Les américains et l’ISI ont toujours su où était Ben Laden (XVII)
L'attaque d'Abbottabad n'a pas été la seule du genre, semble-t-il : d'autres leaders talibans, en Afghanistan, ont fait l'objet de raids meurtriers et n'ont pas été tués par des attaques de drones, mais bel et bien supprimés, au nom de la théorie du général McCrystal comme quoi cela épargnait des vies humaines en évitant le bombardement des populations, ce qui est spécieux, comme argument, au décompte des victimes civiles des Predators. Derrière ces assassinats, la CIA s'est toujours montrée très active, en cartographiant au Pakistan les routes possibles d'intervention, lors des opérations d'aide humanitaire lors des deux grandes catastrophes qu'a connues le pays, le tremblement de terre de 2005 et les inondations de 2010. La CIA, et une compagnie spécialisée complète dédié aux raids, la Task Force 373, devenue emblématique de la pratique. Une véritable équipe de tueurs, qui, systèmatiquement, avant le retrait définitif d'Afghanistan, supprime tous ceux qui, jadis, ont été, un jour où l'autre, les alliés talibans des américains, en solde de tout compte d'une guerre démarrée par un mensonge.
L'affaire de Damadola avait été cependant bien suivie, et avait révélé de belles choses : derrière la mission ratée, il y avait bien la CIA, et un homme surtout, "venu du froid pour souffler le chaud". "L'un des golden boys de la CIA est Henry « Hank » Crumpton, salué par le Washington Post comme un maître "vénéré des opérations secrètes de la CIA ... sur au moins quatre continents ... qui a récemment revenu du froid ... pour prendre le travail comme coordinateur pour la lutte antiterroriste, au département d'Etat, avec le grade très public d'ambassadeur ". Il est probable que l'ambassadeur Crumpton a ordonné les meurtres à Damadola. Comme pour détourner l'examen de ce crime, il est allé apeurer les médias avec de sévères avertissements comme quoi l'Occident sera bientôt frappé par une attaque majeure à partir d'un des terroristes. Il pourrait s'agir d'anthrax, dit-il, ou peut-être des ADM, même nucléaire, bio-tech .... A-t-il parlé de la grippe aviaire ? Pas sûr, mais il estime qu'Oussama ben Laden est toujours vivant ... et actif. Faire remonter la jauge de la crainte plus haut. En ce moment même, une bande enregistrée d'Oussama vient de débarquer sur Al Jazeerra." note un journaliste corrosif (richard neville), qui ajoutait : "toutefois, un journaliste local, Hayatullah Khan, a recueilli des fragments sur place qui s'avèrent être celle d'un missile fabriqué aux États-Unis et des photos qui se sont révélées -celles d'une attaque aérienne. Le 5 décembre, il a été enlevé par des hommes armés et est toujours porté disparu". Le dernier journaliste a avoir enquêté sur les drones et les liens entre l'ISI et la CIA ; l'excellent Syed Salem Shahzad, qui le était rédacteur en chef d'Asia Times, l'a payé de sa vie, ce que je vous avais aussi rappelé.
Pas plus la CIA que l'ISI ne voulait révéler l'implantation des drones tueurs dans le pays, selon un "contrat" passé, rappelons-le, entre Pervez Musharraf et John Negroponte, âme damnée des necons américains, qui s'était rendu fort discrètement au Pakistan le le 7 novembre 2007 pour entériner les détails des installations. "Il déclarait alors", vous avais-je dis, "ce Negroponte, que "Les chefs d’Al-Qaïda sont cachés au Pakistan d’où ils revitalisent leur réseau". Ce que s’étaient empressés de nier les Pakistanais : "Faux", a répondu le Pakistan, vendredi. "Nous n’avons aucune information permettant d’affirmer une telle chose." Depuis toujours, Musharraf nie en effet héberger les hommes de Ben Laden, voire Ben Laden lui-même. "Les Etats-Unis ne nous ont pas communiqué ces informations, a affirmé le porte-parole de l’armée pakistanaise à Reuters." Bref, à l'époque, tout le monde démentait. Malgré Google Earth... ou DigitalGlobe.
