Les américains et l’ISI ont toujours su où était Ben Laden (XIX)

Comme en effet les textes originaux semblent manquer de contenu, tout le mois qui suit l'intervention des commandos, de nouvelles "découvertes" apparaissent. L'une des premières, apparue à la fin du mois suivant (le 25 juin) palie à un manque du récit de Schmidle, en attribuant au "courrier", qui, logiquement ne pouvait que communiquer pédibus et par clés USB avec Ben Laden, en lui attribuant... un téléphone. Evidemment, c'est le genre d'objet qui pourrait mettre les services de renseignements pakistanais dans l'embarras (ils n'auraient pas surveillé l'opérateur téléphonique). Et pourtant, le communiqué fort alambiqué que va distiller le Pentagone à l'agence Reuters, à son propos, élude la question avec brio : "un téléphone portable découvert lors de l'opération contre Oussama ben Laden le 2 mai dernier au Pakistan contenait des contacts avec un groupe d'activistes lié aux services de renseignement pakistanais, a rapporté jeudi le New York Times, citant de hauts responsables américains. L'armée pakistanaise s'est indignée des "insinuations" du quotidien. Les données de l'appareil indiquent que le groupe Harakat-ul-Mujahedeen faisait partie du réseau de soutien de l'ex-chef d'Al Qaïda, tué par les forces spéciales américaines, soulignent ces responsables ainsi que d'autres non divulguées par le journal. Le téléphone appartenait à l'un des messagers de Ben Laden qui a également été abattu par le commando des Navy Seals dans la résidence d'Abbottabad, au nord d'Islamabad. En vérifiant les appels passés à l'aide de ce portable, les spécialistes américains ont établi que des chefs du groupe Harakat avaient téléphoné à des responsables du renseignement pakistanais, explique le New York Times, citant les hauts responsables américains. Ces derniers précisent que les contacts ne concernaient pas forcément Oussama ben Laden et qu'il n'existe pas de preuve irréfutable montrant que les services pakistanais ont protégé Ben Laden, poursuit le quotidien" dit intégralement le communiqué, histoire d'enfoncer l'Harakat-ul-Mujahedeen sans faire de même avec l'ISI... visiblement ménagée sur le coup ! Déjà une grosse faille est apparue dans la théorie du "courrier" ne communiquant que par bouts de papiers avec son chef suprême : la divulgation en photo de l'énorme coupole de réception et de transmissions radio, télévisée et téléphonique équipant la dépendance de la villa d'Abbottabad a dû y être pour quelque chose... Visiblement aussi, la "découverte" tardive du téléphone sert surtout à mouiller l'ISI, et rien d'autre ! A noter enfin que ce sont les "américains" qui ont décrypté les appels, ce qui laisse entendre qu'il sont capables d'aller puiser comme ils le veulent chez les FAI pakistanais : le père de Nicholas Schmidle sert au moins à quelque chose, et depuis Echelon, la surveillance mondiale des communications n'est pas une invention de journalistes !!!

Car l'histoire du téléphone analysée finement ici par Muhammad Abd al-Hameed ne tient en effet pas debout : "le Bureau du Singapour Computer avait préparé une base de données des véhicules à moteur, il ya 20 ans de cela. Le chef du bureau avait expliqué fièrement à un visiteur que l'ensemble des données était maintenant disponible pour enquêter sur le vol et d'autres crimes. "Comment pouvez-vous accéder aux données ?" lui avait demandé un visiteur. "En entrant le numéro de plaque d'immatriculation », répondit-il. "Que faire si la plaque a un faux numéro alors ?" La bouche était restée sans voix. Il ne lui était jamais venu à l'esprit que les fausses plaques étaient tout à fait communes et que les données devaient être accessibles aussi en entrant le numéro de châssis, numéro du moteur, etc" Les experts de la CIA ne sont pas meilleurs. Si quelqu'un a acheté un ordinateur portable, obtenu une connexion Internet sans fil et, après avoir passé par plusieurs mains, l'ordinateur a fini avec Oussama, comment pourraient-ils connaître l'utilisateur final ? De même, quelqu'un dans un endroit lointain pouvait acheter les cartes SIM mobiles, qui sont treize à la douzaine, les activer et de transmettre à Oussama. Oussama pourrait utiliser une carte SIM seule fois, puis la détruire. Comment la CIA aurait pu le localiser ? L'histoire de la messagerie Oussama tracée à travers un téléphone mobile n'a pas de sens. Il ne pouvait pas être assez stupide pour utiliser une carte SIM plus d'une fois de trop à Abbottabad. Même si les appels téléphoniques en arabe ont été enregistrées, la CIA n'aurait pas pu faire beaucoup pour les utiliser. Les agences américaines ont déjà des enregistrements d'appels téléphoniques de centaines de milliers d'heures dans les langues de notre région, en attendant d'être transcrites (à faire uniquement par des citoyens américains pour des raisons de sécurité). Pendant le temps, où leur transcription puisse être terminée, tous les agents d'al-Qaïda serait morts de mort naturelle. Il est également étonnant que les Américains ne pouvaient pas localiser un récepteur d'antenne satellite dans la maison d'Oussama qui captait les chaînes arabes la plupart du temps. Il ne devaient pas être nombreux à Abbottabad, ou même dans l'ensemble du pays. Lorsque la US National Security Agency prétend capter un simple téléphone fixe partout dans le monde, est ce que cela aurait était plus difficile à faire de suivre un signal numérique à partir d'un satellite à un récepteur ? Même le satellite avec la plupart des chaînes arabes, Arabsat, était plutôt connu," termine Muhammad Abd al-Hameed.

