Leçons d’Haïti sur la libération collective
Pour un mouvement de libération, se trouver des parentés avec ce qui a précédé ici et ailleurs est fondamental. C'est pourquoi je me propose d'entamer une série de parallèles, à partir de citations d'hommes ou de textes collectifs. Je vous propose tout d'abord de découvrir les mots de Jean-Bertrand Aristide, prêtre défroqué et président haïtien, chassé à deux reprises du pouvoir par les Etats-Unis.
« L’étape où nous devons d’abord parler au nom des pauvres et des opprimés prend fin lorsqu’ils commencent à parler de leurs propres voix et avec leurs propres mots. Le peuple commence à assumer sa propre place sur la scène publique. (…) Tout le processus nous emmène loin du paternalisme, de toute notion d’un “sauveur” qui pourrait venir guider le peuple et résoudre ses problèmes. »
« L’élite fera tout ce qui est en son pouvoir pour s’assurer le contrôle d’un président et d’un parlement fantoches. Elle fera tout ce qui est nécessaire pour protéger le système d’exploitation dont dépend son pouvoir. »
« Le peuple veut être le sujet de son histoire et non en être l’objet. (…) Ceci ne veut pas dire que le succès est inéluctable ou facile, que des intérêts puissants n’essaieront pas de tout faire pour revenir en arrière. Néanmoins, quelque chose d’irréversible s’est passée, quelque chose qui fait son chemin à travers la conscience collective. (...) Notre lutte pour la liberté rencontrera beaucoup d’obstacles, mais elle ne sera pas déracinée. Elle est solidement enracinée dans l’esprit du peuple. Le peuple est pauvre, certes, mais notre esprit est libre. Nous existons toujours comme peuple, sur la base de cette prise de conscience initiale, de cette conscience fondamentale que nous sommes. »
« Ils détestent et méprisent le peuple. Ils refusent absolument de reconnaître que tous les hommes sont égaux. Donc, ce comportement s’explique en partie par le fait qu’ils veulent se réassurer eux-mêmes qu’ils sont différents. Il est essentiel qu’ils se considèrent supérieurs aux autres. C’est une partie du problème, et ce n’est pas simplement un problème politique. »
« Tout revient, à la fin, au principe simple que tout moun se moun – chaque homme est un homme, chaque personne est capable de penser par elle-même. Ceux qui n’acceptent pas ce principe, lorsqu’ils regardent les nègres d’Haïti – consciemment ou inconsciemment, c’est ce qu’ils voient – ils voient des gens qui sont trop pauvres, trop grossiers, trop ignorants, pour penser par eux-mêmes. Ils voient des gens qui ont besoin que d’autres décident pour eux. C’est une mentalité de colon, encore très répandue dans notre classe politique. C’est aussi une projection : ils projettent sur les gens le sentiment de leur propre faiblesse, de leur propre inégalité dans les yeux du maître.
Donc, même si nous n’avons pas encore de structures et d’institutions démocratiques viables, il y a déjà une conscience démocratique collective, et ceci est irréversible. »
Ces propos ont été tenus en 2006, et rapportés par Peter Hallward, professeur de philosophie à l’Université de Middlesex et publiés dans Damming the Flood : Haiti, Aristide and the Politics of Containment
Le deuxième coup d’État ayant renversé Aristide, le « président des pauvres », s'est produit il y a précisément 15 ans, les 28 et 29 février 2004. La France de Chirac-De Villepin, si respectueuse du droit en Irak, avait, il faut s'en souvenir, apporté sa pierre au coup d’État. Haïti demandait en effet à la France de rembourser l'argent qu'il lui avait versé entre 1825 et 1883 afin d'indemniser les colons propriétaires d'esclaves lésés par l'indépendance haïtienne de 1804 en échange d'une normalisation de leurs relations.
Aujourd'hui le peuple haïtien est dans la rue. Il lutte contre la corruption, la vie chère, et pour la démission du président Jovenel Moïse. Le Premier Ministre a annoncé des mesures contre la vie chère. Affaire à suivre...
L'interview complète : https://narconews.com/Issue45/article_fr2559.html
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