J'avais relevé ici toute l'ambiguité de l'attitude des uns comme des autres : "pour savoir à quel point c’est tordu comme histoire, je vous invite à retourner lire l’excellent article de mon confrère Charles Bwele sur les suppressions d’images de sites cruciaux pour l’armée américaine. En examinant attentivement les images de Google Earth, on découvre en effet une chose étonnante : au Pakistan, il y a bien des bases militaires et pas mal même. Mais c’est le seul pays où il n’y figure aucun avion de visible, et ce sur un nombre étonnant de pistes. Etonnant Pakistan, qui possède des F-16 invisibles et des drones américains qui le sont tout autant. Pourquoi donc ne rien montrer ? Car, même en Irak, un Predator est visible de satellite, et on vous l’a déjà montré. Seulement voilà : ceux-là ont droit à une existence réelle, les autres pas. Il y a donc deux sortes de Predators pour les Américains : les bons et les mauvais, les visibles et les invisibles. Ceux qu’on peut montrer et ceux que l’on doit cacher (...) Pas de traces, pas de preuves, pas de compromission visible, pas d’ingérence à dénoncer. Et, pourtant, ils sont bien là : le 30 janvier dernier, un Predator envoie un missile Hellfire sur le village de Khushali Torikhel, au Nord Waziristan tuant 12 personnes. Le 17, il en avait déjà tué 20 autres, toujours au Waziristan. En 2005 déjà, on avait prouvé que ces attaques étaient bien celles d’un Hellfire tirés d’un drone, des parties du missile ayant été retrouvées sur place." A chaque fois, ce sont des responsables Talibans ou d'Al-Qaida qui sont visés. Aurait-on songé à d'autres façons de les éliminer ?
Les américains auraient-ils fait ailleurs, notamment en Afghanistan, d'autres raids du même genre que celui d'Abbottabad, combinant attaque au sol et attaque héliportée ? Très certainement. L'un d'entre eux est extrêmement révélateur d'une méthode... et de ses erreurs répétées. C’est en effet une des grosses révélations de Wikileaks. L’existence prouvée d’une compagnie de tueurs ; "la Task Force 373" dont le seul but est d’assassiner discrètement des responsables talibans, à défaut de les tuer sous un déluge de missiles Hellfire, susceptibles de provoquer des dommages collatéraux importants. Un commando, qui ne devrait même pas exister : depuis la création de la loi Church de 1976, et la découverte de l’implication de la CIA dans l’assassinat de Salvador Allende, ou dans celui de Patrice Lumumba, au nom tous les deux d’un anticommunisme primaire, les USA s’étaient dotés d’un arsenal juridique chargé d’interdire cette pratique, qui avait valu à Fidel Castro une bonne vingtaines de tentatives déjouées. Il existe donc néanmoins une compagnie spéciaiisée, dûment poussée par sa hiérarchie (n’oublions pas d’où venait McCrystal !), et qui a agi dans la plus complète illégalité, sans en référer au Congrès ou au Sénat américain. Agissant directement sous les ordres présidentiels. Et l’inertie de la presse sur ses exploits en dit long sur le secret qui a entouré ses actions, mais indique aussi que tout le monde a laissé faire, ravi de se débarrasser de ces indécrottables talibans qui empoisonnent la réussite de l’armée US en Afghanistan. Le dernier problème étant le sommet de l’état, avec le paradoxe évident d’un prix Nobel de la Paix à la tête d’une poignée d’assassins. Des commandos "expérimentés" et "hyperentraînés" auteurs de la mort de 15 membres des forces de police afghane.... au sud-ouest de Jalalabad. Une des nombreuses bavures notées dans des rapports enterrés et dissimulés, qu'à retrouvé Wikileaks.