On n'en a pas encore terminé pour autant avec les délires de Schmidle. Un journal va en retrouver un bel exemple. "Les comptes-rendus contradictoires du raid Abbottabad ont émergé dans les derniers jours. Un récit fascinant de la semaine dernièrepar Nick Schmidle du New Yorker (voir ici) suit la même histoire que celle donnée par les autorités américaines aux médias après le raid. Dans ce récit, "les analystes de la C.I.A. ont cru qu'ils avaient mis en évidence le courrier de Ben Laden, un homme dans la trentaine nommé Abou Ahmed Al-Koweïti. Al-Koweïti conduisait un S.U.V. blanc dont le couvre-roue de secours arrière était orné d'une image d'un rhinocéros blanc. Le C.I.A. a commencé à suivre le véhicule. Un jour, un satellite a capté des images du SUV entrant dans une vaste enceinte de béton à Abbottabad. Des agents de surveillance aérienne ... ont été alors utilisés pour surveiller la villa, qui consistait en une maison de trois étages principale, une maison d'hôtes, et quelques dépendances ... al-Koweïti et son frère allaient et venaient, mais un autre homme, vivant au troisième étage, le l'a jamais quitté. Ce troisième individu ne s'aventurait pas à l'extérieur, il est resté derrière les murs de la villa. Certains analystes ont spéculé que le troisième homme était ben Laden, et l'agence l'a surnommé "la Pacer."

Drôle d'histoire encore, et.... encore également la recopie d'un texte venu d'ailleurs par notre rédacteur officiel note le journal. "Mais est-ce vraiment ce qui s'est passé ? Rob Crilly croit qu'il avait vu la vraie histoire dans le Telegraph. Il cite Rae Lynn Hillhouse, une analyste de la sécurité américaine, qui affirmait également : "mes sources me disent que l'informateur a affirmé que les Saoudiens payaient l'armée pakistanaise et l'intelligence (ISI) pour essentiellement abriter et garder Ben Laden en résidence surveillée à Abbottabad, une ville avec une telle concentration élevée de militaires dont on m'a dit il n'y en avait aucun équivalent aux États-Unis." Selon elle, donc, Islamabad avait approuvé le raid. Chez les commentateurs plutôt de droite, l'histoire ira bon train en effet : "ce que je trouve inquiétant, c'est que l'administration sait que de grandes parties de l'histoire de la recherche et de la découverte de ben Laden sont de la fabrication et qu'elle est très attentive à la vente de cette histoire inventée au public américain », dit-elle. Cela ne consiste « pas à cacher les détails clés opérationnels ou les capacités utilisées, mais plutôt pour satisfaire les besoins de relations publiques d'une campagne de réélection. Les Soviétiques n'auraient pas fait un meilleur travail" commente l'acerbe RJ Hillouse en personne dans son blog réputé (The Spy Who Billed Me). Mais il est vrai que plusieurs éléments penchent en la faveur d'une ISI mise au courant au préalable de l'intervention.

