pour survivre.
Cela me renvoie à cette citation dont je ne citerai pas l’auteur puisqu’il semble que son origine ne soit pas évidente et que c’est ce qu’elle inspire qui m’intéresse :
« Chacun d’entre nous est un génie. Mais si vous jugez un poisson à sa capacité à grimper un arbre, il va croire toute sa vie qu’il est stupide. »
Voilà comment il est possible de vendre -de nous vendre- la guerre pour la paix, voilà comment il est possible de massacrer -de nous massacrer- pour le « bien », voilà comment il est possible de rabaisser l’humain -de nous rabaisser- au niveau d’un troupeau de bétail docile et craintif de lui-même.
N’entendons pas ici que nous ne pouvons pas choisir pour nous. Bien au contraire, nous ne savons faire que cela, choisir ce qui est bon ou non pour nous, choisir ce que nous souhaitons expérimenter ou non, mais notre inspiration intérieure pour être assumée n’a nul besoin de s’appuyer sur l’erreur de l’autre. Lorsque nos élans tentent de se justifier en faisant le « bien », ils se confrontent au pendant « négatif » de leurs créations. L’acte de créer implique le mouvement, l’acte de créer nécessite de laisser mourir un état pour participer à l’avènement d’un autre. La création implique de laisser disparaître un instant pour en laisser naître un autre. La création engendre la destruction et inversement. Lorsque nous ne voulons voir en nous que les créateurs nous sommes alors confrontés aux destructeurs que nous ne savons pas ne pas être.
J’expérimente extérieurement ce que je suis intérieurement. Je combats et nie les parts de moi qui susurrent les vérités qui me dérangent. Je massacre les inspirations qui expriment les vérités qui m’effrayent, je bâillonne les élans qui ne correspondent pas au personnage aimable -mais pas trop- que j’aime (me) vendre…
De ce point de vue, il n’existe donc pas de bien et de mal. Il existe ce que nous choisissons pour nous ou non. Et ce choix est remis en question de manière permanente eu égard aux perceptions d’un présent qui enseigne, nourrit et affine perpétuellement notre sensibilité.
Si nous percevons tous une part du réel, si nous ressentons tous une part de la vérité, alors accueillir le réel de l’autre revient à enrichir, élargir notre perception du vrai. Le même mouvement intérieur revient à accueillir les sensibilités, les ressources des parts de ce que nous sommes et qui ne demandent qu’à être reconnues.
Si l’autre ne peut faire qu’exprimer le vrai, alors lorsque sa vérité, ses actes, me dérangent, il m’offre la possibilité de regarder en moi ce que je n’avais pas vu. L’autre m’offre les pièces de puzzle qui me manquent. L’autre me montre ce que je suis aussi et que je n’avais pas reconnu. L’autre m’offre les retrouvailles d’une famille en errance dont le souvenir avait disparu.
Ce que je sens est vrai,
Ce que tu sens est vrai,
Ce que nous sentons est la vérité expérimentée à travers l’être que nous sommes. A la manière de l’inspiration et de l’expiration, nous sommes à tour de rôle maître et disciple ; heureux de nous utiliser l’un l’autre pour goûter par alternance à ces états qui ne peuvent être perçus qu’en contraste l’un par rapport à l’autre : Puissance et Impuissance.
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