L’un des rapports présente le bombardement de Kunduz, le 3 septembre 2009. A la recherche de camions d’essence volés par des talibans, les forces de l’Isaf (la force multinationale en Afghanistan) les repèrent la nuit même, sur le bord d’une rivière, bloqués dans la boue. Le rapport assure que les camions sont « entourés par 70 insurgés », qu’il n’y a « aucun civil » et « qu’une attaque aérienne est autorisée ». Le lendemain matin, le rapport cite la presse locale, qui dénombre 60 civils tués, ils venaient tous se servir en essence, dans les camions abandonnés par les talibans. L’après-midi, l’armée en compte 56, aucun d’eux n’est un « insurgé ». Rachel Reid, qui enquête pour Human Rights Watch sur le sujet, en fait part au Guardian :
« Ces documents mettent en lumière une tendance lourde des Etats-Unis et de l’Otan : la dissimulation des pertes civiles. Malgré de nombreuses directives tactiques ordonnant la transparence des enquêtes lors de la mort de civils, certains incidents sur lesquels j’ai enquêté ces derniers mois montrent que ça n’est toujours pas le cas. La responsabilité n’est pas à endosser seulement lorsqu’on se fait pincer. Elle devrait faire partie de la manière dont les Etats-Unis et l’Otan se comportent en Afghanistan quand ils tuent ou blessent des civils. »
Et effectivement, la Task Force 373 est bien elle aussi la spécialiste de la bavure. Les documents de Wikileaks parlent d'eux-mêmes avec cette tentative de capturer un chef taliban (ayant pour nom de code « Carbon) » :
-la TF 373 a été conduite d'une opération 43 km au sud-ouest de Jalalabad (Carbon OBJ)
- La mission était de tuer/capturer le commandant principal Qari Ur-Rahman ou Qari Ziaur Rahman (surnommé "Carbon") responsable des attaques et de leur planification dans le Nangarhar, un cousin d'Anwar al-Haqs.
-Il s'agissait d'une combinaison de forces d'assaut en hélicoptère et au sol.
- Environ une heure après le début de l'opération, l'unité a subi des heurts difficiles et un échange de tirs s'en est suivi.
- Un AC-130 a été engagée sur l'endroit ou des talibans engageaient le combat avec la TF 373 avec armés de SAF et de RPGs.
-Une interception de bavardage ICOM a indiqué les intentions de manœuvre ennemies contre la TF 373.
- l' AC-130 a été engagé et a rapporté des effets positifs sur 3 véhicules venus pour renforcer l'élément engagé avec la TF 373.
La mission initiale a été abandonnée et la TF-373 a rompu le contact et est retourné à la base de la Fenty FOB (le nom de la base de Jalalabad !).
-Il n'y a eu aucune victime de la TF-373 4 x EKIA (pour "Enemy Killed in Action") 1 x Détenu, 3 véhicules x, 5-6 x personnes tuées lors de l'attaque du véhicule un nombre inconnu d'armes légères et d'armes lourdes, des RPG, et 1 radio ont été saisies.
Jusqu'ici, on a donc un compte rendu d'opération ordinaire, qui n'a pas bien tourné et où il a fallu engager un C-130 Spectre, dont on connaît les effets ravageurs : c'est avant tout un canon lourd et des Gatlings emportés par un quadrimoteur apparu dans les dernières heures de la guerre du Viet-Nam, reprenant l"idée du premier à l'avoir fait, un DC-3 (Spooky ou Puff,The Dragon). Un tank volant. Mais le résumé des autorités afghanes est tout autre, car ce jour-là, les fameuses troupes d'élites si chères à McCrysral se sont tout bonnement trompées, et ont attaqué.. un groupe de 15 policiers afghans qui a été littéralement massacré et mis en miettes ! 15, et non pas "5 ou 6 personnes tuées" !!!!