Une histoire de suivi satellitaire qui avait été pourtant démentie par le New-York Times le 2 mai, le lendemain même de l'assaut : ce n'était pas un satellite mais tout simplement un espion sur place qui avait repéré la voiture. Selon certaines thèses, un accrochage à un carrefour aurait permis de prendre des photos du véhicule à Peshawar. "Pendant des années, la recherche angoissante d'Oussama Ben Laden revenait sans cesse vide. Puis en juillet dernier, des Pakistanais travaillant pour la Central Intelligence Agency ont suivi une Suzuki blanche naviguer dans les rues animées près de Peshawar, au Pakistan, et ont noté la plaque d'immatriculation de la voiture" affirme le NYT. La thèse sera reprise ici également. On est déjà sur deux versions différentes... encore une fois, Schmidle ajoutant sa touche personnelle avec un détail précis : l'arrière de la voiture était selon lui reconnaissable entre mille, grâce à un dessin figurant sur son cache-roue de secours. Celui d'un logo de rhinocéros reconnaissable, certes, à part que c'est celui générique de la gamme de petits 4x4 de chez Suzuki, depuis le premier Samourai jusqu'au Vitara, et que c'est même devenu le nom de clubs d'afficionados, au point que Suzuki est aussi depuis devenu le partenaire d'associations de sauvegarde des rhinocéros !  Le détail précis de Schmidle tombe donc à l'eau : le cache-pneu arrière estampillé d'un rhino n'a rien d'exceptionnel : notre homme a su feuilleter les catalogues d'armement, mais, visiblement, les voitures japonaises, même construites au Pakistan, ce n'est pas son truc...

Schmidle semblait avoir oublié que dans le premier ouvrage qu'il avait écrit, au Pakistan, il voyait des Suzuki partout : "des immeubles blanchis à la chaux bordaient les rues environnantes. Panneaux d'affichage modélisant le visage d'Altaf, plus qu'ils ne faisaient la publicité pour des produits, et le drapeau blanc, vert, rouge et rayé du MQM flottaient aux lampadaires, aux feux de circulation et aux antennes de voitures. Des berlines Suzuki omniprésentes tournaient autour d'une fontaine asséchée, couleur des nuages ​​de pluie. Une sculpture d'un poing se dressait depuis au sommet de la fontaine".  C'est dans le même ouvrage pourtant ("To Live or to Perish Forever : Two Tumultuous Years in Pakistan") que Schmidle affirmait que le trafic d'héroîne nourrissait Al-Qaida et les talibans, en négligeant aujourd'hui de voir sur les photos du raid une balance bien visible de trafiquant de drogue... notre rédacteur a bien la description orientée, négligeant les détails vitaux et s'apensantissant sur d'autres anodins, dans le but évident d'éviter les sujets embarrassants. Les deux voitures vues devant la maison d'Abbottabad étaient en fait une Suzuki modèle Potohar (c'est une Suzuki SJ30 locale, hyper-répandue au Pakistan, les modèles portant "rhino" étant bel et bien légion !) portant comme plaque le numéro RIA-3676 (et le fameux cache rhino) et un Suzuki Carry Van numéro de plaque M-7743, utilisé paraît-il par les deux frères ayant acheté la maison. Rien de très luxueux, une façon plutôt de se faire... discret. C'est dans le van qu'étaient emmenés chaque jour à l'école les enfants, avaient remarqué les voisins immédiats de la bâtisse.

Selon le même journal anglais, The Telegraph, ce n'était pas Al-Koweiti qui avait mené à Abottabad. Là, cela devient encore plus passionnant comme théorie. Pas Al-Koweiti, donc, mais un autre :"le dossier laisse supposer que l'identité du courrier a été fourni aux États-Unis par une autre source-clé, Hassan Ghul, membre d'Al-Qaida qui a été capturé en Irak en 2004 et interrogé par la CIA. Ghul n'a jamais été envoyé à Guantanamo, mais on croit savoir qu'il l'a été dans une prison au Pakistan. Il a dit aux Américains qu'Al-Koweiti voyageait avec ben Laden. "Al-Koweiti a été vu à Tora Bora et il est possible qu'il ait été que l'un des individus [al-Qahtani] ont rapporté accompagnant UBL [ben Laden] à Tora Bora, avant la disparition de Oussama ben Laden." L'image qui émerge à partir du fichier de Guantanamo 'al-Qahtani appuie les déclarations faites dans les dernières 24 heures par les autorités américaines, qui a nommé Ghul comme la « cheville ouvrière » dans l'opération de renseignement pour trouver ben Laden." Ok, pourquoi pas. Mais la thèse de Ghul possède une faille importante : comment donc Al-Koweiti et Ben Laden voyageaient-ils ? Bonne question, à laquelle l'administration d'Obama mettra à peu près un an à répondre. En inventant une nouvelle histoire. Dans le genre abracadabrantesque, celle-là sera tout simplement... superbe ! 

Le choix de Ghul est aussi imparable : capturé paraît-il en 2004 en Irak, on ne possède depuis aucune information sur lui, à part l'annonce de sa capture. Comme prisonnier fantôme, il bat à lui seul tous les records d'invisibilité ! Presque aussi fort que Ben Laden ! Mieux encore en ce qui le concerne : ce n'est que le 3 mai 2011, soit deux jours APRES le raid, qu'il avait fait parler de lui, via une information "sortie de manière non intentionnelle" (en résumé, une fuite organisée !) par les autorités américaines : on admirera le procédé, celui de la fausse information sortie et contrôlée !!! Voilà un gars dont on n'aura rien entendu pendant sept années, et qui réapparaît tout à coup avec la seule volonté de ceux qui sont censés le détenir ! Censés, oui, car le flou complet demeure sur le sort du personnage : il pouvait être aussi mort que Ben Laden, car jamais une quelconque information n'a transpiré sur son sort depuis des années !!! Mettre à contribution de la preuve de l'existence dans la villa de Ben Laden un fantôme, voilà qui montre assez bien je pense le manque cruel d'arguments sérieux des américains pour étayer leur thèse !

Ghul était-il un enjeu entre la CIA et L'ISI ? Chez Associated Press, voici comment on avait résumé le personnage le 15 juin, 14 jours après le raid d'Abbottabad : "Après le 11 septembre 2001, Ghul s'est caché à Lahore, au Pakistan, dans des "refuges" ("safe houses") gérées par le groupe pakistanais Lashkar-e-Toiba (LeT). Ce groupe contribue à al-Qaida en Afghanistan et a permis à de nombreux militants de s"en échapper vers le Pakistan après le 11 septembre, et il a même aidé Zubayda à s'échapper et se cacher (fin 2001-début 2002). Toutefois, l'ISI a refusé d'arrêter Ghul. L'Associated Press rapporte que "d'anciens officiers de la CIA qui ont ciblé Ghul ont dit qu'il avait des liens avec le groupe terroriste Lashkar-e-Toiba, qui a eu le soutien de l'ISI." La CIA avait appris que Ghul voulait rencontrer des membres d'Al-Qaïda pour lutter contre les forces américaines en Irak. Ghul a été capturé en Irak le 23 Janvier, 2004. Toutefois, le gouvernement pakistanais s'est dit furieux que Ghul ait pu être capturé, en pressant les États-Unis de le renvoyer. Les Etats-Unis l'ont transféré dans une prison secrète de la CIA au lieu de le remettre aux pakistanais". A cette époque, le lien entre l'ISI et le Lashkar-e-Toiba (LeT) est donc déjà établi pour les USA. Ce qui n'empêchera en rien de rendre responsable l'ISI de l'attaque de Mumbaï de 2007, faite par des membres du groupe : à moins que les USA eux-mêmes y aient participé ou l'aient laissé faire.... On revient à l'histoire tortueuse de Michael Headley, encore une fois !!!

Même sur un site pro-bush, comme Global Djihad, on hésite sur le sort de Ghul ; c'est dire à quel point son dossier est flou. "Aujourd'hui (05/2008), il n'est pas clair si Hassan Ghul est encore en vie. Si c'est le cas, il est probablement détenu dans une prison secrète de la CIA quelque part dans le monde. Hassan Ghul a été, sans doute, juste un convoyeur sans importance particulière autre que les documents qu'il transportait avec lui. Selon anciens et actuels responsables du renseignement aux USA, en 06/2011, Hassan Ghul a rejoint Al-Qaïda après que l'administration Bush sous pression l'ait libéré d'une prison secrète de la CIA en provenance du Pakistan. La CIA a retourné Al-Qaïda Hassan Ghul à son Pakistan natal peu de temps après les Etats-Unis aient décidé de fermer leurs prisons secrètes en Europe de l'Est, au début de 2006. Les fonctionnaires déclarent que le Pakistan ont obtenu Hassan Ghul au moins un an avant qu'il a finalement été libéré, sur le chemin du retour à Al-Qaïda. Il est également possible que la CIA ait recruté Hassan Ghul comme un informateur, directement ou que la CIA croyait que les Pakistanais allaient se servir de lui comme d'un informateur et qu'il partagerait l'information avec les USA, sinon il n'y avait aucune raison de les Pakistanais pour demander sa libération, ou d'un autre côté aux Etats-Unis pour le libérer".  Le double-jeu est toujours sous-jacent à ce dossier Ben Laden !