On s'en rend compte dans Wikieleaks avec le compte-rendu résumé de la rencontre avec le Gouverneur Sherzai, ( juin 2007), qui déplore les décès :
"Les personnes suivantes ont assisté à la réunion avec Gov Sherzai : Lt Col Phillips (PRT CDR), LTC Milhorn (TF RAPTOR), Danny Hall (DoS), LTC Muhamadullah (CDR adjoint, Unité 03), et Najib (PRT TERP). Gouverneur Sherzai a commencé la réunion en décrivant l'événement comme un incident malheureux qui s'est produit entre troupes amies et il a en outre souligné qu'il ne voaulait pas voir cela se produire à nouveau. Bien que n'étant pas complètement opposé à des opérations de nuit, il encourage fortement une meilleure coordination. Le Lt Col Phillips a demandé une couverture médiatique et le gouverneur a indiqué qu'il avait pré-enregistré les observations suivantes :
-Les forces de sécurité en Afghanistan ont mené une opération conjointe avec les forces de la coalition (FC) pour lutter contre l'ennemi. Des récentes attaques des talibans sur les points de contrôle de la police, ont eul lieu, ajoutant que de nombreux policiers étaient encore prudents de toute activité dans les zones environnantes
-Le gouverneur a décrit que la patrouille conjointe a reçu des directives erronées résultant en contact étroit avec la police de l'Unité 03. Il a indiqué que Unité 03 réagi en engagent le feu en premier. Les Coalition Forces (CF) ont ensuite répondu lors de l'attaque, ce qui a entraîné de nombreuses victimes. Le gouverneur a décrit cet incident comme un malentendu complet, citant de nouveau les activités récentes des talibans sein de la zone et la réponse immédiate à une menace perçue par les deux forces. Lt Col Phillips a reconnu la préoccupation gouverneurs et réitéré notre appui pour éviter que ce types d'événements ne se reproduise. Le gouverneur a indiqué qu'il avait reçu 2000 $ provenant de l'OGA et lui-même, fait don d'un montant supplémentaire de 10 000 aux familles et aux aînés pour les frais funéraires. Le gouverneur a indiqué que son vice-gouverneur, le chef de la police nationale afghane, et les responsables sur place sont déjà au travail pour empêcher toute manifestation. Le gouverneur a également signalé que le MOI et le bureau du président Karzais avait également été avertis.
-Le gouverneur Sherzai (ici à droite) a indiqué que des Forces de Coalition à Kaboul devraient accueillir une conférence de presse pour éviter que des messages négatifs soient utilisés par les insurgés. Lorsque le lieutenant-colonel Phillips a souligné la nécessité des opérations nocturnes continues, le gouverneur Sherzai n'a pas riposté. Le gouverneur a reconnu que bon nombre des anciens des tribus et des mollahs se sont opposés aux opérations de nuit. Il a ré-insisté sur la nécessité d'améliorer la coordination et le partage du renseignement. Si ce n'est pas fait, de mauvaises choses vont continuer à se produire, at-il dit. Le gouverneur décrit les événements futurs à régler pour un bon nombre des préoccupations nouvelles : Le dimanche 17 juin 2007, il sera l'hôte d'une shura dans l'enceinte de gouverneurs invitant 10 anciens des tribus et des chefs de chacun des 22 districts à travers la province de Nangarhar. Le gouverneur a demandé qu'un officier général puisse être présents à Kaboul (à l'origine citant GEN McNeil). Les médias seront également invités à aucune conférence de presse à suivre. Dans les prochains jours, il accueillera les familles et les soldats de l'unité 03 à la cérémonie de service funèbre et effectuera la solatia (solatia = paiements de condoléances pour le décès de civils causés à tort par les forces américaines) dans un effort pour montrer combien il se soucie de ses enfants (la police)."
C'était donc bien ça : les tueurs s'étaient ce jour-là trompé d'objectif et avaient massacré au C-130 Spectre équipé de canon une compagnie de policiers afghans qui avait pris les troupes au sol du 373 pour des taliabans... ! Des commandos spéciaux de tueurs déguisés, ceux des opérations secrètes. « Find, fix, fin and follow up » (« Rechercher, fixer, éliminer et poursuivre ») est le terme utilisé par le Pentagone pour décrire la mission des unités secrètes en Afghanistan, qui ont reçu un mandat pour poursuivre les membres présumés des Taliban ou d’Al-Qaïda partout où ils peuvent être trouvés. Certains appellent ces opérations « manhunting » (chasse à l’homme) et les unités qui y sont affectées, les équipes de « capture/kill » (« capture/élimination »). Des cibles... nombreuses révélait Wikileaks :
"Les données de WikiLeaks suggèrent que 2058 personnes sur une liste secrète de cibles appelée le « Joint Prioritized Effects List » (JPEL) ont été considérées comme des cibles des opérations de « capture/élimination » en Afghanistan. Des détails de certaines des missions de la Task Force 373 sont devenus publics à la suite des 76000 rapports d’incidents divulgués au public par WikiLeaks, ainsi que des analyses de ces documents dans Der Spiegel, The Guardian et The New York Times. Une comptabilité complète des ravages de la Task Force pourra être disponible très prochainement, toutefois, l’administration Obama refuse de commenter la vague d’assassinats en cours en Afghanistan et au Pakistan. Un bref historique de l’équipe peut néanmoins être retirée par une lecture attentive des documents de WikiLeaks ainsi que les rapports connexes de l’Afghanistan et les rapports des forces spéciales non classifiés." Les données de Wikileaks, terribles pour le pouvoir US, ne seront que peu relayées dans la presse "mainstream", on s'en doute... selon la nomenclature du JPEL, il valait mieux se voir affublé de la lettre "C" (pour "capture") que de la lettre "K" (pour "kill", tuer), le programme (secret) étant surnommé "kill or capture".