Car faire reposer la traque "réussie" de Ben Laden sur un tel personnage relève en effet d'une belle prouesse, tant les informations parcellaires sont contradictoires à ce sujet comme l'indique ici  :"empty wheel" : "J'ai écrit pas mal sur Ghul, en grande partie parce que son traitement en 2004 semble avoir présenté des problèmes juridiques pour l'administration Bush en ce qui concerne son expulsion d'Irak, ses relations entre le DOD (Department of Defense) et de la CIA, et sur lui-même et la torture, qui est apparue juste au moment où les tensions sur le programme d'interrogatoires prenait naissance. Tout aussi intéressant, Ghul est largement perçu comme ayant disparu (et il y avait en plus des doutes sur son identité). Étant donné le précédent du cheikh Ibn Al-Libi, où on a fait disparaître puis fait "suicider" un détenu portant la plus gênante des informations-Ghul reste un détail-clé inexpliqué. Je m'étais, demandé, dans le passé, si les revendications que Ghul avait servi comme envoyé d'Al-Qaïda pour Abou Moussab al-Zarqaoui étaient exagérées (ce qui fournirait une explication de sa disparition), mais Ghul connaissait Al-Koweïti (la capture d' Al-Libi a eu lieu neuf mois après, au moment même où l'interrogatoire de Ghul semblait avoir commencé pour de bon) ce qui semble confirmer qu'il ne serait pas ce qu'il a dit qu'il était : quelqu'un qui avait des liens réels avec les leaders d'Al-Qaïda. Mais voici l'autre point remarquable. Ghul à été le dernier à savoir si le britannique d'Al-Qaïda, Rangzieb Ahmed, qui a affirmé avoir été détenu avec lui au Pakistan en 2006-2007, après quoi Ghul aurait été déplacé, disait vrai. Mais selon un tweet de Goldman hier, après avoir passé du temps en Roumanie (**), Ghul aurait été libéré. Compte tenu en particulier de l'exposition juridique que l'administration Bush pourrait avoir spécifiquement avec Ghul (...) je trouve cela remarquable." Prisonnier ou dans la nature, après avoir été enfermé dans une prison secrète en Roumanie... le sort réel de Ghul n'est toujours pas fixé.

En 2009 on s'était déjà aperçu du problème Ghul chez l'actif ProPublica  : " Parmi les mémos OLC (ceux obtenus par le biais de l'Office of Legal Counsel), publiées aujourd'hui, on semble révéler par inadvertance que le responsable suspect d'Al-Qaïda capturé dans le nord de l'Irak en Janvier 2004 a été emmené par la CIA dans une prison secrète. Après qu'Hassan Ghul ait été arrêté au début de 2004, le président Bush a déclaré aux journalistes : « La semaine dernière nous avons fait de nouveaux progrès pour rendre l'Amérique plus sûre quand un dénommé Hassan Ghul a été capturé en Irak. Hassan Ghul renvoyait directement à Khalid Sheik Mohammed, qui était le. le cerveau des attentats du 11 septembre. Il a été capturé en Irak, où il aidait Al-Qaïda pour faire pression sur nos troupes. "Les responsables militaires et l'ex-directeur de la CIA George Tenet ont décrit Ghul en tant que "facilitateur d'Al-Qaïda" qui livrait de l'argent et des messages aux dirigeants de haut niveau. Le gouvernement américain n'a jamais discuté publiquement de nouveau à propos de Ghul. Le rapport de la Commission du 11 Septembre 2001 a déclaré que Ghul était en « détention aux États-Unis." Mais le gouvernement lui-même jamais discuté de la localisation exacte de Ghul. Et la CIA n'a jamais reconnu détenir Ghul". En gros, un président américain a affirmé un jour un prisonnier, s'en est même vanté en affirmant que le monde serait plus sûr avec son incarcération... et depuis le pays nie l'avoir jeté en prison ! Incroyable duplicité, manipulation évidente !

En somme encore, l'une des principales sources ayant servi à coincer Ben Laden était lui-même un fantôme, dont la CIA pas plus que le gouvernement US n'étaient capables de prouver l'existence, ou le fait qu'il soit simplement détenu, voire encore vivant !!!! "Trois ans après sa capture", poursuit Pro Publica, "des groupes de défense des droits ont été surpris quand Ghul n'a pas été inclus parmi les 14 détenus de grande valeur qui ont été transférés par la CIA hors du programme des prisons étrangères et envoyés à Guantanamo Bay, à Cuba, en 2007. Depuis lors, il a été considéré comme disparu, ou un détenu fantôme. Mais dans la note fortement expurgée de l'OLC datée du 30 mai 2005, les censeurs du gouvernement semblent avoir raté une petite référence à son nom et sa détention au cours d'une longue description des techniques d'interrogatoire utilisées contre lui. La référence peut être trouvé au bas de la page 7 dans le mémo, où nom Ghul est épelé "Gul." Bref, il y était... sans y être ! Reste à savoir ce qu'aurait dit ce fantôme, justement !!! Notamment sur les déplacements prétendus de son leader !

Cette histoire de voiture, l'air de rien est assez vitale, car on voit mal un leader d'organisation passer cinq années au frais en haut de son troisième étage, et d'y vivre en reclus sans rencontrer ces fidèles de temps à temps à l'extérieur. Nicholas Schmidle ne répondant pas dans son texte à la question, une étrange théorie va apparaître pour l'expliquer, quelques mois plus tard, et même plutôt une année après seulement : la faille était devenue trop grande dans le récit de Schmidle, une correction s'imposait. La nouvelle version proposée, fort tardive donc, est encore plus étonnante encore, et nous rappelle un des éléments dont je vous avais fait part, employé par les Talibans pour faire passer des bâtons de dynamite fabriqués au Pakistan (dans une usine Nobel !) vers les talibans afghans. Un colmatage de plus, avec une histoire encore plus étonnante que les précédents bobards.

C'est le Sunday Times (repris ici par Ynet News, ravi de l'aubaine), qui un an après les faits va "résoudre" ce problème évident de faire sortir Ben Laden de sa cachette pour aller donner des ordres oraux ou participer à des Shurahs locales pour donner son avis. Son récit sera... grotesque, ajoutant encore une pièce rapporté à ce patchwork édifié pour vendre des salades sur la présence de Ben Laden sur pace. "Oussama ben Laden a réussi à éviter les forces de sécurité américaines en se déplaçant inaperçu entre des maisons "sûres" au Pakistan dans une grande boîte cachée dans un camion rempli de couleurs vives avec des poulets, explique le Sunday Times, citant des sources talibanes" (ce qui est plutôt difficile à croire comme "source" qui révélerait un moyen de se dissimuler !). Selon le rapport du journal britannique, la boîte a été conçue par Abu Ahmed Al-Koweïti, homme de confiance de ben Laden, qui a également mis en place la maison à Abbottabad où le chef d'Al-Qaïda a vécu pendant cinq ans jusqu'à ce qu'il a été tué en mai dernier par les Seals de l'US Navy. Al-Koweïti a déplacé Ben Laden en ajustant la boîte sur le plancher de l'un des camions décorés avec ce que sont une vue commune sur les routes du Pakistan, selon le rapport. La boîte était cachée sous des cargaisons de ciment, de farine ou de riz - ou même en dessous d'animaux d'élevage tels que les chèvres, les moutons ou des poulets. Selon le magazine Newsweek, l'arnaque a été divulguée lors d'une réunion de talibans tenue près de Miranshah, au cœur du Pakistan, au Nord-Waziristan, à l'automne dernier. Lors de la réunion, Al-Qaïda et les terroristes talibans ont discuté des moyens pour protéger Ayman al-Zawahiri, le successeur de Ben Laden. Malgré cette méthode ingénieuse de transport d'Al-Koweiti, ils ont blâmé son manque d'intérêt pour la sécurité de Ben Laden, le Sunday Times. Selon le rapport, une enquête d'Al-Qaïda a conclu qu'il a fait des erreurs de sécurité de base qui ont conduit la CIA à Ben Laden : il a conduit la même voiture à chaque fois qu'il a visité la villa fortifiée d'Abbottabad et utilisé un téléphone portable qui pourrait être suivi." Des talibans qui reprennent mot à mot la thèse élaborée par les américains (et les informent de leurs failles !!!) , avouez que ça devient croquignolet. Ou complètement risible, à croire que les rigolos du National Lampoon avaient vu juste dans leur sketch !!! Ben Laden détournant le "truck art", on aura tout lu sur ce phénomène !!!

Ces fameux camions au faux plancher, je vous les avais décrits ici, le 13 avril 2009, à la suite de la lecture du formidable Michael Yon, ce reporter indépendant qui avait eu maille à partir avec l'armée américaine dont il couvrait parfaitement pourtant les actions (tel son fabuleux reportage sur les infirmiers héliportés, un modèle du genre !). Celui surpris par Yon est en photo en haut de ce texte. Mais c'était pour un tout autre usage. Les story-tellers US ont visiblement mis à profit les descriptions de Yon et se superbes photos pour élaborer ce nouveau récit abracabrantesque qui tente de colmater une brèche sérieuse dans le récit d'un Ben Laden chef de guerre ne voyant ou ne rencontrant jamais personne parmi ses troupes... ce qui semble difficile à faire pour un vrai chef de guerre : d'où le "patch" apporté au texte de Schmidle, permettant au reclus de s'échapper régulièrement de chez lui. A l'intérieur du camion saisi en 2009, à la place d'un Ben Laden, c'était farci d'émulite. Un explosif que connaissent bien les pakistanais. Car ils le fabriquent en quantité dans le pays.