Or si on revient à l'origine de cette pratique... on retombe, encore une fois, à il y a 31 ans !!! "L’idée des équipes « mixtes » de différentes branches militaires travaillant en collaboration avec la CIA a tout d’abord été conçue en 1980 après le fiasco de l’opération Eagle Claw, lorsque le personnel de l’Air Force, l’US Army et la Navy était engagé dans une tentative désastreusement bâclée de sauvetage des otages états-uniens en Iran avec l’aide de la CIA. Huit soldats ont été tués lors du crash d’un hélicoptère qui s’est écrasé dans un avion C-130 dans le désert iranien. Par la suite, une commission de haut niveau, six membres dirigés par l’amiral James L. Holloway, a recommandé la création d’un commandement des forces spéciales mixtes pour s’assurer que les différentes branches de l’armée et de la CIA feraient beaucoup plus d’avancées dans la coordination planifiée dans le futur". Ce processus a été considérablement accéléré après le 11 septembre 2001. Durant ce mois, une équipe de la CIA appelée Jawbreaker en charge de l’Afghanistan devait planifier une invasion du pays dirigée par les Etats-Unis. Peu après, une équipe des bérets verts baptisée Task Force Dagger (poignard) devait poursuivre la même mission. Malgré une rivalité initiale entre les commandants des deux groupes, ils se sont finalement alliés".
Aujourd'hui, La Task Force 373 (TF 373) est composée en partie de " Green Berets " du 3ème Bataillon du 7ème SFG de Fort Bragg en Caroline du Nord, commandé par le Colonel James Kraft, et utilise des MH-47G Chinook, des MH-60L " DAP " et des Cobra du 3ème Bataillon du 160ème SOAR (160th Special Operations Aviation Regiment Airborne, qui est basé à Hunter Army Airfield, en Georgie (aux USA). Elle TF 373 utilise quatre bases aériennes en Afghanistan : Kaboul, Kandahar, Khost, Jalalabad et Mazar-i-Charif (où est située l'armée allemande, qui partage ses infos avec la CIA, selon ce qu'on en sait), celle aussi d'où partent les actions "à haute valeur stratégique". Les anglais (*) ont eux aussi leurs services similaires "d'intervention", mais ne semblent pas viser les mêmes personnes. Pour résumer, les américains cherchent à couper la tête de l'hydre talibane ou d'Al-Qaida et isoler ses chefs un à un, qui sont systématiquements abattus, alors qu'ils ont représenté à une époque leurs alliés. Ils effectuent un solde de toute compte à leur égard. La TF 373, avec ces hélicoptères déguisés (comme ci-dessous le N173RU de chez "Simplex Corp" vu ici à Hulburt), dans cette optique, systématise et vise à abattre tous les cadres insurgés, y compris les " modérés ". Les anglais, en revanche, sont moins dratiques : ils veulent que les éléments modérés parviennent à la tête du mouvement et en conséquence il les épargnent, les jugeants plus ouverts à la négociation. En ce sens, ils ne s'en prennent qu'aux dirigeants les plus violents ou les plus radicaux.
Historiquement, donc, la quête au Ben Laden était donc réservée à cette élite de commandos : "La première équipe « mixte » clandestine impliquant la CIA et les diverses forces militaires d’opérations spéciales travaillant ensemble en Afghanistan a été la Task Force 5, chargée de la mission de capture ou d’élimination des « objectifs de haute valeur » comme Oussama ben Laden, les hauts dirigeants d’Al-Qaïda et le mollah Omar, le chef des Taliban. Une organisation semblable basée en Irak a été appelée la Task Force 20. Les deux ont finalement été combinées dans la Task Force 121 du général John Abizaid, le chef du Commandement Central américain. Dans un nouveau livre qui doit paraître ce mois-ci, « Operation Darkheart », le lieutenant-colonel Anthony Shaffer dévoile le travail de la Task Force 121 en 2003, lorsqu’il servait dans une partie d’une équipe surnommée Jedi Knights. Travaillant sous le pseudonyme du Major Christopher Stryker, il dirigeait des opérations pour la Defense Intelligence Agency (l’équivalent militaire de la CIA) de la base aérienne de Bagram". A noter le nom du groupe, Jedi Knights, qu'avait repris Pfarrer dans son livre "Seal Target Geronimo". Le livre de Shaffer, trop embarrassant sans doute, sera envoyé au pilon par le Pentagone.... en octobre 2010, soit 7 mois avant le raid contre Ben Laden. L'éditeur, St. Martin’s Press, en ressortira une version... expurgée.