"De l’émulite. Qui se présente sous la forme d’une émulsion, d’un colloïde épais, qui prend l’aspect ici d’une matière souple, un plastique presque liquide. Un explosif très utilisé dans les mines ou dans les démolitions,et très précisément décrit dans le livre "Explosives&blasting technique" édité par Roger Holmberg . Dans le véhicule, sur la seule couche visible (on suppose qu’il y en a plusieurs, le plancher est surélevé d’une dizaine de cm), on dénombre environ 400 charges. Sur trois épaisseurs, on dépasse le millier... de quoi faire sauter... à vous de l’imaginer, je ne suis pas expert en explosifs. Même avec une seule "couche" de sachets, on est à 50 kilos d’explosifs, et à 150 logiquement en tout, sinon davantage. Sachant que ces sachets servent habituellement d’amorce à des volumes composés d’ammonium (de l’engrais) et de fioul, on imagine les dégâts possibles... à Kaboul. Les bâtonnets pakistanais saisis, signale Michael Yon, viennent d’éviter un carnage évident. Un berger allemand vient encore de sauver des centaines de vies. Pour mémoire, pour l’hôtel Marriott on avait cité 600 kgs d’explosifs, du nitrate d’ammonium/fioul, dopé à l’aluminium...

Un transport dissimulé d'explosifs expliquant bien des évenements et des attentats. "Cette fameuse émulite, on la trouve en fait un peu partout en Afghanistan. Sur un cliché saisissant de soldat australien, prise en 1989, voici déjà vingt ans donc, dans un bazar de la région de Khyber, on trouvait une vieille mitraillette Sten anglaise, une AK-47 récente et des cartouches du fameux explosif, sagement rangées sur une étagère.... L’émulite sert aussi de pré-allumage (booster) pour de plus fortes charges de type ANFO, le célèbre mélange nitrate d’ammonium et de fioul préféré des auteurs...d’attentats en Corse : on pense plutôt automatiquement à l’explosion de l’hôtel Marriott (à Islamabad !) qui avait été si dévastatrice et avait connu ce genre d’amorçage en deux temps. Une émulite produite par une société fort particulière : "La Wah Nobel possède a sa tête le Général Syed Sabahat Husain, qui est à la direction également de la POF. La "Pakistan Ordnance Factories", à savoir les usines d’armement officielles de l’état pakistanais. Personne ne s’est jamais inquiété de le vérifier : l’homme qui est à la tête d’une industrie d’armement étatique est aussi à la tête d’une entreprise privée d’explosifs du groupe Nobel ! " Et cela aussi, les américains l'auraient ignoré ? Difficile à croire ! Les deux, la CIA et l'ISI, sont bien de mèche (c'est bien le mot !) depuis longtemps !

L'affaire d'Abbottabad, qui sent la magouille, on l'a vu, va attirer plusieurs mouches. Et Schmidle faire un émule... pakistanais. La seule version officielle doit avoir ses supporters ; et un homme du cru serait parfait. Au Pakistan même, en effet, un homme, Mansoor Ijaz, va reprendre intégralement la thèse de Schmidle, et en faire un lobbying intense, notamment au sein du très écouté Financial Times. Selon lui, le président Asif Ali Zardari, aurait même téléphoné à Obama juste après le raid en craignant un coup d'état des hommes de l'ISI, en réponse à cette attaque. Visiblement, il comptait régler le compte définitivement de l'agence des services secrets pakistanais en se servant du fiasco de la découvert de l'habitat d'Oussama. En demandant à Obama d'aller plus loin donc encore vis à vis du Pakistan : un va-t-en-guerre de plus !