"Ce n’était pas facile" continue l'ancien commando. Ils réussirent en frappant au cœur des Taliban et leurs refuges au-delà de la frontière au Pakistan. Pendant un instant, Shaffer nous a vus gagner la guerre", d’après ce que l’on peut lire dans la promotion pour le livre. « Puis tout est devenu compliqué pour les militaires. Les politiques qui dépendaient de hauts fonctionnaires ont désespérément commis des erreurs. Shaffer et son équipe ont été forcés de s’asseoir et de regarder l’insurrection grandir – juste à la frontière du Pakistan. » Un peu facile de mettre cela uniquement sur le dos des politiques, il me semble...
Des opérations "à la Ben Laden" ont donc régulièrement eu lieu, contrairement à ce qu'on nous a tenté de nous vendre médiatiquement : "Lors d’une nuit d’octobre, Shaffer a été déployée dans un village près de Asadabad dans la province de Kunar par un hélicoptère MH-47 Chinook pour diriger une équipe « mixte », incluant des Rangers (une division de forces spéciales) et les troupes de la 10ième Division de Montagne. Ils étaient sur une mission pour capturer un lieutenant de Gulbuddin Hekmatyar, un seigneur de guerre notoire allié aux Taliban, basée sur les informations fournies par la CIA". Il s'agissait très certainement de Zia-ur-Rehman, comme taliban recherché, le responsable de l'insurrection de Bajaur (au Pakistan) en 2008, réprimée en 2009.
Mais d'où viennent donc les membres de ce groupe de tueurs est-on amené à se poser comme question ? Et qui donc exactement leur donne des ordres ? "Des meilleures unités de l'armée et de la marine US", nous répond Der Spiegel : "Les hommes de la 373 Task Force viennent de différentes branches de l'armée, y compris les Navy Seals et la Force Delta, et agissent comme une meute de loups. Ils reçoivent leurs missions directement du Pentagone. Les forces spéciales parviennent souvent à rattraper leurs adversaires en vie. Les documents secrets indiquent que plusieurs dizaines se référent à des transferts de prisonniers à la prison de terroristes tristement célèbre de la base aérienne de Bagram, au nord de Kaboul. Parfois, les soldats de la 373 , à plusieurs reprises dans une journée, arrivent avec des prisonniers et les remettent aux gardes. Mais la Task Force 373 préfère chasser des « cibles de haute valeur " comme les commandants talibans ou les experts en explosifs d'Al-Qaïda. Ceux-ci incluent les ennemis que personne ne veut capturer vivant. Les analystes disent que ces assassinats ciblés sont une réalité de la vie dans la guerre en Afghanistan, même si l'armée américaine et les troupes de l'ISAF n'aiment pas parler de ces missions."