Or cet homme n'est pas un inconnu. C'en est un surtout qui raconte beaucoup d'histoires invérifiables, dans lesquelles il se met en sitiuation bien entendu. Il a prétendu ainsi avoir négocié avec le Soudan la capture de Ben Laden sous le gouvernement de Clinton. En fait, en 1990 il avait offert 525 000 dollars au parti démocrate pour sa campagne électorale. Or au même moment, il était (et est toujours) à la tête d'une société d'investissement spécialisée dans la fourniture de matériels de sécurité liés au Homeland Security, Crescent Investment Management LLC. Il avait tout intérêt à pousser le bouchon de l'antiterrorisme (et donc du terrorisme !)... En 1992, il était même devenu un "expert" télévisé sur l'invasion de l'Afghanistan, au nom de la très décriée "Benador Association" (lire ici ce qu'elle représente). L'homme, indique le blog, est, "comme James Bond, un « homme du mystère international  ». Dans les années 1990, Mansoor Ijaz a mené des négociations secrètes entre le gouvernement et le Soudan et le président Clinton pour donner d'Oussama ben Laden aux Américains, mais Washington ne voulait pas l'écouter. En 2000, il a secrètement négocié un cessez le feu entre les militants cachemiris et les forces indiennes. Et, cette fois il s'est souvenu alors qu'il l'avait oublié, qu'il était un messager secret entre Islamabad et Washington après l'opération d'Abbottabad. Ses missions étaient tellement secrètes que personne ne savait rien à leur sujet, sauf lui", raille le blog qui fait état de ses prétendues expéditions, en moquant au passage... Schmidle : "Mansoor Ijaz est aussi, comme Nicolas Schmidle, un conteur. En 1999, il a dit à News Hours que « son père était l'un des fondateurs du programme nucléaire pakistanais". En 2004, il a récité en larmes la façon dont son père n'avait pas pu « réaliser son rêve d'aider son pays devenir une puissance nucléaire pacifique". En 2007, Mansoor Ijaz a écrit que Benazir Bhutto, "a pillé le trésor, a déclenché un conflit avec l'Inde au Cachemire pour couvrir ses malversations financières et a ignoré les besoins fondamentaux - Emplois, éducation, soins de santé de base - de son peuple", et a déclaré que "le Pakistan exige une révolution, pas un tas de has-been, des politiciens corrompus qui défendent leur propre intérêt et du bout des lèvres prétendent qu'ils veulent réparer ce qu'ils ont défait. "Après sa mort, quelques mois plus tard, son histoire a pris un ton différent." Ses dernières révélations surviennent à un moment curieux. Juste au moment où l'Amérique et les agences du Pakistan semblent se tourner autour de ce qui était une relation aigre, vient le long plaidoyer de Mansoor Ijaz qui se souvient de ce qu'il avait oublié la dernière fois qu'il a écrit le même article pour attaquer l'ISI - article que les civils à Islamabad s'étaient arraché."

Schmidle, n'est donc pas le seul à raconter n'importe quoi. Mais les deux personnes possèdent le même intérêt. Celui de s'attaquer en priorité à l'ISI : c'est service secret contre service secret, même si les deux ont joué avec la même image pour satisfaire leurs intérêts propres : les deux agences avaient intérêt à maintenir un cadavre en vie dans les médias. Dans le genre, le Telegraph ira plus loin encore, affirmant que cette même ISI avait réclamé la part de la rançon pour la capture de Ben Laden, une autre version inversant le procédé en racontant que ce sont les USA qui ont proposé de l'argent à l'ISI pour noyer le poisson d'un Ben Laden découvert : "Après avoir confirmé la présence de Ben Laden dans la ville militaire, les Etats-Unis ont approché les chefs militaires du Pakistan pour obtenir leur coopération en échange d'argent et une chance d'éviter l'humiliation publique, selon le récit du Dr Hillhouse. Nous ne savons pas ce qui s'est passé pendant des années et dans les mois qui ont précédé cette nuit fatidique à Abbottabad." Nous ne le savons pas, mais nous avons de forts doutes... à voir le nombre de tentatives ratées pour sortir une version qui se tienne du raid d'Abbottabad, d'un côté comme de l'autre (remarquez, cette dernière laisse entendre qu'il y aurait eu accord entre l'ISI et la CIA sur l'obtention de Ben Laden, c'est déjà ça) !

Et comme celles rajoutées, telle l'histoire du véhicule au rhinocéros, ou le cercueil ambulant de Ben Laden ne suffisent toujours pas, on va en rajouter encore une : celle d'une vaccination qui aurait permis de repérer l'ADN des enfants de Ben Laden. Mais celle-là, nous y viendrons un peu plus tard si vous le voulez bien, pour clore ce long chapitre de mensonges accumulés. Mais avant nous allons reparler hélicoptère, je pense...

(*) c'est comme ça en tout cas que présente l'histoire la presse américaine, toujours prompte à rabaisser l'image de marque du leader déchu. Un posteur ayant de l'humour ajoute : "j'espère que la boîte (dans laquelle il se cachait) était assez grande pour contenir ses multiples femmes"... un autre aujoutant : "ça n'a aucun sens. Personne ne vit dans le même endroit pendant cinq ans lorsqu'on est chassé par toutes les organisations de renseignement du monde chrétien. Je pense qu'OBL est décédé il ya une décennie, que les pakistanais ont fabriqué un double pour faire durer la guerre, nous allons le savoir un jour, et Obama a sciemment tué le double et se vante d'avoir tué l'OBL Vraiment".

(**) sur la prison roumaine et ses 6 cellules :

http://www.bbc.co.uk/news/world-europe-16093106

http://www.cbsnews.com/8301-202_162-57339168/inside-romanias-secret-cia-prison/

http://www.youtube.com/watch?v=AADf-8h04ng