Mais il y a plus étonnant encore, car ce vétéran de la guerre contres les soviétiques qu'était donc Qari Ziaur Rahman (ici en photo à gauche) a eu bien des aventures :" comme il avait continué la guerre après les soviétiques contre les américains, ses exploits avaient attiré l'attention des forces de la coalition, qui l'avaient placé sur une liste des personnes recherchées et distribué des tracts offrant une récompense de 350 000 dollars pour son arrestation ou sa mise à mort. Avec la pression sur lui, Ziaur tenté de se réfugier au Pakistan, mais dans une action coordonnée par l'Agence centrale de renseignement des États-Unis (la CIA) et l'ISI, il a été arrêté. La fortune lui a souri un peu plus tard, car et en vertu d'un régime négocié par les Pakistanais avec le chef de guerre tribal Baitullah Mehsud, il a été libéré dans un échange de prisonniers par les responsables militaires pakistanais. Sinon, il aurait certainement fini à la base aérienne de Bagram près de Kaboul, ou même à l'installation de détention de Guantanamo Bay à Cuba." Après sa libération, Ziaur est devenu le commandant des opérations militaires en charge globale des affaires des talibans dans les provinces de Kunar et du Nuristan. Ses fonctions comprennent l'élaboration de la politique et des budgets régionaux de guerre. Il représente également le Kunar et le Nuristan dans la choura talibane du Mollah Omar (le conseil). Ziaur était alors largement pressenti pour devenir l'un des commandants talibans les plus importants dans toute la région" nous rappelle India Times. L'homme aurait été annoncé comme tué par un drone en 2009, mais il aurait lui-même téléphoné le lendemain pour annoncer que l'attaque avait échoué. Prisonnier des pakistanais, arrêté conjointement par la CIA et l'ISI... puis relâché ??? Qui a dit que la CIA et l'ISI ne s'entendaient pas ? Qari Ziaur Rahman en est la preuve contraire !
La collusion entre l'ISI et la CIA ne date donc pas du raid sur Ben Laden ou sur les talibans (lire ici ce que j'avais pu dire à l'époque sur ces événements, notamment ceci : "Crumpton a joué bien d’autres rôles : au sein de la commission du 11 septembre, c’est lui le fameux "Mr Henry" qui pressait tant parait-il le gouvernement d’intervenir en Afghanistan avant que ce ne se produise le 11 septembre ! incroyable aveu du Washington Post du 12 septembre 2005 ! L’homme qui aurait "traqué" Ben Laden à Tora Bora (et le laisser fuir !) aurait été celui dont les rapports alarmants n’auraient pas été écoutés ? Quelque chose cloche là ! L’homme aurait joint la CIA dès 1981, un "vieux rêve d’enfant accompli" selon lui, et aurait plongé très vite en 1988 dans le contre-terrorisme en étudiant les attaques contre les ambassades US cette année-là, aurait donc découvert très vite à qui il avait affaire... et l’aurait laissé filé lui aussi ?" avais-je dit. Le 14 mai 2012, désormais en retraite, Crumpton, en bon faucon, lâchait quelques missiles contre les politiques lors d'un entretien à 60 minutes, pour la sortie de son livre "The Art of Intelligence : Lessons from a Life in the CIA's Clandestine Service, " déclarant notamment "qu'en 1999, Bill Clinton n'avait pas autorisé l'assassinat de Ben Laden", histoire de mettre le clan démocrate dans l'embarras. L'épisode est certes connu... mais Crumpton a oublié une chose dans son récit biaisé : à l'époque, aucun drone Predator n'est armé, et c'était un de ces drones qui l'avait filmé à la Tarnak Farm. Les missiles "Cruise" ne pouvant être lancés qu'avec un délai de 6 heures, d'atteindre rapidement Ben Laden était tout simplement... impossible. Encore un mensonge de plus à ajouter à la liste. Les faucons n'ont pas tous dispatu avec l'échec de Bush pour sa réélection en 2008 !
Quant à la fameuse Task Force 373, et bien elle continue... ailleurs ses crimes de guerre déguisés : "le New York Times, qui fait partie du triptyque gagnant de quotidiens, ayant eu accès en avances à ces pièces, publie aujourd’hui un rapport concernant une opération de cette fameuse TF373. Le document raconte l’offensive sur une mosquée afin d’appréhender le chef libyen d’Al Qaida dans la province de Paktika (il s'agissait d'Abou Laith al-Libi, tué au final plus récemment). Une attaque qui commence par un tir de cinq roquettes et qui se termine par un assaut tactique. Bilan : 6 ennemis tués et 12 prisonniers. Mais surtout 7 enfants abattus. S’ils étaient à priori retenus contre leur gré, l’effet négatif sur l’opinion est forcément radical" conclut le journaliste qui relate l'attaque désastreuse.
(*) "Le site internet Rue 89 relève que certains rapports évoquent également l’activité d’une unité similaire côté britannique, la Task Force 500. L’unité en question viserait exclusivement les chefs les plus radicaux, explique le journaliste Roger Falligot, afin de pousser les plus modérés à négocier".
26 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON